Par Raouf Khalsi
La mort a visé très haut : elle s’est attaqué à un mythe. Le mythe ne meurt pas. La légende ne s’avoue jamais battue. Mounir, la personne, l’ami, le frère a fini par rendre les armes. Lui, le battant. Le gagneur. Un homme doté d’un cœur d’or…Ce cœur rebelle qui l’a lâché une première fois sur le terrain de Mahdia. Et, qui, espiègle et traître, le lâche pour toujours…Il vivait pourtant en intimité avec lui. Avec ce cœur, ce qu’il avait de meilleur, hormis tous ses funestes avertissements. Mounir ne s’en laissait pas conditionner. Plus fort que ce cœur. Plus tenace. Il le défiait. Il l’amadouait, le domestiquait pour que s’exprime la pleine mesure de cet humanisme dont il « accablait » les siens et ses amis intimes.
Mounir Jelili est tout un poème, une romance qui survivront à sa mort. Son Espérance chérie, celle qui en a fait la plus somptueuse des icônes et celle à qui il aura tout donné. Homme charismatique sur le terrain comme dans la vie, c’était l’homme de fer qui ne faiblit jamais, hormis ses magmas existentiels. Il en était taraudé dans ces moments de solitude, dans ses méditations. Il y a juste une semaine, il me disait : « Je suis sur la plaine ». Sans doute aussi pour mieux voir la plaine.
Parce que qu’il ne se reconnaissait plus dans ce monde de hautes turbulences, dans cet univers ayant emporté le microcosme, son vivier, dans lequel il est né, pour lequel il est né, mais qui n’était plus pour lui.
La mort a toujours un regard sévère. Mais, à son départ, celui de Mounir nous interpelle, englués que nous sommes dans la vanité des choses. Incapables, par frilosité, de nous abreuver de l’enseignement qui vient d’en haut.
Mounir se sera essayé à des exercices de haute voltige. Et s’il a gagné toutes ses batailles, sur le terrain et en dehors, c’est parce qu’il n’a jamais fait illusion. Tel qu’en lui-même, « un homme fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui », dirait Sartre.
Que reste-t-il de Mounir Jelili ? Tout. La légende du handball, là où il reste le meilleur de tous les temps, est maintenant, supplantée par le mythe. Mounir est né pour ce mythe justement.
Il a de la chance : il sait quand il est né, et il sait pourquoi il est né.
Ne quitte pas ta plaine, Mounir, même là où tu es. Ne nous lâche pas. Ne cesse pas de nous regarder…