La franchise en Tunisie présente de nombreux avantages pour les franchisés, qui peuvent bénéficier de la notoriété, du savoir-faire et du soutien du franchiseur, ainsi que d’un risque réduit par rapport à la création d’une entreprise indépendante. La franchise permet également de créer des emplois locaux et de contribuer au développement économique du pays. Au cours des sept dernières années, la compréhension du modèle d’affaires de la franchise a connu une progression remarquable, passant de 34% à plus de 80% comme le précise Rym Bedoui Ayari, experte internationale en franchise, fondatrice de la plateforme wefranchiz.com et membre de l’Association tunisienne de franchise.
Le Temps.news : Quels sont les atouts de la Tunisie en matière de franchise ?
Rym Bédoui Ayari : La Tunisie compte entre 250- 300 enseignes de franchise provenant de 19 pays, réparties dans plusieurs secteurs d’activité exploitant près de 4 000 points de vente, selon une étude du CLDP en 2021 et les études de wefranchiz . Les enseignes tunisiennes détiennent près de 80 % des points de vente franchisés en Tunisie contre 20 % pour la France. Les franchises étrangères en Tunisie sont nombreuses. Plus de 96 % des franchises présentes en Tunisie sont originaires de cinq pays qui sont, en ordre d’importance : La Tunisie, La France, Les États-Unis, l’Italie et le Qatar
Est-ce que la Tunisie est un marché porteur ?
Tout est relatif au nombre d’habitants, au pouvoir d’achat et aux habitudes de consommation. Le pays détient un grand potentiel pour le développement des marques locales et des services adaptés aux besoins des tunisiens.
Comment est régie juridiquement la relation entre le franchiseur et le franchisé ?
Les premiers textes de loi sur la franchise sont publiés en 2009 afin de régir ce secteur
-Loi 2009-69 du 12 Août 2009, relative au commerce de distribution, Décret 2010-1501 du 21 juin 2010, portant fixation des clauses minimales obligatoires des contrats de franchise ainsi que des données minimales du document d’information l’accompagnant e
-Arrêté du ministre du commerce et de l’artisanat du 28 juillet 2010 portant l’octroi systématique à certains contrats de franchise, de l’autorisation prévue par l’article 6 de la loi n°91-64 du 29 juillet 1991, relative à la concurrence et au prix)
-Loi N°36-2015 du 15 Septembre 2015 relative à la réorganisation de la concurrence et les prix
-Décret n°2016-1204 du 18 octobre 2016 portant fixation des procédures de présentation des demandes d’exemption et de sa durée en application de la loi n°2015-36 du 15 septembre 2015, relative à la réorganisation de la concurrence et des prix.
Quel est le profil des candidats franchisés recherchés ?
C’est un profil d’entrepreneur qui va mettre ses économies soit dans un projet de vie , soit en reconversion professionnelle du secteur privé ou public, en général des cadres, ou soit un investisseur qui veut placer son capital dans un projet auquel il croit. Ces trois profils sous-entendent qu’ils investissent dans le réseau d’une enseigne et qu’ils sont d’accord pour travailler au sein de ce réseau et obéir aux standards de ce réseau. Ces profils doivent également avoir les ressources ou accéder aux ressources nécessaires pour la réussite de ce projet (financier et accès au recrutement des équipes)
Est-ce que la franchise séduit-elle les femmes ?
En général il y a une parité entre homme et femmes, des années les femmes semblent être plus intéressées par ce modèle qui offre la sécurité d’un modèle qui a fait ses preuves et que l’on duplique avec un accompagnement de l’enseigne à travers des formations et un support technique. Les femmes constituent souvent une seconde source de revenu dans le ménage donc une reconversion professionnelle en franchise leur semble une excellente alternative, moins risquée et qui peut devenir un projet familial si ça réussi.
Est-ce qu’il y a des secteurs porteurs et d’autres qui ne sont que des illusions ?
Plusieurs secteurs sont porteurs. Le premier est l’alimentation spécialisée et la restauration qui représentent 45 % des secteurs d’activités détenus à plus de 99 % par des enseignes tunisiennes dont El Mazraa (88%) et Chahia. Le secteur n°2 est est celui de la téléphonie et de l’Internet qui représente 18 % des secteurs d’activités détenues par 3 grandes enseignes soit Orange (France) à 60 %, Tunisie Télécom (Tunisie) à 20 % et Ooredoo (Qatar) à 20 %. Les autres secteurs d’activités importants sont le secteur automobile (station d’essence, location d’autos…) à 10 %, le secteur d’habillement et du prêt à porter à 7% et le secteur des super et hypermarchés pour 5 %
Quand on demande aux tunisiens, ce qu’ils considèrent être le secteur en franchise dans lesquels ils souhaitent investir, voici leur réponse : la première catégorie soit 90% dans les vêtements à l’unanimité et la pâtisserie. La catégorie n°2 soit 75% optent pour les enseignes de produits tech, les enseignes de produits cosmétiques, les cafés et Cafés et les salons de thé. Quant à la 3eme catégorie soit + 50%, ils s’intéressent aux clubs de sport et aux centres d’esthétiques. Les secteurs qui ont le plus de potentiel à mon avis sont les secteurs avec un faible apport en capital tel que les services et les nouveaux métiers du digital, formation, etc.
À quoi s’engagent les partenaires vis-à-vis de l’enseigne ?
Les partenaires s’engagent à l’utilisation du nom de marque, le transfert de savoir-faire et l’encadrement des franchisés pour mener à bien leur entreprise (support technique)
Il y a environ 12 millions d’habitants en Tunisie et combien ont les moyens de s’acheter des produits dans des magasins de franchise ?
