Le syndrome récurrent de la défection du public ou, plutôt, de l’absence de promotion et de la culture du spectacle, continue de pénaliser artistes et férus de théâtre. Le public n’était pas nombreux hier pour voir la pièce de « Prométhée » , une coproduction tuniso-italienne de Simone Mannino qui a réuni une pléiade d’artistes tunisiens et italiens : Jamel Madani (dans le rôle de Prométhée), ainsi que Aymen Mabrouk, Giorgio Coppone, Mariem Sayeh, Paolo Mannina et Chiara Muscato. Difficile de savoir pour quelles raisons le public boude le Théâtre. Toujours est-il que selon Mariem Sayeh : « Nous avons voulu inviter les hommes de théâtre, les artistes, les associations d’environnement, mais la direction du festival n’a pas voulu alors que cette ouverture soit une fête. La pub manquait. Pourtant nous avons fait le plein aux journées théâtrales de Carthage » dit-elle
En racontant l’histoire de « Prométhée », celui qui a volé le feu aux Dieux pour le donner aux hommes ce qui lui vaudra d’être enchaîné pour l’éternité sur ordre de Zeus, le metteur en scène Simone Mannino a fait le choix d’une pièce à la dimension politique. Prométhée symbolise la désobéissance face à l’ordre établi. La mise en scène est la plus dépouillée possible pour donner à l’œuvre toute sa dimension.
Jamel Madani qui incarne Prométhée a excellé .Il s’est retrouvé enchaîné, condamné au supplice éternel par Zeus. Son seul délit a été d’offrir aux hommes le secret du feu, jusque-là réservé aux Dieux. Ce voleur du feu ou ce porteur de lumière est venu en aide aux hommes, au mépris de la colère de ses pairs mais il sait pertinemment qu’il n’y a jamais de bien sans mal, que le feu nécessaire pour cuire les aliments servira aussi à forger les armes, que tout progrès à son revers.
Si le théâtre d’Eschyle est très ancien, les thèmes abordés sont intemporels : la folie du pouvoir, le massacre écologique. Simone réussit le tour de force de faire de son Prométhée enchaîné un spectacle séduisant. Les décors, les costumes et le jeu scénique étaient mis en valeur. Dans ce jeu dramatique, il s’agit d’utiliser le corps pour exprimer des sentiments, des sensations. Le corps bouge. Le spectateur le remarquera à travers chaque geste interprété dans un sens différent, plus aigu, plus tragique, plus émouvant aussi. Un mouvement de regards, de gestes et d’idées. Sur une scène, les émotions des personnages se détachent. La mise en scène découpe et détend les mouvements tandis que le jeu corporel prend le relai : violence, révolte. .Connaisseur, le public a très bien accueilli la pièce Prométhée ».
Kamel BOUAOUINA
Photos Rached Berrazagua