Par Samia HARRAR
L’amitié entre les peuples, le partage, la solidarité : on est bien d’accord, cela doit vouloir dire quelque chose. Mais il y a une frontière à ne pas outrepasser, lorsque l’on est un pays, qui est censé avoir acquis son indépendance depuis quelque soixante-six ans, et avoir prix de la maturité l’âge aidant. En tout cas suffisamment pour savoir interagir avec les défis qui se posent tous les jours, en quelques termes qu’ils se présentent, et quel qu’en soit le contexte. Étant armé pour, l’expérience faisant foi et loi, pour ne pas répéter les erreurs du passé.
Il semble que nos décideurs aient été atteints d’amnésie, puisqu’ils auront permis la résurgence des mêmes facteurs, socio-économiques, qui auront fait basculer un jour la Tunisie, dans le « giron » du Protectorat. La suite, on la connaît. Et elle est désastreuse…
De fil en aiguille, une année en chassant l’autre après l’avènement du fameux « Printemps Tunisien » de toutes les turpitudes, notre pays a vu s’accumuler les nuages dans son ciel, et du « rouge » à son front. Les stigmates de l’indignité…
Nous avons perdu notre dignité. Et nous aurons beau vouloir nous voiler la face, lorsqu’un pays voisin, fut-il frère et ami, déchiré qui plus est par des conflits et une guerre civile sans fin, nous envoie de la nourriture par camions entiers, pour aider le « peuple Tunisien affamé », c’est une gifle magistrale qui nous est assénée sans pitié, avec une main de fer dans un gant d’airain, pour que nous n’ayons plus le courage d’ergoter avec conviction, que notre pays est souverain et que nous sommes un peuple fier, qui avance d’un pas ferme, confiant dans son lendemain, et sûr de pouvoir en découdre, pour offrir à ses enfants, un bel avenir, et des raisons d’espérer.
Nous voyons partir nos enfants et sommes les premiers à les encourager à partir, parce que nous refusons qu’ils soient humiliés davantage dans un pays qui est le leur. Et qui est en train de mourir à petit feu. Nous ne voulons pas que, eux aussi, en viennent à mourir à petit feu.
Leurs parents ont assez donné pour qu’ils soient astreints un jour, à leur tour, de baisser la tête, écrasés par la honte, lorsque nous aurons passé des années à leur « seriner » de la garder toujours levée : haute et fière, en fixant son drapeau. Alors, de toute façon, avec ou sans notre consentement, ils partiront. Parce qu’ils verront se boucher devant eux, tous les horizons. Et parce qu’ils voudront déployer leurs ailes pour voler.
C’est triste à dire, mais nous nous rendons compte aujourd’hui plus que jamais, que nos « martyrs » sont tombés pour rien puisque nous n’avons pas su, par fidélité à leur mémoire, prendre soin de ce pays qui est le nôtre.
La Tunisie ne mérite pas d’être vendue au plus offrant comme cela s’est produit durant la décennie noire Honte ceux qui ont participé, jour après jour, à sa déliquescence, en cherchant par tous les moyens possibles et imaginables, à la vendre au plus offrant. Honte à nous qui avons laissé faire, honte à nous si nous ne faisons rien pour la sauver. Vous savez quoi ? Combien il nous manque Bourguiba…