Le câble de notre envoyée Khouloud AMRAOUI
Le coup d’envoi de la 35ème édition des journées de l’entreprise, a été donné, hier à Sousse. La Cheffe du gouvernement, Najla Bouden a assuré que son équipe gouvernementale se penche actuellement sur la préparation d’un projet d’accord avec le FMI. Bouden a souligné que la Tunisie a toujours honoré ses engagements financiers extérieurs et continuera toujours à en faire de même et dans les délais impartis. Elle a fait savoir que son gouvernement s’apprête à mettre en place un plan de sauvetage et de relance de l’économie nationale qui intègre tous les secteurs, toutes les régions et toutes les catégories, mettant l’accent sur la nécessité d’instaurer un dialogue social pour rapprocher les points de vue.
« Face à la complication de la situation, nous avons choisi de faire preuve de transparence, de franchise et d’objectivité pour étudier les enjeux et les défis tout en optant pour une approche participative afin de pouvoir ajuster les politiques et les choix. Je ne vais pas rappeler la profondeur de la crise multiforme que nous traversons. Notre action gouvernementale a l’ambition sincère et œuvre pour la durabilité des résultats attendue du train de réformes systémiques que nous avons d’ores et déjà enclenché. Le corolaire de la durabilité, c’est l’appropriation de l’ensemble du processus par toutes les parties concernées » a-t-elle indiqué.
« Tous les freins à la croissance seront démantelés »
La Cheffe du Gouvernement a souligné que depuis le 11 Octobre, la démarche du gouvernement a été celle de la participation et de la concertation. « Nous allons continuer d’agir avec les forces vives de notre pays pour redresser le cap de notre économie », a-t-elle déclaré.
Et d’ajouter : « Le dinar est votre monnaie. Sa valeur se détermine en fonction de votre comportement. Nous avons une parfaite conscience des répercussions des déséquilibres des finances publiques sur les équilibres financiers et monétaires dans notre pays. La solution à nos problèmes de finances publiques est le retour rapide à la croissance. Tous les freins à la croissance seront démantelés. L’inclusion sociale, économique et financière sera un objectif primordial. La République et l’Entreprise ont les mêmes menaces et les mêmes risques. Ceux liés à la gestion et à la gouvernance et j’entends, par là, « la corruption » ».
Plus de liberté avec plus grande libéralisation de l’économie
Pour sa part, Taieb Bayahi, Président de l’IACE, a déclaré que les dix dernières années ont été marquées par une classe dirigeante sans vision pour le pays car ils sont préoccupés par leurs propres intérêts et ses petits arrangements individuels.
« Les réformes politiques et institutionnelles profondes deviennent plus urgentes et ne peuvent se réaliser sans stabilité économique. Il faut absolument séparer deux temps : le temps politique et le temps économique. On demande aux décideurs de l’Etat d’assurer un minimum d’environnement propice aux affaires. C’est-à-dire, plus de liberté avec plus grande libéralisation de l’économie. Moins d’autorisations et de contraintes bureaucratiques pour encourager l’entreprenariat », a-t-il souligné.
Ricardo MOURINHO FÉLIX, Vice-Président la BEI & Ancien vice-ministre des finances, Portugal Portugal a déclaré que l’Etat doit laisser l’offre privée répondre à la demande et dans le cadre de partenariats public-privés, faire appel à l’expertise privée pour mener à bien les projets complexes.
Un dispositif d’urgence est en préparation par le ministère de l’Economie
Quant à Samir Saied, ministre de l’Economie et de la Planification, il a présenté la nouvelle approche du gouvernement afin d’améliorer l’environnement des affaires ainsi que les chantiers en cours.
Le ministre a souligné que des réformes sont d’ores et déjà engagées en matière d’investissement, à savoir la digitalisation des services administratifs, la suppression des autorisations, la promotion de l’image et de l’attractivité du pays, l’amélioration de la logistique, la règlementation des changes et le financement des PME. Pour mettre en place une nouvelle approche pour améliorer l’environnement des affaires, un dispositif d’urgence est en préparation.
Pour ce qui concerne la facilitation de l’accès au marché, le ministre a annoncé la promulgation en janvier 2022 d’une deuxième vague des autorisations à supprimer (26 activités) touchant plusieurs secteurs (transport, télécommunications, tourisme, industrie, …) après avoir supprimé une première liste de 27 autorisations en 2018.
Il a annoncé également que la mise en place d’un guide numérique des autorisations et des cahiers des charges sur une plateforme dédiée « Accésaumarché.gov.tn » qui sera opérationnelle fin décembre 2021.
