La nomination à la tête de la COP 28 de Sultan al-Jaber, qui cumule déjà les casquettes de ministre émirati de l’Industrie et de patron du géant pétrolier ADNOC, continue de faire polémique. Alors que les organisateurs continuent de défendre al-Jaber, sa nomination inquiète les défenseurs de l’environnement mais aussi une centaine d’élus internationaux, notamment du Congrès américain et du Parlement européen, qui ont appelé cette semaine à son retrait de la présidence de la prochaine conférence sur le climat. La nomination du ministre émirati de l’Industrie et patron du géant pétrolier ADNOC pour présider la conférence de l’ONU sur le climat prévue fin 2023 avait déjà été vivement critiquée en janvier par une centaine d’ONG.
Ce rendez-vous mondial pour lutter contre le réchauffement climatique n’aura lieu que dans six mois, et déjà les polémiques se multiplient. La cible de ces élus européens et américains qui interpellent les grands décideurs, mais aussi du monde des défenseurs de l’environnement, c’est Sultan al-Jaber, ministre de l’industrie émirien et surtout PDG de la compagnie nationale de pétrole d’Abu Dhabi, l’ADNOC. C’est lui qui doit diriger les débats à Dubaï. Pour ces critiques, sa présidence est un non-sens, voire une provocation. Selon eux, on ne peut pas confier la présidence d’un tel événement à un représentant du lobby pétrolier, l’un des secteurs responsables de l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
« Nous vous exhortons à faire pression pour que les Emirats arabes unis renoncent à la nomination de Sultan al-Jaber », écrivent-ils, faisant part de leur « profonde inquiétude » dans une missive adressée au président américain Joe Biden, à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et au secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Dans leur missive, les élus demandent également de limiter « l’influence des industries polluantes » dans ces réunions climatiques, déplorant une proéminence des lobbys. « Nous ne pouvons pas laisser des intérêts particuliers créer davantage d’obstacles dans la course contre le changement climatique », a plaidé notamment Sheldon Whitehouse, l’un des sénateurs américains les plus engagés sur les questions climatiques, sur Twitter. A Bruxelles, cette lettre a été signée par 99 députés écologistes, de gauche et de centre-gauche.
Sultan Al-Jaber a reçu, par ailleurs, des soutiens de poids comme ceux des États-Unis et de la France. « Peu importe qui organise, l’important ce sont les décisions et les résultats », avait expliqué Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie, lors d’une visite en janvier dernier aux Émirats. Les organisateurs continuent, de leur côté, de défendre la nomination d’al-Jaber. En avril, M. Al-Jaber s’était défendu en rappelant qu’il était aussi le fondateur de Masdar, géant national émirati spécialisé dans les énergies renouvelables, et il avait assuré que son pays travaillait à sa transition énergétique depuis « plus de vingt ans ». Le quadragénaire a pris le rôle de PDG d’ADNOC en ayant pour « mandat » d’œuvrer à sa « décarbonation », a réagi mardi un porte-parole de la COP28, soulignant que le ministre émirati avait déjà participé à onze COP. Selon ce porte-parole, son « expérience en tant qu’ingénieur » et que « dirigeant industriel » est un « atout » pour la COP28.
À 49 ans, Sultan Ahmed Al Jaber est une personnalité en vue dans son pays, les Émirats arabes unis, où il cumule plusieurs casquettes, en politique comme à des postes à responsabilités dans l’industrie de l’énergie. Pourtant personne n’aurait parié sur sa nomination à la tête de la COP28, qui va être organisée à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023. En effet, l’actuel ministre émirati de l’Industrie et des Technologies avancées est avant tout PDG du géant pétrolier national, ADNOC (Abu Dhabi National Oil Company), depuis 2016. Pas forcément le profil idéal, selon les analystes, pour porter une conférence mondiale entièrement tournée vers la lutte contre le changement climatique et la réduction des émissions.
À la tête de l’ADNOC, Al Jaber a rapidement transformé l’entreprise, améliorant sa performance globale et sa rentabilité. Ce n’est d’ailleurs pas sa compétence commerciale qui inquiète ses détracteurs mais bien ses positions radicalement pro-énergies fossiles régulièrement réaffirmées, lesquelles envoient le mauvais message. Une impression renforcée par le fait que, selon la Banque mondiale, son pays était le quatrième plus grand pollueur par habitant au monde en 2019.
Dans un contexte où chaque nouvelle édition de la COP voit croître l’influence des lobbyistes du secteur pétrolier et gazier, beaucoup d’écologistes considèrent le choix d’Al Jaber, qui est à la tête de l’un des leaders mondiaux de l’industrie des combustibles fossiles et ne manque pas une occasion de plaider pour les hydrocarbures, comme une provocation. En novembre dernier, lors de la COP27 organisée à Charm el-Cheikh, plusieurs observateurs avaient déjà souligné la présence accrue de lobbyistes des hydrocarbures et voient ainsi leurs soupçons confirmés.
(avec agences et médias)