Les dernières pluies éparses qui ont touché certaines régions du pays réjouissent certes les agriculteurs, mais ces derniers restent sur leur soif, surtout que ces averses automnales, pourtant tardives, succèdent à un été qui a joué les prolongations. Si les précipitations sont de retour chez nous, le sinistre spectre de la sécheresse plane toujours. En effet, le taux de remplissage de trois grands barrages à Kairouan (El Haouareb, Sidi Saâd et Nebhana) n’a pas dépassé les 15% : les quantités stockées s’élèvent à 43,5 millions de mètres cubes pour une capacité d’environ 228 millions de mètres cubes, selon une publication de la Délégation régionale du développement agricole à Kairouan. Il en est de même pour d’autres barrages dans le pays.
Cela fait des dizaines d’années que le climat de la Tunisie est devenu très variable. Cela est sans doute occasionné par le réchauffement de la planète et des perturbations atmosphériques survenus dans le monde. Mais les experts considèrent que l’une des manifestations les plus préoccupantes de cette variabilité du climat est la sécheresse. Plusieurs études se sont déjà intéressées à ce phénomène. Devant l’hypothèse d’un changement climatique et devant l’accroissement des besoins en eau, on s’interroge de plus en plus aujourd’hui sur l’éventualité d’une augmentation de la fréquence de la sécheresse d’un côté et d’une amplification de ses impacts socio-économiques de l’autre.
Hausse de la température
En Tunisie, selon un rapport publié en octobre 2022 par l’Institut National de Météorologie, la plupart de nos régions au cours du mois de septembre 2022 ont connu une hausse de la température et celle-ci a été perceptible durant la période du 3 au 9 septembre où de nouveaux records de température ont été enregistrés sur certaines régions, pendant ce mois. Les températures moyennes étaient supérieures aux moyennes de référence sur toutes les régions. La moyenne générale de la température a atteint 28,6 °C, et elle a aussi dépassé la moyenne de référence avec un écart de 2,7 °C, faisant du mois de septembre 2022 le mois de septembre le plus chaud depuis 1950. En ce qui concerne les précipitations, la plupart des régions ont connu un déficit pluviométrique en septembre 2022. La pénurie de pluies a touché la plupart des régions à des degrés divers et le déficit s’est élevé à 30 %. Avec les précipitations survenues ces derniers jours, la quantité d’eau obtenue reste en deçà des besoins réels de notre agriculture et demeure loin de rehausser le niveau des barrages dont le taux de remplissage n’est pas satisfaisant, sachant que le taux des dernières pluies varie d’une région à l’autre, faisant entre 150mm et 50mm au nord du pays, entre 40 mm et 24mm au centre et entre 27mm et 04mm au sud, alors qu’en moyenne notre agriculture a besoin de plus de 1500mm d’eau annuellement.
Impact sur le secteur de l’eau ?
Dans son bulletin de prévision saisonnière (publié en octobre 2022) concernant les mois de novembre, décembre et Janvier 2022-2023, l’Institut National de la Météorologie a fait la synthèse suivante : d’abord, concernant la température, le scénario « légèrement plus chaude que la normale de la saison » est le scénario le plus probable sur tout le pays. Donc, le temps sera plus chaud que la normale sur tout le pays. Quant aux précipitations, il ne prévoit aucun scénario privilégié pour les trois mois à venir (novembre, décembre, janvier). Cette synthèse a été basée sur l’analyse de la circulation atmosphérique actuelle, de la température de la surface de la mer et des résultats de quelques modèles dynamiques et statistiques mondiaux. Espérons que ces prévisions seront démenties, autrement nous connaitrons des mois de sécheresse.
Il est vrai que la pénurie d’eau touche environ 40 % de la population mondiale et, selon les prévisions d’un récent rapport de la Banque mondiale, la sécheresse pourrait forcer jusqu’à 216 millions de personnes à quitter leur région d’ici 2050, faute d’eau disponible ou d’une production agricole suffisante. En Tunisie, nous ne sommes pas à l’écart de cette menace qui pèse sur nos réserves d’eau et sur notre agriculture, au cas où il ne pleuvrait pas davantage dans les jours qui viennent. A présent, avec une pluviométrie automnale faible, la situation devient de plus en plus sérieuse, d’autant plus que la majorité des agriculteurs et des éleveurs commencent à tirer la sonnette d’alarme. En effet, le manque de pluies surtout en cette période de l’année pourrait contribuer à la diminution des apports en eau et influer sur les activités économiques et sur l’environnement. Certes, la Tunisie a connu plusieurs périodes de sécheresse, mais pour ces deux dernières années, les apports en eau ont atteint respectivement les 44% et 43% de la moyenne. C’est l’agriculture, principale activité économique du pays qui serait la plus menacée, faute de pluies suffisantes.
Et pourtant l’espoir est de mise
Quoique la saison automnale n’ait pas fourni les quantités nécessaires et suffisantes en pluies, malgré les toutes dernières précipitations, l’espoir est encore permis chez nos agriculteurs. Selon eux, pour ne pas manquer la saison pour cette année, d’autres quantités de pluies sont indispensables pour garantir de bonnes récoltes. En effet, les pluies récentes, de ce mois de novembre, bien que procurant de l’espoir, ne peuvent à elles seules étancher la soif chronique de la terre, le pays étant sujet à une sécheresse menaçante, ces dernières années. Faute de quoi, c’est le Ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche qui doit intervenir en vue de trouver des solutions urgentes et adéquates.
Hechmi KHALLADI