Par Samia Harrar
Les nouvelles qui viennent du « front » : enfin, de plusieurs fronts à la fois, qui regardent le monde, dans sa vastitude, ne sont pas du tout alléchantes. Et il faut se résigner, ou plutôt, décider en toute âme et conscience, de leur tourner le dos, mentalement, pour ne pas s’enliser à son tour, dans une dépression sans fin, faute de pouvoir en contrecarrer tout ce qui est propre à faire souffrir les Hommes. Tout ce qui est de nature à empêcher que la joie advienne. Tout ce qui, en somme, use la résistance, en empêchant l’imagination de construire, comme pour s’y réfugier en amont, une possibilité d’autres façons d’être au monde, et surtout envisager d’autres mondes, qui seraient habitables pour tout le genre humain, de la même façon, et qui ne seraient pas, ou plus, abîmés comme ils le sont aujourd’hui, par le fait des Hommes, qui ne veulent pas, plus, fraterniser entre eux. Le théâtre, heureusement, permet encore, aujourd’hui, lors-même que c’est d’être évident par ailleurs, de rendre possible, cette fraternité-là, qui fait tant défaut aujourd’hui, à d’autres niveaux, où l’art et la culture, ne sont plus sollicités de la même façon, sauf à servir de faire-valoir, en guise de trompe- l’œil, sur des « terrains » où il s’avère, de plus en plus difficile, de parler de paix, lorsque les guerres y font rage…
Il se trouve qu’il y a, fort heureusement, des exceptions. Qui sont comme un « baume » à l’âme la plus endolorie. Et la journée d’hier : celle du 27 mars, qui fête le quatrième des arts, à échelle internationale, en fait partie. En ce qu’elle constitue la preuve, s’il en est, qu’il est possible de préserver farouchement, par-delà le passage des ans, ces petites « lumières » qui ont la capacité d’éclairer les recoins les plus sombres, lorsque vient la nuit, et qu’elle s’attarde plus qu’il n’en faut, parce que lorsque la place est laissée vide, à l’obscurité, pour qu’elle envahisse tout notre univers, c’est comme si l’on proclamait la fin de notre civilisation humaine. Ainsi, en Tunisie comme ailleurs, où il faut se débattre entre mille et une contingences, que la « fête » du théâtre ait pu, ne pas, être escamotée, parce que les circonstances l’auraient exigé, est, en soi-même, une immense victoire. En ce sens que le théâtre, comme viatique et comme exutoire d’excellence, pour se défendre, de la tentation de couler, a, encore une fois, joué son « rôle » majeur, sur moult partitions, pour faire œuvre de résistance. C’est toujours édifiant, et réconfortant, en réalité, de pouvoir s’y appuyer, pour sortir la tête hors de l’eau, et respirer…
Samia HARRAR