De « grands » titres, pour des « grandes » lignes, pour un « grand » projet national de réformes ; le tout dessiné sur une « pyramide » et présenté en grandes pompes par 13 ministres du gouvernement Bouden à la Cité de la Culture de Tunis : c’est ce qui ressort, globalement, de la conférence de presse tenue, ce mardi 7 juin 2022, pour (re)présenter le « Programme national de réformes », dévoilé vendredi dernier par la Cheffe du gouvernement à Dar Dhiafa de Carthage. Une pyramide ? Des mesures « urgentes », au sommet ; une vision stratégique de la Tunisie à l’horizon de 2035, à la base ; et, des « grands titres » de réformes struturelles, entre les deux, pour donner du « volume » à cette pyramide.
Impression à chaud : le gouvernement se démène pour placer, tant bien que mal, son « programme national de réformes » au centre des préoccupations de l’opinion publique nationale, sur fond de stagnation, quasi chronique, au niveau des négociations avec le FMI, doublée, désormais, d’une veillée d’armes, à peine voilée, sur le front de l’UGTT, qui, de son côté, ne cesse de monter en agressivité, y allant jusqu’à décréter la grève générale, en signe de son opposition, claire et nette, à la politique du gouvernement Bouden d’un côté, et aux « méthodes » du président Saïed, de l’autre.
Lorsque 13 ministres sortent ensemble au grand jour pour déployer, de concert et chacun dans son domaine, les grandes lignes de ce programme national de réformes, il y a nécessairement raison à ce que certains fassent tout bonnement de l’ombre à d’autres. Résultat presque inéluctable : grand focus sur l’économie et les finances, tandis que des départements, comme la culture, l’environnement, l’enseignement supérieur et l’on en passe, ont presque fait de la figuration dans cette conférence de presse. Non pas que la contribution de ces ministères à ce programme national soit de moindre importance, mais les feux de la rampe ont tendance, crise financière et conjoncture économique obligent, à se diriger irrésistiblement vers l’économie, le commerce, la planification et les finances.
Et pour cause : Najla Bouden, elle-même, présentait ce programme national de réformes comme une « solution » pleines de « mécanismes », pour sortir le pays de sa crise financière et économique. Ce programme, dont les grandes lignes ont été dévoilées vendredi dernier et ressassées mardi en conférence de presse, « est le fruit d’un travail de plusieurs experts et de plus de 400 cadres de l’administration et qui a été initié depuis novembre dernier dans le cadre d’une approche participative visant à faire sortir la Tunisie de sa crise économique et financière », avait-elle souligné vendredi à Dar Dhiafa.
En gros, un programme sur 70 pages avec un « premier lot » de 43 réformes urgentes, outre la mise en place d’un programme de « stabilité économique et financière », l’élaboration d’un programme de « réformes structurelles » et cerise sur le gâteau : une « vision stratégique de la Tunisie à l’horizon de 2035 ». Comme quoi, l’on a toujours critiqué les gouvernements successifs de ne jamais « voir plus loin que le bout de leur nez », autrement dit, de ne jamais veiller à élaborer des stratégies à moyen et à long terme. Argument certes honorable en faveur du gouvernement Bouden. Sauf que cette « vision stratégique à l’horizon de 2035 » reste encore « en cours d’élaboration ». Il faudra encore « attendre » pour en connaitre les détails. Un coup de comm‘ du gouvernement ? Plutôt efficace.
Accorder la priorité aux… priorités : voilà en deux mots ce qui ressort, en fin de compte, de la posture gouvernementale actuelle, ou du moins ce qui ressort de la phraséologie de Samir Saïed, ministre de l’Economie et de la planification et Sihem Boughdiri Nemsia, ministre des Finances, qui ont tenu à rappeler les grandes lignes « urgentes » du programme : Réformer les caisses de subventions, réviser le cadre législatif, faciliter les procédures administratives, digitaliser l’Etat, améliorer le climat des affaires, généraliser le paiement électronique, soutenir les petites et moyennes entreprises, et l’on en passe. Autant de « grands titres », bien entendu, ressassées en réalité depuis des années, et qui n’attendent plus qu’à être concrétisées. Pourvu que ce gouvernement Bouden dépasse très vite cette phase –si nécessaire, on en convient- de la « titraille » pour celle de la concrétisation.
Slim BEN YOUSSEF