Visiter l’atelier d’un artiste-peintre et le surprendre en train de créer vaut beaucoup mieux que voir ses travaux finis exposés sur les cimaises d’une galerie. En effet, la visite que nous avons effectuée chez l’artiste-peintre Mohamed Ben Hédi Chérif nous a offert l’occasion de découvrir un peu plus son univers, sa passion pour l’art, ses pensées, ses rêves et sa conception de l’art. Ce jour-là, nous l’avons surpris en train de donner les dernières touches à ses récentes toiles qu’il va exposer à partir du 29 octobre courant à la Galerie des Arts de Ben Arous.

L’artiste et son œuvre

Mohamed Ben Hédi Chérif, septuagénaire, est toujours vêtu en traditionnel : sa majestueuse djebba bien taillée et sa superbe chéchia lui procurent un grand respect, étant un fervent défenseur du patrimoine culturel tunisien. C’est un artiste-né, ayant manipulé le pinceau depuis la prime enfance, à l’école primaire quand il faisait accompagner ses récitations de dessins et d’illustrations qui plaisaient tant à ses enseignants. Le dessin était pour lui un moyen d’avoir une première approche spontanée de la peinture. D’abord adepte de l’art brut ou l’art naïf, il produisait des centaines de tableaux représentant des personnages, des paysages, des objets, des natures mortes, réalisés un peu instinctivement, sans technique particulière, mais avec beaucoup de sensibilité et de tact. Ensuite, il passa à la création abstraite qui caractérisa la majorité de ces œuvres. Il forma, à travers les années, une collection bien fournie de tableaux qu’il dévoila pour la première fois lors d’une exposition personnelle qu’il avait organisée à son domicile et qui constituait une grande découverte aussi bien pour les artistes que pour le public. Et c’est ainsi qu’il commença à organiser des expositions personnelles et d’autres collectives dans les dix dernières années.

Lors de cette visite, nous avons constaté que la maison de l’artiste s’est transformée en un musée d’art : des tableaux, toutes dimensions confondues, sont accrochés aux murs, à l’entrée, au salon, dans l’escalier, dans les chambres et même dans le jardin. Dans ce coin gisaient des toiles à peine commencées, d’autres presqu’achevées, d’autres encore prêtes à être exposées. Tous les travaux sont abstraits et sont de grands formats où une grande importance est accordée à la couleur et à la lumière. Il compte en faire une exposition rétrospective comme il l’a déjà fait pour sa toute première exposition, il y a plus de cinq ans, quand de nombreux visiteurs sont venus explorer l’artiste et ses créations et qui sont rentrés très satisfaits. MBHC devint ainsi très médiatisé en quelques années, devenu l’objet d’articles de presses, d’interviews radiophoniques et de rencontres à la télévision.

Témoignages d’artistes

MBHC est un artiste autodidacte qui ne cesse de se perfectionner à travers les années et de se faire connaitre dans la sphère picturale tunisienne. En peu de temps, il multiplia les œuvres, passant du figuratif à l’abstrait, usant de techniques variées et adoptant des démarches diverses. Aujourd’hui, il est connu surtout pour ses fortes compositions de couleurs et de lumières et sa maîtrise des matériaux. Il devint ainsi maitre en la matière, selon les témoignages des grands plasticiens en Tunisie dont je vais citer quelques-uns.  Khalil Gouiâ, docteur es- sciences et techniques des arts, disait du parcours artistique de MBHC que « C’est un parcours jalonné d’une création riche et fertile qui se distingue par une vision libre, une imagination créative débordante. Ses œuvres dénotent une volonté de contenir les charmes du monde et d’exprimer le pouls de la vie à travers la souplesse de l’expression plastique, la fluidité de la palette chromatique et l’abondance des lignes et des signes. » D’autres artistes-peintres ont exprimé leur admiration pour les travaux plastiques de MBHC, dont le plasticien Brahim Azzabi qui l’a qualifié d’« artiste jusqu’au bout des ongles. ». L’artiste-peintre Ali Zenaidi, à son tour, s’est exprimé en ces termes le jour où il a découvert les œuvres de l’artiste : « J’ai été vraiment surpris quand j’ai découvert le monde artistique de MBHC et j’ai été fasciné par l’abondance de sa production d’art qui évoque une vision artistique et un sens de l’esthétique… » De même le témoignage du critique d’art Ali Louati confirme le grand talent de l’artiste : « J’ai vu les œuvres d’art dans son atelier ; elles sont de styles et de techniques variés et parmi lesquelles figuraient des peintures qui ont attiré mon attention avec leurs couleurs calmes et leur composition artistique singulière… ». Quant à Sami Ben Ameur, artiste-peintre et professeur des arts plastiques, il exprime son admiration pour les travaux de MBHC en ces termes : « C’est l’artiste qui cherche ce qui se cache dans son esprit à travers un libre jeu de couleurs et de matières, ce qui le conduit à des combinaisons esthétiques qui transcendent le réel… »

« Derrière toute œuvre, il y a une histoire, une anecdote, nous expliqua l’artiste, bien qu’abstrait dans sa majorité, mon travail a un rapport avec la vie, les relations humaines, la nature, l’univers… » Mais on peut dire aussi que certaines œuvres sont l’illustration ou l’incarnation d’un poème que l’artiste a composé lui-même, étant également féru de poésie arabe classique.

A la question s’il est influencé par l’un des grandes écoles picturales, l’artiste nous a répondu : « Je ne peins pas de façon académique ou en imitant d’autres, je privilégie la liberté d’une création un peu instinctive et personnelle. » En effet, les grands talents ne sortent pas toujours des écoles de beaux-arts !

Hechmi KHALLADI