La question ne se pose pas, parce que acheter auprès d’une franchise n’est pas une question de pouvoir d’achat mais d’accessibilité (certaines ne sont pas toutes présentes à travers le territoire). Le baromètre de la franchise 2022 montrait que +80% des répondants associaient la franchise à la qualité et des standards élevés et que c’était le premier critère de choix (même avant le prix)
Les grands Malls tunisiens favorisent-ils l’essor de la franchise ?
Oui bien sûr, les enseignes se rapprochent des consommateurs, prennent leur place dans des zones territoriales qui n’étaient pas visées plus tôt et changent les habitudes de consommations des populations où ils s’implantent (ca ne veut pas forcément dire dépenses plus, mais avec les substitutions de budget et arbitrage de choix, le consommateur tunisien va voter avec son portemonnaie. ). Les malls vont introduire de nouvelles façons habitudes qui peuvent challenger l’économie locale et dynamiser des projets autour de ces malls qui seront positifs pour la région où ils sont présents. Par exemple, les familles peuvent prendre l’habitude de sortir au mall en week-end, ce qui va dynamiser les activités hors cadre domestique dans la région (cafés, parcs d’attraction enfants, cinémas, etc.) autour de ce mall.
Y a-t-il des franchiseurs d’origine tunisienne ?
Oui 60% des réseaux en franchise sont tunisiens et + de 80% des tunisiens ont confiance dans les marques Tunisiennes pour se développer en Tunisie et à l’export. C’est un business model (franchise tunisienne) qui peut créer de l’emploi, développer des investissements dans les régions , favoriser le secteur formel, payer des impôts à l’État et augmenter le transfert de savoir-faire surtout dans les régions.
Quelles sont les difficultés que rencontrent les franchiseurs qui souhaiteraient installer leur marque en Tunisie ?
Pour les enseignes internationales, certains secteurs sont soumis à demande d’exemption sous présentation d’un dossier qui est validé par le ministre du commerce et après avis du conseil de la concurrence. Sinon, il faut qu’ils fassent une étude préalable avant leur entrée en Tunisie pour comprendre le potentiel du marché et comment optimiser leur lancement en Tunisie. Il faut aussi choisir le bon master franchisé tunisien pour être sûr de bien réussir sur le plan local. Wefranchiz a travaillé avec les plus grandes enseignes internationales pour la Tunisie (KFC, Papa John’s, Chilis, Century 21, Nike, Converse, Tommy Hilfiger, Crestcom, etc.)
Quelles sont les difficultés que peuvent rencontrer les candidats franchisés et que faites-vous pour les anticiper ou y remédier ?
Je pense que la difficulté la plus importante est le manque d’information et de formation pour les futurs franchisés et en second lieu l’accès au financement. Les futurs ou actuels franchisés peuvent consulter le site web (www.wefranchiz.com) ou nous avons publié le guide du parfait franchisé, les émissions radios comme Zoom franchise sur express fm, mes articles du mensuel Managers. J’essaie réellement de travailler sur cet aspect de l’écosystème pour justement démocratiser ce modèle d’affaires et rendre les opportunités plus équitables.
Quels conseils donneriez-vous à un candidat à la franchise, avant qu’il ne fasse son choix sur telle ou telle enseigne ?
Consulter le DPI (document d’information précontractuel) et se renseigner auprès du réseau existant, quitte à demander à l’enseigne de passer un ou deux jours de familiarisation au sein du réseau pour comprendre si il ou elle est vraiment faire pour ce projet. Je recommande cette période test à tous les clients qui recrutent des franchisés.
Il y a aussi de plus en plus d’entreprises tunisiennes qui se rendent compte qu’elles peuvent devenir franchiseur et qui ont besoin de formation à la franchise et d’accompagnement ?
Effectivement, quand on se lance en franchise, il faut le faire sur une base de modélisation solide où le franchiseur met en place une vision et une stratégie de développement, un budget et définit ses besoins et le profil du franchisé. Le succès de la duplication de son modèle va aussi se baser sur l’assimilation de la culture et des valeurs de la franchise et la juste offre commercial qu’il va faire au franchisé et également et le plus important un transfert de savoir-faire sur des bases solides et un support technique qui va justifier la réussite de la nouvelle unité franchisé. Nous intervenons sur toutes ces étapes et c’est très important que ce soit pour une franchise en cours de développement ou un nouveau concept de faire le point avec le fondateur du projet et de comprendre si sa vision et valeurs sont en adéquation avec le modèle de franchise. Si ce n’est pas le cas, il faut justement commencer par ce point !
Comment s’annonce votre salon Tunisia Franchise Show prévu les 15 et 16 février 2024 ?
Le salon intéresse beaucoup de tunisiens qui ont commencé à s’inscrire sur notre site web parce que justement, ils veulent comprendre le modèle et voire ce qui se passe du côté des enseignes et comment ils peuvent profiter des opportunités de franchise, parce qu’aujourd’hui avec la crise économique et après le COVID un emploi à temps plein n’est peut-être plus la solution pour beaucoup de personnes actives.
Le salon a aussi su gagner sa place dans le monde de la franchise après une première édition réussi et c’est devenu un rendez-vous pour les enseignes qui veulent exposer, recruter des candidats , tester leur concept en direct sur le marché et puis également networker avec des investisseurs, des bailleurs de fond, des visiteurs internationaux, etc.Nous allons aborder des thèmes originaux tels que la communication dans la franchise, l’export des concepts tunisiens mais également le financement des projets et plusieurs autres activités sont en train d’être mis en place pour contribuer à mettre en place l’écosystème.
Kamel Bouaouina