Monarque la plus célèbre de la planète, la reine Élisabeth II est décédée jeudi à 96 ans dans sa résidence écossaise de Balmoral, ouvrant une ère incertaine pour la couronne britannique à laquelle elle avait dédié sa vie.
La reine est décédée « paisiblement » jeudi après-midi, a annoncé le Palais de Buckingham. Les drapeaux ont été mis en berne au-dessus du palais et God Save the Queen joué sur la BBC.
La disparition de la souveraine, dont l’état de santé s’était dégradé depuis un an, est assurée de susciter une immense émotion au Royaume-Uni et dans le monde.
Symbole de stabilité ayant traversé imperturbable les époques et les crises, elle avait côtoyé, depuis la mort de son père George VI en 1952, quand elle n’avait que 25 ans, Nehru, Charles de Gaulle ou Mandela qui l’appelait « mon amie ».
Pendant son règne, elle a assisté à la construction puis la chute du mur de Berlin, et a rencontré 12 présidents américains.
Elle venait de nommer mardi son 15e premier ministre, Liz Truss, occasion d’une dernière photo, frêle et appuyée sur une canne.
Son fils aîné Charles, prince de Galles, va lui succéder à l’âge de 73 ans.
Drapeaux en berne
La mort de la souveraine, qui avait limité les apparitions depuis une nuit à l’hôpital en octobre 2021 et avait reconnu des difficultés à se déplacer, ouvre une période de deuil national, jusqu’à ses funérailles dans une dizaine de jours.
Les drapeaux ont été mis en berne et les cloches des églises ont retenti pour marquer la disparition de celle qui, très croyante, était aussi la cheffe de l’Église anglicane.
Élisabeth II était à sa mort cheffe d’État de 15 royaumes, de la Nouvelle-Zélande aux Bahamas, qu’elle a parcourus au fil de son règne, toujours vêtue de tenues assorties, souvent de couleurs vives.
Elle est surtout pour l’immense majorité de ses sujets la seule souveraine qu’ils aient jamais connue, présente sur les billets de banque, les timbres (qui vont devoir changer de visage) et soumise à l’attention permanente des tabloïds.
Elle a préservé l’institution malgré plusieurs crises, parmi lesquelles la mort en 1997 à Paris de l’ex-femme de Charles, Diana, pourchassée par des paparazzis. Élisabeth II avait été accusée de manquer de compassion face à l’immense émotion suscitée par la disparition de « la princesse du peuple ».
Elle a aussi gardé le silence face aux accusations d’agressions sexuelles visant son fils Andrew, qui y a mis fin en déboursant des millions de dollars, et est restée stoïque face aux allégations de racisme visant la famille royale, de la part de son petit-fils Harry et de son épouse Meghan Markle, dont le départ en Californie a constitué un coup de tonnerre.
L’avenir de la monarchie s’annonce plus compliqué avec Charles, à la popularité bien plus faible. Les Britanniques lui préfèrent le prince William, désormais héritier de la couronne, et son épouse Kate.
Unité du royaume
Elizabeth Alexandra Mary Windsor n’était pas destinée à devenir reine à sa naissance, le 21 avril 1926. Mais fin 1936, son oncle Édouard VIII abdique, préférant épouser Wallis Simpson, une Américaine deux fois divorcée.
Le père d’Élisabeth II devient alors le roi George VI et elle devient héritière de la Couronne.
La jeune princesse épouse à 21 ans l’officier Philip Mountbatten, fils du prince André de Grèce, au cours d’une cérémonie somptueuse qui fera rêver le Royaume-Uni d’après-guerre encore marqué par les privations.
Le 6 février 1952, alors qu’elle effectue un voyage au Kenya, elle apprend la mort de son père, âgé de 56 ans. Elle retourne immédiatement au Royaume-Uni, puis est couronnée le 2 juin 1953.
Distante avec ses quatre enfants — Charles, né en 1948, Anne (1950), Andrew (1960) et Edward (1964) Élisabeth II honorait encore à 90 ans passés des centaines d’engagements chaque année : inaugurations en tous genres, réceptions à Buckingham, remises de décorations ou de récompenses.
Charles aura fort à faire pour préserver l’attachement des Britanniques à la monarchie, institution que certains jugent dépassée mais dont Élisabeth II avait su maintenir le prestige.
Il accède au trône à un moment où l’unité du Royaume-Uni se fissure, sous l’effet du Brexit, qui a réveillé les velléités d’indépendance de l’Écosse et les tensions communautaires en Irlande du Nord. Dans les ex-colonies britanniques restées des royaumes, les critiques se font aussi vives sur le passé colonialiste et les velléités républicaines se renforcent.
(avec agences et médias)