l nous a été donné, ici et ailleurs, de saluer l’initiative de Ghebtat-Al-Jiwar, que nous avions choisi de traduire par « Allégresse de la proximité ». On s’en souvient peut-être, il s’agit d’un titre choisi par son Excellence l’Ambassadeur du Maroc en Tunisie pour un livre, issu de son initiative et coordonné par lui-même, dont la philosophie consiste à croiser des regards culturels des Marocains et des Tunisiens et à faire de sorte que ce croisement réactualise l’histoire affective et intellectuelle commune pour éclairer l’avenir partagé : « Notre projet est de développer notre patrimoine commun ». Il y a bien là une nouvelle vision de la diplomatie culturelle.
Un premier livre est donc sorti sous ce titre, édité par l’Ambassade du Royaume du Maroc en Tunisie et à sa présentation, l’ambassadeur a dévoilé son intention d’en faire un geste inaugural du volet culturel de sa mission diplomatique, inspirée et conduite par son Excellence le Roi Mohammed VI, et d’initier ainsi, entre autres projets, une collection ayant pour label le titre de ce livre. Ainsi est née la collection Ghebtat-Al-Jiwar dont le second numéro vient de sortir un livre consacré à une icône marocaine de la chanson arabe, en l’occurrence Naïma Samih, et intitulé : « Naïma Samih, un ouvrage tunisien » (Sans doute la traduction par « ouvrage » correspond-elle plus que « patrimoine » à l’esprit du projet, sans perdre l’idée d’héritage).
Pourquoi Naïma Samih ? Tout simplement parce que son histoire est représentative de celle de plusieurs jeunes de la génération à l’aube de l’indépendance. Confrontés à des conditions sociales difficiles, ils ont investi leur volonté dans l’ambition et le défi des difficultés. Par sa réussite, Naïma est donc le signe d’une fierté de sa génération et celui d’une stimulation des générations d’aujourd’hui et de demain.
Naïma Samih aussi, parce qu’elle a su rester digne dans ses choix artistiques et dans la qualité de ses produits, ne cédant ni à la facilité ni à l’opportunisme de basse échelle. C’est ainsi qu’elle a réussi la noble et difficile tâche de marier le patrimoine amazigh et les besoins de la chanson moderne issue du milieu hétéroclite de Casablanca, et qu’elle a donné à cela la finesse et la mélancolie nervalienne, celle d’une douceur où se marient le bonheur et la tristesse. « La chanson douce ! »
Et c’est ce cachet typique et sa voix unique qui en ont fait une icône incontournable de la chanson arabe, avec une étape des passages marquants et remarquables par la Tunisie, ayant contribué à la renommée de Naïma, un prénom qui lui colle bien : « Douce » ! C’est sans doute la raison pour laquelle ce livre, qui lui est dédié et qui la raconte par des voix tuniso-marocaines, a pour titre « Naïma Samih, un ouvrage tunisien », dans le sens où cette inoubliable star marocaine de la chanson arabe est aussi un produit tunisien, d’une certaine manière, et un patrimoine tunisien. Une « histoire tunisienne », dirait-on !
N’est-ce pas ainsi que se construirait le Maghreb, culturellement d’abord et toujours, celui dont nous rêvons, libre et solidaire, respectueux des spécificités de chacun mais assurant la solide plateforme de base qui fait son unité inaliénable aux racines historiques profondes et aux ramifications pleinement ouvertes au large espace que lui ouvre le ciel de l’avenir ?
Mansour M’henni