Par Jamel BENJEMIA                                                                                 

Le risque systémique est un concept-clé dans le domaine de la finance. Il se définit par une défaillance d’une seule institution financière ou plusieurs, pouvant entrainer par un effet domino des perturbations des marchés financiers, conduisant à une crise économique et financière, dramatique pour l’économie mondiale.

La faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) le 10 mars 2023 constitue l’évènement majeur depuis la crise de 2008. La banque des startups était notée A par Moody’s et à un niveau plus bas par Standard & Poor’s.

Ainsi pour les deux agences de notation, Silicon Valley Bank est une valeur sûre et sans risque, jusqu’au 10 mars 2023.

Le manque de discernement des agences de notations est consternant.

Le 15 mars, le cours du Crédit Suisse a chuté de 24%, ramenant sa capitalisation boursière à 6.8 milliards de francs suisses soit dix fois moins que son concurrent UBS (Union de Banques Suisses). Cette situation a conduit la Banque Centrale Suisse à injecter 50 milliards de francs suisses pour sauver le Crédit Suisse de la faillite.

Les crises financières ont été un phénomène récurrent, tout au long de l’histoire économique, souvent déclenchées par la faillite d’institutions financières importantes.

                                                     Le Krach du 19 octobre 1987

En 1987, le marché boursier a subi une chute spectaculaire qui a engendré une panique généralisée sur les marchés financiers, rappelant la crise de 1929. Les investisseurs ont commencé à vendre en masse, ce qui a entrainé une chute vertigineuse des prix des actions et une réduction drastique de la valeur nette de nombreux portefeuilles.

Pour empêcher cette crise de se transformer en risque systémique, les gouvernements ont travaillé avec les banques centrales pour injecter des liquidités, et soutenir les prix des actions.

                                            Crise asiatique de 1997

La crise financière asiatique de 1997 a été déclenchée par la crise des devises en Thaïlande. Les investisseurs avaient prêté généreusement aux gouvernements et aux entreprises asiatiques, tablant sur un hypothétique boom économique dans la région. Cependant, la croissance économique s’est ralentie et la Thaïlande a été incapable de rembourser ses dettes. Les investisseurs ont commencé à retirer leur argent, entrainant une chute des devises asiatiques. La crise s’est vite propagée à d’autres pays de la région, tels que l’Indonésie, la Corée du Sud et le Japon. La crise asiatique de 1997 a révélé la vulnérabilité de l’économie mondiale aux chocs extérieurs et a mis en évidence le risque systémique.

                                                  Crise de 2008

La crise financière de 2008 a été provoquée par la crise des subprimes aux Etats-Unis. Les prêts hypothécaires à risque ont été accordés à des emprunteurs dont la solvabilité était douteuse, et ces prêts ont été ensuite « titrisés » et vendus sous formes de produits financiers complexes à des investisseurs du monde entier. Lorsque les emprunteurs ont commencé à faire défaut sur leurs prêts, la valeur des titres a chuté et les banques ont subi de lourdes pertes.

La faillite de Lehman Brothers a eu un effet domino sur l’ensemble du système financier mondial. Les banques et les investisseurs avaient investi massivement dans des produits financiers dérivés basés sur des actifs adossés à des prêts hypothécaires à risque. La faillite de Lehman Brothers a déclenché une vague de ventes massives de ces produits, qui ont entrainé des pertes abyssales pour les banques et les investisseurs. Les banques ont cessé de se prêter de l’argent car la méfiance était devenue la règle, ce qui a conduit à une crise de liquidité mondiale.

Les gouvernements ont dû intervenir massivement pour renflouer les banques et éviter une catastrophe économique mondiale.

                                          Crise de la dette souveraine 2010  

L’impact de la crise grecque et irlandaise a été le catalyseur de la crise de la dette souveraine de la zone Euro en 2010. En effet, ces deux pays ont connu une forte augmentation de leur dette publique.

En Grèce, la crise a été provoquée par une combinaison de mauvaise gestion économique, de corruption généralisée et de fraude fiscale. Le gouvernement grec avait dépensé de manière excessive pendant des années, sans parvenir à augmenter sa production économique et sa productivité. En conséquence, la dette publique du pays avait augmenté de manière abyssale. Lorsque la crise financière de 2008 a éclaté, les investisseurs ont commencé à se méfier de la solvabilité de la Grèce, ce qui a généré une hausse des taux d’intérêt sur la dette grecque.

En Irlande, la crise a été déclenchée par la chute du marché immobilier irlandais. Le gouvernement avait encouragé la croissance du secteur immobilier en offrant des avantages fiscaux et en permettant des pratiques de prêts laxistes. Lorsque la bulle immobilière a éclaté, les banques irlandaises se sont retrouvées avec des prêts toxiques, ce qui a précipité leur effondrement. Le gouvernement irlandais a dû renflouer les banques, ce qui a aggravé la dette publique.

