Drapée dans une robe rouge, la mezzo-soprano, Ichraf Sallem, a invité le public, jeudi 17 février 2002, dans le cadre du festival « Dar Sebastian fait son opéra » pour un long voyage musical à travers les envolées passionnantes de la musique lyrique. Un concert de gala dirigé par le pianiste Todor Petrov.
Mettre en scène Carmen, du fait de la grande popularité de l’œuvre de Bizet, peut vite s’avérer un casse-tête : comment contenter tout le monde, mélomanes avertis et néophytes, dans un répertoire que chacun se plaît à (re)découvrir ?
Ichraf a réussi son pari. Elle a su allier vivacité et savoir-faire vocal pour composer le portrait d’une exceptionnelle mezzo-soprano. Sa présence scénique, ainsi que sa belle voix bien timbrée ont ébloui l’assistance en interprétant des œuvres de Carmen. Un timbre de vrai soprane, une technique bien maîtrisée, qui permet les multiples inflexions et nuances exigées par l’art de la mélodie. Résultat : une soirée agréable et homogène de bout en bout. Pratiquement à chaque air, elle mettait toute son énergie et toute sa sensibilité. Elle ne laissait personne indifférent en interprétant la habanera « l’amour est un oiseau rebelle », la séguedille « Près des remparts de Séville », les couplets du « Toréador en garde » qui ont sans doute fait le succès de cet opéra français. Son timbre clair communique une élégante palette de couleurs.
Carmen devient au fil du temps une référence internationale et résonne encore aujourd’hui. Dans l’opéra, la bohémienne cigarière séduit tour à tour Don José et Escamillo, un célèbre toréador. Finalement tuée par l’un de ses amants, Carmen trouve encore un écho de nos jours avec des questions telles que la liberté des femmes
Ce n’est pas la première fois que Carmen est à l’affiche à Dar Sebastian mais le public ne s’en lasse pas. Pour le directeur artistique Mehdi Trabelsi , chaque nouvelle représentation amène de la nouveauté. Chaque spectacle amène des émotions différentes, des caractères différents, une énergie et une voix différente. Ichraf nous a donné, ce soir, de véritables moments de bonheur.
Impossible encore de ne pas succomber, non plus, à ce charme colossal du baryton, l’Escamillo Mohamed Amine Bouhlel qui s’est illustré par ses improvisations. Il entraîne le public dans une rythmique effrénée. Il a séduit aussi musicalement, dans une bien plaisante interprétation d »Air de Toréador » et « la belle , un mot ». Don José a été interprété par le ténor Oussama Zardi qui comblait l’assistance, entre autres lorsqu’il interpréta « je vais danser » ou « la fleur que tu m’avais jetée ».
Ichraf s’est avérée tout à fait convaincante. Sa voix claire et fluide chante les lignes de chant avec la plus grande virtuosité faisant preuve de compétences techniques remarquables. Elle y mettait toute son énergie et toute sa sensibilité. Aussi, était-ce avec une aisance et un entrain remarquables qu’elle interpréta « Non tu ne m’aimes pas», et « Si toi…Duo final ». Elle sait par ailleurs faire preuve de puissance, se démarquant parfaitement du pianiste quand cela est nécessaire. Elle est également très impliquée dans son jeu et se donne pleinement, dans les moments de séduction notamment.
Tout le monde a découvert ce soir une mezzo-soprano apaisée et épanouie. Sa voix est toujours belle, forte, nuancée, intense et prenante. Un vrai régal. Un spectacle beau salué par des applaudissements nourris.
Kamel BOUAOUINA