Depuis des décennies, l’endettement des ménages tunisiens auprès des banques va crescendo ; les études et les statistiques faites dans ce domaine le confirment. En effet, l’endettement global des particuliers auprès du secteur bancaire a totalisé, en 2020, 25,452 milliards de dinars, alors que le chiffre des crédits contractés entre les banques et les ménages n’était que de l’ordre de 7,455 milliards de dinars en 2009, étant ainsi multiplié au moins par trois en dix ans. En outre, d’après une enquête menée par l’Institut national de la consommation (INC) en 2018, environ 1,8 million de familles tunisiennes ne peuvent se passer de tous types de crédits et ne peuvent pas vivre sans dettes en raison de leur situation difficile.
D’après ces chiffres, on peut dire que 90% des ménages tunisiens sont endettés auprès des banques et consacrent une bonne partie de leurs budgets au paiement des prêts divers qu’ils ont contractés. D’ailleurs, une enquête très sérieuse menée il y a quelques années par l’Organisation de Défense du Consommateur, le taux de ceux qui se sont endettés au moins une fois dans leur vie dépasse les 85 %.
Bienvenus au club !
Il arrive qu’un citoyen s’endette deux ou trois fois, sinon maintes fois de suite, qui pour acquérir un logement ou un lot de terrain, qui pour construire une maison, qui pour acheter une voiture ; mais aussi pour s’acquitter de certaines dépenses familiales de plus en plus lourdes ou bien de s’acheter des articles ménagers ou du nouveau mobilier. Ajoutons à cela, ceux qui décident de se marier n’hésitent pas à s’endetter auprès des banques pour satisfaire les besoins du mariage. Une fois marié, on pense déjà à la grossesse et à l’accouchement de sa femme, un peu plus tard à l’achat d’une chambre pour le bébé qui doit jouir d’un minimum de confort et de bonne hygiène. De même, la rentrée scolaire oblige certains tunisiens de recourir à la banque pour obtenir un crédit afin de fournir les fournitures nécessaires aux enfants scolarisés. Le besoin d’endettement s’impose également lors des fêtes (notamment l’Aïd El kébir) pour obtenir un prêt servant à l’achat du mouton et tout le nécessaire de cette fête religieuse. Les raisons pour lesquelles le Tunisien s’endette sont si nombreuses que certains ne peuvent s’en passer.
Ainsi, on remarque que depuis des décennies, le Tunisien est engagé dans un engrenage infernal ; c’est à peine que le premier crédit est-il remboursé qu’il en demande un deuxième. Et ainsi de suite. En fait, c’est un cercle vicieux qui ne laisse pas beaucoup de choix à ceux qui n’ont que la formule du prêt pour s’en sortir, à tel point que certains deviennent excessivement endettés et vivent constamment dans une situation stressante sous la menace de la saisie et des poursuites judiciaires. Et dire que la banque est toujours disposée à accorder des crédits personnels ou des prêts à moyen ou à long terme, surtout à ses clients fidèles.
Cercle vicieux
D’ailleurs, elle n’a jamais été perdante dans l’affaire, puisqu’elle fait signer à son client un contrat où les clauses sont rigoureuses et avec de grands avantages au profit de la banque créancière. De tels contrats ont l‘air d’être unilatéraux plutôt que bilatéraux, signés entre deux parties. Les clients se trouvent souvent obligés de signer des contrats dont aucune des clauses ne leur est favorable. Tout y est à l’avantage de la banque qui s’attribue toutes les garanties d’intérêts et de remboursement à une date fixe. Dans un contrat de prêt bancaire, par exemple, vous avez beau chercher dans ses nombreux articles un seul qui profite à l’emprunteur, vos efforts resteront inutiles. Souvent, le client emprunteur, pressé d’avoir son prêt, signe le contrat sans le lire. D’abord parce qu’il contient une terminologie juridique peu accessible par le client, ensuite parce qu’il comprend cinq ou six feuilles qu’il est difficile de les lire à lettre. Voici ce qu’on peut trouver dans ce genre de contrat signé par le client et avec la fameuse mention « lu et approuvé » : « La société X consent à l’emprunteur »), le reste du texte, c’est-à-dire presque 95 % de la page, est formulé dans un lexique très avantageux pour la société prêteuse. Qu’on en juge d’après ces extraits : « L’emprunteur qui accepte en s’obligeant à en exécuter les clauses et conditions… », « L’emprunteur autorise X à le débiter… », « X percevra notamment une commission… », « L’emprunteur s’oblige irrévocablement à… », « L’emprunteur autorise expressément X à virer le montant… », « Il dégage X de toute responsabilité suite à ce virement », « l’emprunteur doit… », « L’emprunteur s’interdit de demander… », « X aura en toutes circonstances et à tous les moments, la faculté d’exiger, si bon lui semble, » C’est dire qu’il s’agirait de l’une de ces épées de Damoclès en papier que nos banques placent au-dessus des têtes déjà branlantes de leurs clients.
Bref, ce genre de contrat englobe des prescriptions que le client doit exécuter à la lettre, car il n’a pas d’autre choix. La crise économique, la cherté de la vie, l’inflation sans cesse galopante et la dégradation du pouvoir d’achat poussent le citoyen à recourir aux banques pour résoudre ses problèmes financiers et améliorer une situation difficile.
Hechmi KHALADI