Le Gouverneur de la BCT et la ministre des Finances rassurent : « La situation est sous contrôle »
Dix années durant, la gouvernance économique du pays reste figée et scotchée à la « dictature de l’immédiat » : s’ingénier à boucler l’exercice budgétaire d’une année à l’autre, constituait une situation fort embarrassante pour les décideurs. En plus du tarissement des sources de financement, le recours à l’endettement un casse tête et une esquisse menaçante qui débouche inéluctablement sur l’insoutenabilité.
La ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, a été présente au premier jour (09 Décembre 2021) des Journées de l’Entreprise pour traiter le thème : « Financement du stress budgétaire et ses effets collatéraux ». Le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, Marouane Abassi, a pris également part à ce panel aux côtés du Président du Conseil de l’Ordre des experts comptables, Walid ben Salah et l’universitaire Moez Laabidi.
Sereins et sur un ton réconfortant, le gouverneur de la BCT et la ministre des Finances assure que la situation est sous contrôle. Il est hors de question d’imaginer un scénario d’un risque de défaut de paiement des dettes de la Tunisie. Le gouverneur de la BCT a déclaré que la Tunisie n’ira pas au Club de Paris. Il a souligné que notre pays honore toujours ses dettes extérieures et continuera de le faire.
« On va être capable d’avoir un accord avec le FMI au premier trimestre 2022. Et, on aura une visibilité sur le plan politique. On était les premiers à avoir pu utiliser les DTS et on va être les premiers dans la région à pouvoir utiliser les DTS pour financer le budget 2022. Beaucoup de pays sont entrain d’attendre à ce qu’on réalise ces deux pré-requis (accord avec le FMI et visibilité politique) et après il y aura capacité de pouvoir se financer avec des fonds concessionnels, qui vont nous permettre de structurer le budget 2022. Il y a énormément d’argent disponible pour l’investissement. Le problème, c’est un problème bureaucratique », souligne M. Abassi.
Le gouverneur de la Banque des Banques, indique qu’il n’y a pas de dégringolade du dinar. Et d’ajouter : « Depuis avril 2019, le dinar s’est stabilisé. La santé du dinar ne dépend pas uniquement de l’institut d’émission et du ministère des Finances, il dépend aussi du comportement du consommateur ».
M.Abassi a rappelé qu’avec une baisse des recettes touristiques d’une manière extrêmement importante, la BCT a quand même pu avoir un niveau de réserves en devises qui dépasse les quatre mois. « Il faut qu’on soit rationnel », a-t-il insisté.
Le préalable est clair : avoir un accord avec le FMI
Au niveau du PLF 2022, le gouverneur de la BCT a précisé qu’il faut commencer de montrer des vrais signaux. Et de poursuivre : « Le préalable est clair, il faut avoir un accord avec le FMI, le plutôt possible, parce qu’à travers cet accord, on va montrer clairement que les réformes vont être réalisées. Ces réformes doivent être faites d’une manière séquentielle. Il y a des marges de main d’œuvre qui sont importantes et faciles. Il faut les saisir ».
Abassi évoque la question de l’indépendance de l’institut d’émission : « J’ai une discussion pratiquement quotidienne avec le ministère des Finances. Quand on dit indépendance de la BCT, cela ne signifie pas qu’on ne discute pas entre nous. Au contraire, on discute fréquemment. Tandisque, chacun fait son boulot. La BCT est là pour faire attention à l’inflation. En ce qui concerne l’article 96 du code pénal, il faut l’amender. Il est en train de bloquer plusieurs initiatives».
Un déficit de courage, de vision et d’audace
Le professeur universitaire Moez Laabidi trouve que « pour le cas tunisien, nous ne sommes pas suffisamment résilient ni pour le choc conjoncturel, ni pour le choc à caractère systémique. La Tunisie est entrée dans la crise covid handicapée par les moyens. Nous avons un déficit de courage, de vision et d’audace ».
M.Laabidi précise que les perspectives du plan de sauvetage nécessitent un renoncement aux solutions de facilités. Le pays fait face à la fois au déficit de punch économique et les méfaits de la crise sanitaire, et que sa résilience est au plus bas. Il faut aller vers les réformes en profondeur.
Par la même occasion, la ministre des Finances a annoncé que « la L.F 2022 ne va pas augmenter la pression fiscale, qu’elle soit directe ou indirecte », tout en insistant qu’il faut libérer les ressources afin de soutenir les secteurs stratégiques et financer les investissements publics.