La Grèce et L’Irlande ont été les précurseurs d’une crise de confiance généralisée dans la toute la zone Euro, y compris chez les pays classés comme les bons élèves.

La crise de la dette souveraine a mis en lumière les vulnérabilités du système financier européen dans son ensemble.

                                             L’effet domino

La faillite de la Silicon Valley Bank (SVB), et la chute des cours du Crédit Suisse sont des évènements préoccupants, car les marchés financiers sont de plus en plus interconnectés, et que les institutions financières ont de plus en plus recours à des produits financiers complexes et sophistiqués. Les défaillances peuvent se propager rapidement et de manière imprévisible.

Pour faire face à ce risque, les autorités de réglementation ont mis en place des mécanismes de supervision et de réglementation pour réduire la vulnérabilité du système financier. Par exemple, les régulateurs imposent des ratios de fonds propres aux banques pour garantir qu’elles ont suffisamment de capitaux pour faire face aux pertes, et elles peuvent également exiger que les institutions financières se soumettent à des tests de résistance pour évaluer leur capacité de résilience face aux chocs financiers.

Cependant, malgré ces précautions, le risque systémique reste une menace importante pour l’économie mondiale.

Les autorités de réglementation doivent continuer à surveiller attentivement le système financier pour détecter les signes avant-coureurs des crises et prendre des mesures préventives en temps voulu.

Ainsi quand on lit que le Crédit Suisse « admet des faiblesses dans les contrôles internes », la précision suisse en prend un sacré coup de massue à sa réputation légendaire.

                                       Le jour des 4 sorcières

Le jour des quatre sorcières (Quadruple Witching Day) est un évènement important sur le marché financier qui se produit chaque trimestre. Ce jour est généralement le troisième vendredi.

Pour l’année 2023, le calendrier est le suivant : 17 mars 2023, 16 juin 2023, 15 septembre 2023 et 15 décembre 2023. Ce jour est caractérisé par l’expiration simultanée de quatre types d’option : les options sur actions, les options sur indices, les options sur contrats à terme sur indices et les options sur contrats à terme sur actions, à la différence du jour des trois sorcières qui ne comprend pas le contrat à terme sur actions dont l’échéance est strictement trimestrielle, et qui concerne les autres mois de l’année (Janvier, Février, Avril, Mai, Juillet, Aout, Octobre et Novembre).

L’impact du jour des quatre sorcières sur les marchés financiers est complexe et difficile à prévoir. Les investisseurs surveillent minutieusement cet évènement, car il constitue un véritable baromètre de la volatilité des prix des actions, des indices et des contrats à termes, ainsi qu’un indicateur précieux des volumes et des tendances des transactions.

L’un des facteurs qui contribue à la volatilité accrue pendant le jour des 4 sorcières est l’effet de levier. De nombreux investisseurs utilisent des options pour prendre des positions à effet de levier sur le marché. Cela signifie qu’ils peuvent investir une petite somme d’argent pour contrôler une plus grande partie d’actifs. Cependant, cela peut également amplifier les mouvements de prix à la hausse ou à la baisse, ce qui peut augmenter la volatilité pendant le jour des quatre sorcières. Un autre facteur qui peut contribuer à la volatilité pendant le jour des 4 sorcières est la nécessité pour les investisseurs de gérer leurs positions. Les investisseurs qui détiennent des options qui expirent, doivent se décider s’ils veulent exercer ces options, les vendre ou les laisser expirer. Les traders professionnels et les grandes institutions financières peuvent utiliser le jour des 4 sorcières pour effectuer des opérations de couverture, qui sont des transactions visant à minimiser les risques associés à la volatilité des prix. Ces opérations peuvent conduire à une augmentation de la volatilité des prix à court terme.

Il est important de se souvenir que le jour des 4 sorcières n’a pas toujours un impact négatif sur les marchés financiers. Dans certains cas, il peut même entrainer une hausse des prix à court terme, car les investisseurs cherchent à ajuster leurs positions avant l’expiration des options.

Faut-il rappeler aussi, que la tendance à la hausse ou à la baisse des marchés financiers est influencée par des facteurs psychologiques, géopolitiques et que l’ingrédient économique n’est pas toujours le plus déterminant quand le vent de panique souffle sur un marché boursier.

A ce propos, je suis éberlué du constat naïf de certains économistes qui nous laissent croire, qu’on peut passer d’un monde, où les taux étaient négatifs ou nuls, à un monde où les taux sont positifs, et sans secousses à l’atterrissage.

Le risque systémique est réel et la politique de « l’argent facile » finit toujours par une addition astronomique.

La politique de « l’argent facile » est une bombe à retardement inéluctable, qui a des effets négatifs à long terme, tels que l’augmentation de l’endettement, la création de bulles spéculatives, et les dévaluations de la monnaie. La faillite de la Silicon Valley Bank et la chute des actions du Crédit Suisse sont des signes prodromiques d’un risque systémique, car les crises sont imprédictibles, comme les séismes. Elles se produisent au moment où l’on s’y attend le moins.