Hôpitaux débordés, supermarchés vides, sinistres camps de quarantaine: le chaos s’est emparé de Hong Kong qui fait face à sa plus forte vague de coronavirus, avec des dizaines de milliers de cas chaque jour, et s’apprête à dépister la totalité de ses habitants.
Le centre financier, réputé pour son efficacité, se trouve aujourd’hui sous le feu des critiques. Depuis quelques semaines, les hôpitaux sont saturés et les images de dizaines de malades du Covid entassés sur des brancards en plein air devant les services d’urgence ont choqué les Hongkongais. Les morgues sont pleines et des milliers de patients asymptomatiques sont parqués dans des camps d’isolement et séparés de leurs proches.
Les Etats-Unis ont formellement déconseillé mercredi tout voyage Hong Kong, évoquant des cas de jeunes enfants arrachés à leurs parents pour être mis à l’isolement après avoir été testés positifs au Covid-19. D’autres pays ayant initialement suivi la stratégie « zéro Covid », à l’instar de l’Australie et de Singapour, ont désormais décidé de vivre avec le virus. Mais la Chine reste déterminée à éradiquer tous les cas et a ordonné à Hong Kong de faire de même.
De nombreux Hongkongais reprochent au gouvernement son incapacité à anticiper la crise actuelle malgré les deux ans de répit dont il a bénéficié grâce à sa stratégie « zéro Covid », douloureuse pour l’économie mais couronnée de succès sur le plan sanitaire. La ville s’apprête à tester ses 7,4 millions d’habitants à trois reprises en mars et à isoler chaque personne infectée, notamment dans des camps préfabriqués en construction avec l’aide de la Chine.
Emily, une mère de 40 ans, est persuadée que sa famille a été infectée quand elle a fait la queue pendant des heures pour deux séries de tests obligatoires le mois dernier, après la découverte d’un cas de Covid dans son immeuble. Les résultats ont mis dix jours à arriver. Tous négatifs, hormis celui du plus jeune enfant. Mais entretemps, toute la famille a commencé à présenter des symptômes.
« Traumatisant »
« Je ne pensais jamais faire du mal à mes êtres les plus chers alors que j’essayais simplement de coopérer avec le gouvernement », déclare Emily à l’AFP. « C’est traumatisant ». Plus de 280.000 contaminations ont été enregistrées à Hong Kong au cours des deux derniers mois, contre seulement 12.000 depuis le début de la pandémie hormis cette période.
Les dates et les modalités du dépistage massif restent à déterminer. La cheffe de l’exécutif de Hong Kong Carrie Lam a exclu mercredi un « confinement de toute la ville » pendant l’opération, comme c’est habituellement le cas en Chine continentale. Mais la veille, d’autres responsables n’avaient pas écarté une telle option. Partout dans Hong Kong, des habitants paniqués s’étaient alors rués dans les supermarchés pour faire des provisions, vidant les rayons et provoquant des pénuries.
Le sort des personnes qui seront testées positives est une autre inconnue. Dans les prochaines semaines, près de 70.000 places d’isolement doivent être créées pour les cas avec peu ou pas de symptômes, dans des hôtels réquisitionnés, des logements sociaux ou des camps de préfabriqués construits avec l’aide de Pékin. Mais ce chiffre couvre à peine deux jours de nouvelles contaminations, selon les statistiques actuelles.
Mme Lam a reconnu qu’il n’y aurait pas assez de place pour isoler tous les cas positifs, mais elle a également exclu que les malades puissent s’isoler chez eux. « L’objectif de notre politique reste de soumettre tous les cas confirmés à un isolement hors de leur lieu de résidence, de façon à ce qu’ils n’infectent pas les autres », a-t-elle martelé.
« Si nous n’avons pas de plan sur la manière de mettre en quarantaine les cas confirmés, alors les tests de masse ne seront d’aucune utilité », a estimé cette semaine Ivan Hung, un des conseillers sanitaires du gouvernement. Pour M. Hung, les autorités devraient plutôt consacrer leur énergie à faire remonter le taux de vaccination, pour l’instant dangereusement bas chez les personnes âgées.
Camps de quarantaine
Les pensionnaires des camps de quarantaine décrivent des conditions sinistres et chaotiques. La semaine dernière, plusieurs personnes internées dans le gigantesque camp de Penny’s Bay, voisin du Disneyland de Hong Kong, ont accusé les autorités de les avoir laissées enfermées plusieurs jours après l’expiration de leur durée d’isolement obligatoire.
Samuel Ho, un informaticien qui souhaite utiliser un pseudonyme, affirme que son seul contact avec le monde extérieur étaient les repas froids déposés à l’extérieur de sa cabine de Penny’s Bay. Ses appels à la ligne d’assistance téléphonique du gouvernement sont souvent restés sans réponse. « C’était très chaotique, très effrayant et cela pouvait facilement nous faire perdre la tête », raconte-t-il.
« Toutes les dispositions prises par le gouvernement ont fait de Hong Kong un endroit invivable », déplore M. Ho.
(D’après AFP)