Des portes closes, des collants portant la mention « grève ouverte » et des assurés sociaux désabusés qui attentent sur les parvis des divers centres régionaux et locaux des trois caisses sociales sans recevoir d’information sur la fin du mouvement. Les agents de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et de la Caisse nationale de la retraite et de la prévoyance sociale (CNRPS) sont en grève ouverte depuis jeudi. Les remous en commencé en décembre dernier avec un sit-in d’une dizaine de jours au centre régional de la CNAM à Tunis pour réclamer l’activation du nouveau statut des agents des trois caisses.
Ce sit-in a pris fin après la promesse d’activer le statut dès son adoption lors d’un conseil ministériel. Ce statut a été finalement adopté et publié dans le journal officiel de la République tunisienne (Jort) le mercredi 23 février. Mais le soulagement n’a été que de courte durée. Une déclaration du porte-parole du ministère des Affaires sociales a mis le feu aux poudres. Il en ressort que le nouveau statut des quelque 9000 agents des caisses sociales, qui prévoit de nouveaux avantages matériels et plusieurs indemnités, n’entrera en vigueur qu’en 2023 afin de mobiliser les fonds nécessaires.
« Nous sommes bien conscients de la situation difficile des finances publiques, mais les fonds nécessaires à l’application des dispositions du nouveau statut des agents des caisses sociales ont été budgétisés. L’atermoiement du ministère de tutelle est dès lors incompréhensible », souligne le secrétaire général du Syndicat de base de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), Daousser Jallouli. Et d’ajouter : « Les agents qui attendent la publication de leur nouveau statut dans le Jort depuis 2011 sont aujourd’hui à bout de patience. Le ministère des Affaires sociales a renié ses engagements antérieurs. Il a floué la partie syndicale et ne l’a pas informé de sa décision d’activer le nouveau statut en 2023 lors de la signature de l’accord y afférent ».
Des assurés sociaux désemparés
La grève des agents des caisses sociales a commencé de façon sauvage dans certains centres régionaux et locaux. La fédération générale des caisses sociales rattachée à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) n’a pas déposé un préavis de grève dix jours avant le début du débrayage comme le prévoit la loi. Mais elle a été contrainte d’encadrer le mouvement de protestation, qui a pris de l’ampleur après la déclaration malencontreuse du porte-parole du ministère des Affaires sociales.
Quoi qu’il en soit, ce sont les assurés sociaux qui se retrouvent sur le carreau dans ce bras de fer entre les syndicats et le ministère des Affaires sociales.
Devant les portes closes, certains citoyens se montrent compréhensifs, mais d’autres parlent de « prises d’otages ». Pour ces derniers, le timing est mal choisi par les syndicats pour déclencher ce mouvement social. « Comme par hasard, c’est toujours au moment du versement des pensions et de remboursement des bulletins de soins que les agents des caisses sociales déclenchent des grèves. Je trouve ça inacceptable », peste Karim, devant la porte cadenassée du centre régional de la CNAM à Ben Arous, une pile de bulletins de soins à la main.
De la colère et de l’emportement pour les uns, de l’indulgence et de la compréhension chez d’autres. Jalila par exemple comprend les revendications des agents des caisses sociales : « Quand ils ne sont pas motivés, le travail ne peut pas bien être bienfait. Je les comprends. Je ne tape pas sur les grévistes face à un Etat qui ne respecte pas ses engagements ».
Daousser Jallouli précise que la grève «ne concerne pas les assurés sociaux souffrant de maladies chroniques et les cas urgents », tout en rappelant que le débrayage est un ultime recours. « Nous prenons la mesure de l’impact de la grève sur les assurés sociaux mais nous ne pouvons pas continuer de nous taire », martèle-t-il.
Walid KHEFIFI