Le rassemblement organisé à l’occasion de la commémoration de l’assassinat de Chokri Belaïd s’est finalement déroulé dans le calme. Du moins, il n’a donné lieu à aucun heurt avec les forces de l’ordre. Ce matin, et jusqu’à 14 heures, le centre de Tunis et ses environs –l’Avenue Habib Bourguiba et les autres artères principales, étaient certes sous haute surveillance, mais les commerces étaient ouverts, et la circulation des personnes et des véhicules tout à fait ordinaire. Sur le lieu du Rassemblement, Place du Martyr Chokri Belaïd, la foule nombreuse, que l’interdiction officielle des rassemblements n’a guère empêchée de participer à l’événement, représentait à peu près toutes les formations politiques organisatrices, ainsi que l’UGTT et beaucoup d’associations de la société civile.
Si la manifestation n’a donné lieu à aucune violence, c’est dû sans aucun doute à la déclaration du Président Kaïs Saïed diffusée très tôt ce matin selon laquelle le Conseil Supérieur de la Magistrature est pratiquement dissolu. C’est pour revendiquer cette dissolution qu’une large partie des manifestants est venue. Notamment les partisans du Harak du 25 juillet. Nous avons sondé à chaud quelques avis sur la décision présidentielle : les personnes interrogées sont unanimes pour reconnaître que c’est l’une des mesures les plus attendues de la part des Tunisiens. A présent, disent nos interlocuteurs, il faut passer à l’étape suivante qui est encore plus urgente : s’empresser d’ouvrir de nouveau le dossier des assassinats politiques pour faire toute la lumière sur leurs auteurs, leurs commanditaires et les hommes de la justice qui ont longtemps couvert ces derniers.
Le seul hic dans le rassemblement, c’est la mésentente entre les participants à propos de la fin prévue du programme : en effet, la manifestation devait s’achever par une marche en direction du siège du Conseil Supérieur de la Magistrature. Mais, selon Abdelmajid Belaïd frère de Chokri, les partisans du Parti des Ouvriers (celui de Hamma Hammami) et ceux du Watad unifié (de Zied akhdhar) ont choisi de fausser compagnie au reste de la foule et se sont dirigés vers l’Avenue Habib Bourguiba. « C’est un coup traître, considère Abdelmajid Belaïd. Maintenant, je suis plus que jamais auparavant persuadé que la Gauche tunisienne n’a pas d’objectif, ni de cause, ni de leader communs. C’est triste et décourageant ! »
Badreddine BEN HENDA