Le monde arabe du travail évolue avec l’évolution des systèmes économiques et la volonté des Etats arabes à œuvrer ensemble pour une politique commune de l’emploi face aux difficultés rencontrés notamment par les jeunes de trouver un emploi stable, ce qui constitue un élément important de l’identité sociale. Dans le monde arabe, les jeunes qui en sont privés courent le risque de partir à la dérive. Certains finissent par se sentir exclus et marginalisés, ce qui peut les rendre plus réceptifs aux idées radicales. L’émigration clandestine qui est de ce fait un acte de désespoir, est tentée tous les jours par les jeunes qui jouent le tout pour le tout et c’est plutôt un acte de suicide, car plusieurs d’entre eux périssent en mer. Le rôle de l’organisation arabe du travail (OAT) serait en l’occurrence plus déterminant, si de plus grands efforts étaient déployés entre les pays membres.
Institution spécialisée de la Ligue des Etats arabes, l’Organisation arabe du travail (OAT) est créée en 1970. Elle vise à promouvoir la coopération et la coordination dans le domaine du travail entre les pays arabes. En ce qui concerne les relations entre l’OAT et la Tunisie, il y a une coopération étroite entre les deux parties. La Tunisie est membre de l’OAT depuis sa création. En tant que membre, elle participe activement aux activités de l’organisation et bénéficie de ses programmes et services. L’OAT fournit un appui technique, des conseils et une expertise dans le domaine du travail et de l’emploi et une collaboration avec les pays arabes dont la Tunisie dans divers domaines. Evidemment les relations entre l’OAT et la Tunisie sont basées sur le principe de la souveraineté nationale, ce qui signifie que la Tunisie conserve sa liberté de décision et d’action dans les questions relatives au travail et à l’emploi, tout en bénéficiant de l’appui et de la coopération de l’organisation. La législation du travail en Tunisie a évolué notamment avec l’évolution du système économique et ce, avec le passage d’une économie dirigée jusqu’en 1970 à une économie libérale qui a donné ses fruits et ses répercussions sur le domaine social notamment en matière d’emploi. Ce qui a amené à la réforme de la législation du travail dans le but d’améliorer les droits des travailleurs. La réforme du code de travail apparaît comme une condition nécessaire pour la relance économique en Tunisie et pour pouvoir résorber, tant soit peu, le chômage. La rigidité de la réglementation du marché du travail a engendré des distorsions qui constituent un handicap au bon fonctionnement du marché du travail tunisien. Ainsi, le code du travail constitue une contrainte en matière d’embauche, de licenciement et en matière d’adaptabilité face aux aléas du marché. C’est la raison pour laquelle, les conventions collectives relatives aux secteurs d’activité économique, élaborée entre les partenaires sociaux, c’est-à-dire, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) seul syndicat reconnu à l’époque, l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) et l’Etat, afin de suppléer au code du travail dans ses carences.
La charte arabe des droits de l’Homme mal appliquée
Selon une étude sur le droit international arabe de Abderrahaman Afifi, chercheur à Aix Marseille on peut lire notamment : « l’ordre juridique interne arabe ne manque pas de textes légaux assurant une protection relative aux droits fondamentaux. L’effectivité de cette protection semble pourtant faire défaut. Il faut situer les droits et les libertés dans une perspective historique, afin de déceler les facteurs de progrès, de régression ainsi que les risques de fractures. La Charte arabe des droits de l’homme adoptée par la Ligue des Etats arabes en 1994 constitue incontestablement un progrès par rapport à la situation de non droit qui prévaut dans le monde arabe. Le contenu normatif de cette Charte témoigne d’une conception assez proche de la Charte internationale des droits de l’homme. Cette approche a malheureusement pour contrepartie une certaine pauvreté technique dans le mécanisme de protection des droits consacrés d’où la nécessité de moderniser ladite Charte ». Si la Charte arabe des droits de l’homme est un document qui sert de guide du monde arabe vers l’émergence d’un système régional de protection des droits fondamentaux, il reste aux peuples visés, mais aussi aux Etats arabes et aux organisations internationales à créer les conditions nécessaires permettant d’asseoir fermement cet acquis et veiller à ce que l’individu puisse bénéficier de la consécration non seulement des droits civils et politiques mais également des droits économiques, sociaux et culturels.
Droit international arabe et justice sociale
C’est pour promouvoir un droit international arabe du travail que le président de la République, Kaïs Saïed, a accueilli dernièrement à Carthage, le directeur général de l’Organisation arabe du travail, Fayez Ali Mtiri. Cette rencontre a permis d’aborder la coopération arabe au sein de cette organisation et les programmes qu’elle vise à réaliser. Il n’a pas manqué de rappeler, la création de l’OAT au milieu des années soixante du siècle dernier, « dans le contexte du mouvement national arabe, de réaliser une véritable justice sociale que le peuple arabe espérait ». De nos jours, le rêve d’une justice sociale pour tous a évolué avec l’évolution des conjonctures politiques et socio-économiques. Si, comme l’a fait encore remarquer Kais Saied, « les opportunités d’emploi permettent d’assurer un revenu décent pour les travailleurs, il n’en reste pas moins que des accords d’entraide entre les pays membres de l’OAT doivent intervenir afin de créer ces opportunités. Le secrétaire général de l’OAT a de son côté « assuré que son organisation œuvrera pour soutenir la Tunisie et ses stratégies de l’emploi, soulignant qu’il avait constaté la dimension arabe du président tunisien, ainsi que sa vision pour les jeunes et l’emploi ». Mais encore faut-il que cette dimension arabe, englobe tous les pays dans lesquels les travailleurs puissent être traités de la même manière et avec les mêmes protections sociales là où ils puissent se trouver. Or les Tunisiens qui s’expatrient dans certains pays arabes sont confrontés parfois à des difficultés notamment quant à la protection sociale. En Europe, La Charte sociale européenne est un traité du Conseil de l’Europe garantissant les droits sociaux et économiques fondamentaux, qui découle de la Convention européenne des droits de l’homme, et se réfère aux droits civils et politiques. La Charte arabe des droits de l’homme adoptée par la Ligue des Etats arabes en 1994, est de plus en plus négligée, par certains pays arabes.
Il ne suffit pas donc de créer des opportunités d’emploi, si les garanties sociales ne sont pas arrêtées d’avance, et c’est dans ce but que doivent œuvrer les pays signataires de la charte afin de promouvoir l’emploi des jeunes, tant en Tunisie, que dans n’importe quel autre pays membre de l’OAT.
Ahmed NEMLAGHI