Des « plagistes » illégaux à l’affût du gain facile, ne cessent d’investir la majorité des plages du pays. Ils rackettent les citoyens et dictent leur loi en toute impunité. Ils sont les « maîtres » des plages. Ils s’occupent de « l’accueil » des estivants. Torse nu, pochette accrochée sur le bras, ce jeune homme est la caricature même du parfait « squatteur des plages ». Très tôt le matin, il commence à « marquer » son territoire. Il installe ses parasols, tables et chaises au bord de la mer, s’adjugeant ainsi les endroits les plus stratégiques. Gobelet de café dans une main, boisson énergétique dans l’autre, il fait le tour de «sa » plage lançant des regards méchants à ceux qui ne se soumettent pas à sa loi !
Il tente alors de les intimider. Plusieurs endroits sont squattés en toute impunité par une poignée de « plagistes » autoproclamés qui déploient leurs tables, chaises et parasols sur les meilleurs endroits. Ils empêchent du coup les estivants de s’y installer à moins de passer à la caisse et payer le prix fort.
A l’entrée de la belle plage de Hammamet, le visiteur peut lire sur un panneau cette annonce engageante : « Plage aménagée.» Une fois la plaque dépassée, l’estivant doit pourtant s’acquitter de deux taxes : D’abord, 2 dinars pour le ticket du parking et 5 dinars pour un parasol, une table et quatre chaises s’il veut s’installer dans un endroit plus ou moins propre. Autrement, s’il préfère s’asseoir sur le sable pour ne pas débourser, il a tout loisir de partir à la recherche d’un espace qui n’aura pas été investi par les plagistes. Les prix varient en effet, selon les journées et le degré d’affluence, mais aussi à la tête du client, entre 5d000 et 10d000.
Sur les plages de Kélibia, Haouaria, Hammam Ghezaz et Tazarka , aucune place n’est libre dimanche dernier. Les parasols sont plantés comme des champignons, les tables et les chaises en plastique sont collées afin d’occuper tout l’espace. « Pour se permettre d’avoir une bonne place pied dans l’eau il faut arriver à six heures du matin », nous dit un père de famille venu de Tunis, avant d’ajouter : « Je me suis déplacé vers cette plage vu sa bonne réputation. Mais là, il y a trop de monde et on ne trouve pas de place pour placer son parasol. Nous sommes obligés de louer ».
Ces plagistes n’hésitent pas à vous aborder directement pour vous proposer leurs parasols déjà idéalement installés. «Un parasol, une chaise, des tables…», lancent-ils à chaque estivant qui met les pieds sur le sable chaud de ce qu’ils considèrent comme étant leurs plages.. Et chaque année, le même scénario recommence en plus des autres activités tout aussi illégales que les mêmes squatteurs exercent en exclusivité sur les lieux : parking, location de parasols et de tentes. Ils ne sont pas tous des enfants de chœur et continuent à racketter les estivants, usant même de violence physique et verbale pour leur « pomper » quelques dinars. Même si le phénomène a connu un peu de recul par rapport aux années précédentes, les squatteurs réinstallent carrément des tables et des chaises de façon à ne pas laisser de place aux gens qui amènent avec eux leur propre parasol. Des accrochages éclatent entre ces squatteurs et les estivants qui estiment avoir le droit de s’installer où ils veulent.
Pourtant des saisies de matériel ont été enregistrées ainsi que l’interpellation de personnes qui ont été entendues par les éléments sécuritaires sur ces faits, au courant des saisons estivales précédentes. A chaque saison estivale on assiste au même scénario qui se répète : des familles entières sont prises en otage par ces squatteurs de plage. Ils continuent de se plaindre souvent sans gain de cause puisque les plages sont toujours à la merci de leurs squatteurs. « A partir du moment où l’on est sommé de payer pour s’asseoir sur le sable, la plage n’est plus gratuite », nous confie un père de famille. Ceux qui voudraient s’installer dans ce périmètre sans en payer les frais, sont sommés immédiatement de quitter les lieux sous peine de se faire déloger de force. Un avis que partage Lamia. Elle admet qu’elle se sent obligée de louer à chaque fois un parasol pour « acheter » sa tranquillité. «Je viens avec des copines, j’ai compris que si je louais chez eux les parasols ils ne laisseraient pas les gens nous embêter, si ce n’est pas le cas ce sont eux qui viennent le faire…», avoue-t-elle avec beaucoup d’amertume.
Ces squatteurs des plages se croyant intouchables et hors de portée de la loi, ont des années durant racketté les vacanciers à leur guise sans que personne ne lève le petit doigt. Hormis quelques plages hautement surveillées, la totalité du littoral tunisien est assujettie à la volonté de ces réseaux. La police municipale et l’APAL font preuve souvent de fermeté requise pour s’opposer à ceux qui seraient tentés de passer outre la loi dans le cadre de la lutte et du combat contre cette implantation illicite. Malheureusement, peu de plages n’ont pas été envahies par ces squatteurs. A l’exemple de la plage du village de Maamoura. Contrairement aux autres plages, celle-ci n’a pas été submergée par les parasols de location, excepté quelques parasols posés par terre destinés aux estivants qui ne prévoient pas le nécessaire.
Kamel BOUAOUINA