Les premières cigognes sont arrivées. Un premier détachement précurseur arrive. Elles viennent reconnaître les lieux abandonnés, quelques mois auparavant, au moment de l’exode hivernal. Inspection frileuse des grands nids perchés sur les vieux toits des maisons des villes et des fermes dans la campagne, sur les hautes branches des arbres, on en rencontre de loin en loin, sous le ciel bas et gris : perchées sur leur pattes trop longues, leur grand cou replié, attendant le beau temps, elles passent l’hiver en Tunisie. A la moindre alerte, au moindre bruit, elles redressent leur long col, étendent mollement leurs ailes blanches puis, ramant largement, elles prennent lourdement leur vol. Les ailes étendues s’immobilisent ; cou et pattes allongés, elles planent un moment, puis, détendant leurs longues échasses, elles se posent un peu plus loin dans un grand battement de leurs ailes qui n’en finissent pas de se replier.
Ces oiseaux sont un élément familier de notre environnement et occupent une place particulière parmi les vertébrés dans les écosystèmes. En effet, leur présence dans tous les types de milieux, leur fidélité au biotope natal, leur place dans les chaînes alimentaires, les fonctions qu’ils remplissent dans les écosystèmes, leur aptitude à coloniser l’espace dans ses trois dimensions, et surtout leur grande sensibilité aux modifications de l’habitat, sont en fait, de bons indicateurs écologiques, susceptibles de renseigner sur l’état de santé d’un territoire
Le Dr Imad Al-Sati, expert en biologie et études ornithologiques affirme que « certains considèrent cet oiseau comme un « de bon augure » et de développement qui entretient de bonnes relations avec les agriculteurs. Il disparaît en automne et en hiver, avant de revenir fin janvier et début février pour nicher et s’accoupler en Tunisie». Ces cigognes sont entourées d’un mythe intelligent destiné à les protéger ? Eh oui, nos aïeux la qualifiaient de saint ou de marabout, du temps où les croyances populaires étaient bien ancrées dans les mentalités. Alors que la période de migration a débuté fin août, les cigognes blanches, classées comme espèce protégée, font un retour remarqué dans le ciel tunisien.
Ces cigognes qui portent plusieurs noms, « Hadj Kacem » ou encore « Bellarej » se rendent au Sud par la route de Gibraltar, afin de gagner le Maghreb et parfois l’Afrique équatoriale. Ces Cigognes blanches utilisent différents espèces d’arbres comme supports naturels tandis qu’elle niche plus fréquemment sur les poteaux d’électricité différents types (métalliques, en béton ou en bois, de basse et de haute tension) mais aussi sur les minarets des mosquées ; les pylônes de télécommunications, les réservoirs d’eau et les toits. Elles ont besoin de zones humides pour se reposer et se ressourcer durant son voyage migratoire souvent périlleux entre l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord et l’Europe, où l’espèce se reproduit.
La conservation et bonne gestion durable de nos zones humides sont essentielles pour la survie de cette espèce et bien autres. Ces cigognes se reproduisent en colonies et construisent la plupart du temps leurs nids avec des branchages en haut des arbres ou sur des constructions humaines. Elles se nourrissent de grenouilles, de lézards, d’oisillons, d’écrevisses, de petits rongeurs, etc. Ces cigogneaux séjourneront en Tunisie jusqu’au mois de janvier et février avant d’entamer leur retour vers les aires de nidification. Ces cigognes adorent les lieux hauts perchés. Ils nichent sur les toits des maisons et il n’est pas rare de voir des poteaux électriques aménagés de sorte que les cigognes puissent y confectionner leur nid. On peut les voir sur leurs nids sur l’autoroute A1 au niveau d’Enfida, à Beja, Sejnan et Ichkeul.
La cigogne est l’oiseau emblématique de Béja. Ses grands nids sont partout. Il est devenu l’un des habitants de la ville. Si on se mobilise aujourd’hui pour sa protection, c’est aussi une action pour sauvegarder une composante culturelle de la cité. Ce qui attire les cigognes, ce sont les champs plats et ouverts ainsi que les points d’eau qui les ponctuent. La cigogne est porteuse de chance et de plaisir. Le fait qu’elle maintienne une position de sérénité durant son sommeil, en se posant sur une seule patte, explique très probablement le fait qu’on l’associe à la sagesse, à la réflexion philosophique ainsi qu’à la lucidité des connaissances inhérentes.
Kamel BOUAOUINA