Par Samia HARRAR
Ils y ont cru. Et puis ils ont dû déchanter très vite. Non sans avoir résisté à l’usure, avant de nouveau, jeter les gants. Ça a été ensuite, une décennie en dents de scie. Il fallait trouver sa place, lutter pour recentrer le débat, faire « front », et montrer que, lorsque l’on est jeune, ce ne sont pas les « barbus » rances et hideux, qui ont pris possession des lieux, qui pourraient étouffer en vous, l’appel de la création. Et de la liberté qui est son corollaire. Ils peuvent, par contre, s’arranger pour que se resserrent autour de vous toutes les issues, jusqu’à vous étouffer, afin que vous soyez tellement happés par la course des jours, que vous en arriviez, pour face à un quotidien des plus ardus, à vous résigner à abandonner, en cours de route, tous les rêves que vous transbahutiez dans le sillage de la révolution, et qui auront vécus. La « révolution », aussi.
Il m’en souvient… et c’était beau à voir, des « grappes » de jeunes musiciens en goguette, avec cet état de grâce qui caractérise la jeunesse, qui fait que vous leur pardonniez tout, d’avance : surtout de vous rappeler qu’en fait de jeunesse, la vôtre a déjà pris un autre train, est descendue dans une autre station, avec un mouchoir blanc à la main pour l’agiter au moment des adieux, lorsque les quais sont déserts, pour mieux en prendre la mesure. Alors, c’est avec fureur et acharnement, et le désir de les aider à résister à l’usure des jours, que vous tentez, désespérément, de faire que cet état de grâce, perdu, depuis que la « rue », dont se sont emparée les jeunes, les a, à nouveau refoulé à la lisière d’autres frontières, renaisse de nouveau, et de nouveau, s’empare de l’espace public, pour le rendre plus heureux, en lui restituant ce qui lui fait défaut : la joie qui doit, par le biais des arts et de la culture, être toujours recommencée.
C’est dans le sillage, cette fois-ci, d’un 25 juillet 2021, qu’il y a eu résurgence de l’espoir, que d’aucuns, non animés, cela est certain, de bonnes intentions, tentent méticuleusement, de « tuer » dans l’œuf. Cela n’est pas permis.
Comment est-il possible aujourd’hui, d’enfermer deux jeunes étudiants, derrière des barreaux qui ne sont pas faits pour eux, à cause d’une simple chanson satirique, qui décrit, en réalité, en adoptant le parti-pris de l’humour, le traitement réservé aux jeunes fumeurs de « joints », pour qui le « cannabis », est juste un amusement, permis, lorsque l’on a vingt-ans et que l’on cherche à expérimenter la vie par tous les « bouts » de la lorgnette ? En se demandant après, pourquoi toute cette belle jeunesse, qu’elle expérimente les « paradis artificiels » ou pas, cherche, par tous les moyens, à quitter le pays. Si, à cause d’une simple chanson, nous envoyons nos jeunes en prison, alors c’en est fini du rêve, qui aura volé en éclats, en se prenant le réel en pleine figure.
Nous ne voulons pas que nos jeunes en arrivent à détester leur pays. Nous ne voulons pas que nos enfants le fuient, pour laisser la place aux « charognards » et aux extrémistes de tous bords, afin qu’ils se l’accaparent de nouveau. Par conséquent, il faut abolir ce décret-loi 54, qui permet toutes les interprétations et ouvre la porte à tous les abus, car il n’a pas lieu d’être. C’est un « instrument » dangereux, qui a été détourné, et qui peut être très équivoque, lorsqu’il agit comme une « épée » de Damoclès sur la liberté de s’exprimer sous nos cieux. Le président de la République, Kais Saied, a répété moult fois, qu’il était farouchement opposé à toutes les oppressions et dérives, qui menaceraient la liberté de l’expression intra-muros. Nous lui faisons confiance. Alors, c’est bien à lui qu’échoit, la décision, laquelle serait autrement salutaire, de faire en sorte que le décret 54 soit retiré au plus vite pour qu’il y ait cohérence. Parce que non, encore une fois, il n’est pas possible d’accepter, que des jeunes soient arrêtés, sous couvert qu’ils ont « commis » une chanson. Et même si elle n’est pas piquée des « hannetons », ça demeure une chanson. I
l y a un urgent appel d’air, qui démange, et dérange surtout, dans les « entournures ». Il ne faut pas attendre qu’il soit trop tard, et il n’est pas encore trop tard.
Nous sommes encore à mi-chemin. Et n’avons aucune envie de bifurquer, pour aller vérifier si l’herbe est plus verte ailleurs. C’est ici et maintenant…