Par Raouf Khalsi
Hamdi Meddeb n’est pas tombé de la dernière pluie. Sa connaissance des hommes et ses profondes introspections de tous les jours pour mieux intégrer les mouvances de son club, font qu’il se refuse à planer, à occulter les réalités de tout instant ; ces réalités qui s’imposent à lui et qu’il doit domestiquer pour les ranger dans l’ordre normal d’une gestion toujours truffée, quoi que l’on en dise, d’impondérables et d’imprévus.
Rôle ingrat. Posture peu commode d’un président qui met en avant ses valeurs d’appartenance à son Espérance, simplement parce que ses détracteurs (Espérantistes ou autres) ne le conçoivent que dans le statut de « la poule aux œufs d’or ».
Si l’on devait se suffire à n’appréhender l’Espérance que sous l’angle de ce « colosse » aux finances jaculatoires, cela ferait longtemps qu’elle aurait perdu son âme de club né dans la ferveur, qui ne vit que d’amour et qui reste suspendu au souffle de ses supporters.
Le pouvoir, dit-on, use. Mentalement. Financièrement. Physiquement. Or, vivre pour l’Espérance cela donne « fatalement » des raisons de toujours y croire. Comme dirait l’autre, de toujours remettre le cœur à l’ouvrage. Et même si l’édifice bascule quelque peu, ou qu’il donne l’impression de chavirer sous l’effet des vents contraires, c’est là que le timonier redresse la barre.
Car, durant toutes ces longues années, c’est Hamdi Meddeb qui a été au service de cette Espérance qui lui colle à la peau. Et non l’inverse. Il est tout à fait normal que la comptabilité dressée lors des Assemblées générales fasse ressortir ses apports monumentaux et qu’il refuse de récupérer. Parce qu’il est à la fois le président et le mécène.
Parce qu’il est taraudé par le syndrome de l’excellence, du leadership (celui de son club) et pas uniquement en football.
C’est que l’Espérance est gérée à la manière d’un holding. Or, un « holding » transposé dans les réalités du sport tunisien peut aussi renvoyer l’image d’un monstre qui broie tout sur son passage, tandis que d’autres grands clubs se débattent dans les affres des liquidités asséchées et dans l’instabilité directoriale. C’est la faute au système d’un football tunisien désormais à la traîne, alors que nos voisins sont en train de progresser, de se repenser et de faire face, avec courage et loin des oligarchies fédérales, aux mutations d’un football s’étant désormais érigé en véritable industrie.
Peut-être, sans doute, Hamdi Meddeb est-il allé plus rapidement que la musique. Peut-être, ce « gigantisme » qu’on lui reproche, heurte-t-il le contexte général.
Or, il n’y a rien qu’il ait fait, ou qu’il ait décidé, qui ne se fît pas dans la transparence. Cette transparence qu’il assume en plein. Et toujours, en termes respectueux et pudiques (la pudeur c’est son défaut), mais aussi dans les accents du défi serein. Rétrospectivement, s’il devait revenir de très longues années en arrière, ferait-il les mêmes choix ? Sans doute…
Sauf qu’ aujourd’hui la contexte change.
Car il se trouve que des hordes de tribuns récupérateurs entendent lui contester ce statut de rassembler. Par- ci, par-là, on théorise, on commente, on extrapole dans des cercles fermés, tous mus par une contorsion déstabilisatrice.
Voilà maintenant que les choix du président sont contestés. Voilà qu’on fait dans le déni et que l’on passe sur le grill une campagne de recrutements infléchie par les besoins du moment, des besoins circonstanciels, mais qui peuvent être froidement et scientifiquement réévalués. Du coup, et c’est là que le bât blesse, c’est sa personne qui est mise en équation par des castes qui, à mieux mieux, croient pouvoir prendre les rênes du club.
Hamdi Meddeb est « usé » par l’Espérance, c’est vrai. Il y joue sa santé parce qu’il y met trop passion, trop d’influx nerveux et cela se fait au détriment des siens et de sa famille qui s’angoisse pour sa santé.
Peut-il néanmoins lâcher les rênes de l’Espérance et comme Aznavour, quitter la table ? Et puis, l’amour (dont parle justement Aznavour) est-il desservi ?
S’il parle maintenant de se mettre en retrait et de mettre en place (il ne l’a pas dit ouvertement), un comité directorial, c’est sans doute pour sortir de cette solitude écrasante où un seul homme est confronté à des décisions lourdes d’avenir.
Du coup, ceux qui louvoient vers la présidence de l’Espérance y ont vu un subterfuge. Les fantasmes sont en effet indomptables. Ils commencent à fulminer affirmant que Meddeb passera le témoin à Hechmi Jilani, son gendre, fils de Hédi Jilani, avec lequel l’UTICA a vécu la meilleure période de sa vie, et que le pouvoir des Islamistes a ignoblement persécuté. On, il n’est par dit que ce soit dans les intentions de Hamdi Meddeb. Un directoire qu’il gérerait en arrière-plan, ce serait une configuration théorique, faisable, mais qui n’est pas forcément adaptée aux pulsions de ce singulier métabolisme du club.
L’Espérance a toujours besoin de se reconnaître en un leader. C’est sans doute le destin de Hamdi Meddeb. Mais ses supporters ont ceci de particulier, c’est qu’ils déversent instinctivement leur courroux (quant les résultats viennent à manquer) sur l’équipe séniors et sur son entraîneur. Et c’est là qu’entre en scène Nabil Maâloul, véritable personnage du genre, gagneur, et qui connaît bien le microcosme espérantiste.
Curieux tout de même qu’une cabale montée de toutes pièces ait oublié qu’à un certain moment, avec Hamdi Meddeb aux commandes du club et Maâloul à la direction de l’équipe, l’Espérance a trôné sur le toit de l’Afrique.
En tous les cas, en ces temps troubles, Hamdi Meddeb ne serait pas inspiré de trop se laisser conditionner par les ressentiments. Des pressentiments, il en a. Mais, encore une fois, il écoutera les chuchotements du cœur.
Le cœur, ce qu’il a de meilleur…