Souad Massi revient à Dougga avec un concert plutôt intimiste. Un délicieux cocktail de mélancolie mêlée d’énergie, d’espoir et de résistance. Le public éclectique de la cité antique reste sur sa faim.

Elle a chanté le deuil, l’infortune, le dépassement. Elle a chanté l’exil, le spleen, la contestation. Elle a surtout chanté la vie, le courage et la lutte, dans un monde jalonné d’injustices, de débâcles et de chagrins. Au beau milieu des ruines de Dougga, Souad Massi était parfaitement dans son élément hier mercredi (2 août). Le concert, très intimiste, était élégiaque in globo, taciturne par moments, mais plein d’espérance, combatif et revigorant. Un délicieux cocktail de mélancolie mêlée d’énergie, d’espoir et de résistance.

Habituée de Dougga, l’Algérienne avait égayé la clôture du festival en 2016 avec son album à succès « El-Mutakalimun », qui rendait hommage aux grands poètes arabes classiques. Elle revient, cette fois-ci, sur la scène de l’amphithéâtre antique avec son nouvel opus « Sequana », sorti fin 2022. Un voyage musical plutôt intimiste, au ton ouvertement mélancolique, et qui prend pour sujet des sentiments aussi délicats que viscéralement contradictoires. La chanteuse et compositrice algérienne y dit ses peines et ses joies, ses nostalgies et blessures, ses espoirs, rêves et combats. La déesse Sequana, vénérée par les Gaulois pour ses dons de guérison, y joue subtilement le rôle d’égérie.

Le mélange des sonorités était surtout de mise avec des mélodies chaabi, kabyle et gnawa qui se mêlaient délicieusement au folk, au rock et au country. De jolis solos au violon ponctuaient des épisodes rythmiques plus ou moins longs, alors que la batterie et le bendir engageaient quelques beaux dialogues de percussions. Deux moments forts de la soirée : un très bel hommage au monument du country américain Johnny Cash et au mythique chanteur révolutionnaire chilien Victor Jara. Une complainte à la noirceur très intime d’un côté, un hymne à la liberté et à la lutte pour la justice, de l’autre. Un pur délice.

Du reste, la voix élégiaque de Souad Massi, encore mise en valeur par les douceurs de sa guitare acoustique, était en parfaite symbiose avec les résonnances ancestrales des magnifiques ruines de Dougga.

Expéditive dans un premier temps, l’Algérienne, qui monte à Carthage dans quelques jours (6 août), a fait découvrir, en moins d’une heure, les morceaux phares de son nouvel album. Mais sollicitée par un public qui restait sur sa faim, elle revient sur scène, flattée par les applaudissements, pour le régaler de quelques pépites de son ancien répertoire, très apprécié en effet en Tunisie. Cerise sur le gâteau : le concert était précédé d’un défilé d’habits traditionnels, d’une visite guidée dans le site archéologique et d’une séance de dégustation des délices de la région, pour un moment de divertissement de haute qualité.

Gros point fort, en effet, de cette manifestation très ancrée dans son authenticité culturelle locale. Dirigé avec brio par Mokhtar Belatek, un homme de radio et de culture, épaulé par une jeune et compétente équipe, le festival allie valeurs sûres, fraîcheur et bon goût, et sort incontestablement du lot dans la médiocrité ambiante.

Prochain rendez-vous incontournable : le concert de Dhafer Youssef, programmé en clôture (7 août), et qui représente, à notre goût, un épisode musical de haute facture. De bon augure en effet pour le public très éclectique du Festival international de Dougga, qui reste encore sur sa faim.

Slim BEN YOUSSEF