Le nouveau Parlement, issu des élections législatives du 29 janvier, comptera 16 % de femmes. Au total, 25 femmes ont été élues députées sur un total de 154 sièges. Un chiffre qui n’augure rien de bon quant à la représentativité politique des femmes. En 2014, les femmes ont remporté 31 % des sièges au Parlement.
Le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) Farouk Bouasker a précisé, lundi 30 janvier 2023, lors de la conférence de presse consacrée à la proclamation des résultats, que 22 femmes ont remporté des sièges lors du deuxième tour des élections législatives. Après les trois femmes ayant déjà passé dès le premier tour, le nombre total des femmes à la prochaine assemblée du président de la République atteint les 25 femmes, alors qu’il y aura 129 hommes au total. Le nombre de femmes au parlement ne cesse de diminuer.
À la fin de la législature en 2019, elles en détenaient près de 36 %, ce qui plaçait la Tunisie au 30e rang sur 193 pays pour la représentation des femmes. La participation politique des femmes est toujours en deçà des attentes et des aspirations des femmes tunisiennes en matière de parité, de l’aveu de Mounira, enseignante, qui considère qu’«il y a eu des progrès, mais la cadence est très lente. C’est vrai qu’il y a un mécanisme assez important dans ce domaine, celui de la discrimination positive, mais après deux mandats, je pense qu’aujourd’hui nous sommes arrivés à évaluer ce mécanisme et le renforcer avec d’autres mécanismes, permettant aux militantes politiques de se présenter directement et d’avoir des chances égales pour se présenter dans des circonscriptions et avoir leurs sièges au parlement », déclare-t-elle. Un avis que partage Neila, chef d’entreprise, «Au niveau de la représentativité au sein des institutions, il y avait un effort qui a été fait, mais qui reste quand même insuffisant, par rapport aux dispositions constitutionnelles qui parlent de la parité. Quant à l’accès des femmes aux postes de responsabilité, ce n’est pas satisfaisant du tout. Un constat qui n’a rien de rassurant. Le taux de représentation dans le parlement est trop faible . La femme est considérée comme un être non-politique, uniquement utilisée comme un chiffre pour faire peser la balance électorale ou comme un moyen pour améliorer l’image des partis durant les rassemblements. »
Ça piétine, ça régresse…
La représentation des femmes au Parlement a chuté de 35,9 à 26,2 % après les élections législatives de 2019. Les femmes candidates sont désavantagées en raison des lacunes au niveau des dispositions relatives à la parité homme-femme dans la loi électorale. Elles sont confrontées à des contraintes matérielles, sociales et économiques qui les empêchent de participer pleinement à la vie politique, notamment, la faible représentation dans les structures des partis, la marginalisation des processus décisionnels et l’inégalité d’accès aux ressources pendant les campagnes. Les partis politiques entravent également la participation politique des femmes dans leur rôle de contrôle du processus politique. Le classement de la Tunisie concernant la parité politique nous interpelle à plus d’un titre. En effet, la Tunisie était le premier pays arabe dans ce classement. Elle était en 2014 classée 30 sur 193 pays , avec 35,9% des femmes dans le parlement suite aux dernières législatives tenues dans le pays après le printemps arabe et la révolution du Jasmin ; Mais surtout après l’institutionnalisation de la Parité politique dans la nouvelle Constitution tunisienne, notamment dans l’article 46 : « L’État s’emploie à consacrer la parité entre la femme et l’homme dans les assemblées élues » or le taux enregistré en 2019 de 23% seulement de femmes à l’ARP, contre 35% en 2014, est un indicateur inquiétant.
A titre comparatif, le Rwanda occupe le premier rang pas uniquement en Afrique mais au monde avec 61,3 % de femmes dans la chambre basse et 38,5 % dans la deuxième chambre. Samira, activiste espère que la Tunisie mettra en place un mécanisme qui permettrait d’arriver à la parité d’ici 2030. « La parité politique serait ainsi le point d’entrée pour créer la dynamique nécessaire au changement et à la parité dans tous les domaines », souligne-t-elle, en affirmant que son souhait est qu’il y ait un message important à délivrer à travers les prochaines élections concernant la présence politique des femmes. Atteindre un pourcentage de représentation politique qui soit honorable lors des prochaines législatives est notre souhait et que les partis politiques assument une large responsabilité dans ce qui se passera demain. Nous hommes et femmes, nous partageons le monde, nous devons partager le pouvoir.».
En dépit des efforts déployés par la société civile et les partis politiques pour la promotion des femmes, le constat est quelque peu amer. . Il est essentiel que les parties prenantes consacrent des ressources pour combler le fossé entre les expériences de jure et de facto des femmes tunisiennes en tant que citoyennes, électrices et actrices politiques officielles. Ces mesures comprennent la modification de la législation afin de garantir la parité entre hommes et femmes en tête des listes électorales, au sein de l’ISIE et aux postes de responsabilité au sein des partis politiques et des commissions parlementaires. Il faudrait institutionnaliser les relations entre les femmes au parlement, au gouvernement et aux conseils municipaux afin de créer un réseau d’acteurs politiques féminins et de donner aux électrices et aux citoyennes des possibilités plus solides pour interagir avec leurs représentants.
En outre, la pleine application de la loi sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes est essentielle pour promouvoir la capacité des femmes à exercer leur pleine participation politique. Modifier la loi électorale pour inclure la parité horizontale dans les listes électorales est nécessaire. Elle peut être concrétisée facilement si l’on renforce l’arsenal juridique, mais l’égalité est un combat plus profond et plus complexe.
Kamel Bouaouina