Montée du niveau de la mer, tempêtes violentes… Le littoral tunisien change à vue d’œil, parfois brutalement. Et c’est en grande partie à cause de l’activité humaine. Selon une récente étude de la Banque mondiale, en 2015, 44 % des côtes tunisiennes sont considérées vulnérables à fortement vulnérables et 24 % sont considérées moyennement vulnérables à une élévation du niveau de la mer et aux risques de submersion et d’érosion. Les plages s’amenuisent. Avec le changement climatique et la montée des eaux, tout le littoral de Hammamet à Kélibia en passant par Béni Khiar est exposé à un risque accru d’érosion. Pour anticiper les conséquences de ce phénomène sur les biens et les activités, les collectivités sont amenées à adapter leurs littoraux en se projetant sur le long terme. C’est un témoin privilégié d’un phénomène qui touche une grande partie de nos côtes. Les conséquences de ce phénomène sur les biens et les activités, les collectivités sont amenées à adapter leurs littoraux en se projetant sur le long terme.

Conséquence du réchauffement climatique, l’élévation du niveau de la mer affecte les zones côtières quatre fois plus vite que ne le pensaient les scientifiques. Mais cette observation ignore un phénomène encore plus inquiétant : la montée des eaux va de pair avec un affaissement du littoral. Un phénomène observé partout en Tunisie. De nombreux points chauds présentent des taux d’érosion de la côte tunisienne de l’ordre de 1,5 m par an, alors que quelques points chauds en Tunisie, comme la plage de Hammamet, montrent une érosion extrêmement rapide, atteignant une vitesse de recul d’environ 3 à 8 m par an, selon l’endroit mesuré le long de la côte. L’occupation et ne cessera de s’accroître à l’avenir, 10 fois plus vite que la vitesse mondiale. Par ailleurs, sur un linéaire littoral total de 2.290 km de littoral (continental, lagunaire et insulaire), la Tunisie ne dispose que de 570 km de plages sablonneuses propices à la baignade.

Erosion et montée du niveau de la mer

La Tunisie a déjà perdu plus de 90 km de plages du fait de l’érosion ou suite à la construction d’ouvrages de défense artificiels. Et sur les 570 km de plages existantes, 190 km sont en état de dégradation nette et risquent de disparaître…

Les villes côtières exercent toutefois une forte pression sur de nombreuses régions écologiquement fragiles. En de nombreux endroits, le développement à proximité de la côte, parfois directement dans les dunes, perturbe l’équilibre naturel entre l’érosion côtière et les processus de sédimentation qui trouvent leur origine à l’intérieur du pays. Ainsi, la côte s’érode de plus en plus et le littoral gagne sur l’intérieur, d’environ 0,2 à 1,35 mètre par an. De fait, 13 pour cent du littoral tunisien est très exposé à l’érosion. Les plages de sable, qui sont la base du tourisme dans le pays, sont particulièrement touchées et menacent de disparaître à un rythme accéléré. Ce processus d’érosion met en péril l’infrastructure côtière, mais aussi les réserves naturelles et les systèmes dunaires qui, de ce fait, ne peuvent plus assurer leurs fonctions écosystémiques.

Cette situation est exacerbée par le changement climatique, notamment par la montée du niveau de la mer (d’environ 0,3 à 0,5 mètre d’ici à 2050), et par la fréquence accrue et la plus forte intensité des tempêtes. La grande importance socio-économique des côtes fait de la Tunisie un des pays les plus vulnérables du monde à la montée du niveau de la mer. Les conséquences incluent également la submersion des sols et la salinisation des aquifères et des estuaires. Il faut s’attendre à cette dernière menace, notamment en cas de surexploitation due à la forte pression démographique. La baisse de niveau des eaux souterraines accroît le risque d’une plus forte intrusion d’eau salée sous l’effet de l’érosion côtière qui se poursuit. De précieuses ressources hydriques sont ainsi perdues.

 Privilégier les solutions douces, fondées sur la nature

Pas question de rester les bras ballants.  Il existe des solutions. On peut recharger en sable nos plages, faire de l’enrochement. Solution ultime souvent difficile à faire accepter, il faut aussi parfois déplacer maisons et infrastructures. Le recul grandissant du trait de côte pourra avoir localement de forts impacts socio-économiques. Avec environ 2.290 km de littoral, la Tunisie est l’un des pays africains les plus concernés par les risques littoraux. Ses côtes sont très attractives, densément urbanisées et accueillent de nombreuses activités. Ces caractéristiques la rendent particulièrement vulnérable. Plusieurs logements pourraient d’ailleurs potentiellement être atteints par le recul du trait de côte, d’ici à 2100.Les collectivités exposées ont un rôle clé pour anticiper le recul du trait de côte. Pour prévenir ce risque, elles sont appelées à élaborer des stratégies de long terme qui combinent : recomposition du territoire, préservation des espaces naturels, actions de sensibilisation, et parfois, systèmes de protection.

L’Agence tunisienne de protection et d’aménagement du littoral (APAL) et la Banque de développement KfW unissent leurs efforts pour lutter contre cette détérioration dans le cadre d’un programme de protection du littoral. Ce programme vise tout particulièrement les problèmes d’érosion côtière et de submersion. Il prévoit des mesures de protection physique telles que des digues et des brise-lames à talus, ainsi que des solutions fondées sur la nature (reconstitution et rechargement de plages, ou protection, croissance et stabilisation des dunes de sable).

Ces dernières solutions consistent essentiellement à clôturer les zones sensibles, à planter une végétation de protection et à installer des clôtures de fixation du sable. Ces mesures s’accompagnent de mesures « douces » telles que la fourniture et l’installation d’équipements publics réglementant l’accès aux plages (clôtures et sentiers d’accès, par exemple), et la mise en œuvre de mesures participatives au niveau municipal, allant de la consultation publique à la cogestion des plages, avec participation des groupes d’usagers. Ainsi dans Le cadre de la 4ème phase du programme de protection du littoral tunisien (PPL4) qui prévoit entre autres des mesures de lutte contre l’érosion marine du tronçon Beni Khiar – Hammamet (linéaire de 29 km), une réunion d’information s’est tenue, le 26 janvier 2024, à la municipalité de Hammamet en vue de la constitution d’ un Comité Local de Suivi (CLS) réunissant des représentants de la société civile, des acteurs du secteur touristique et de la pêche, des riverains…Cette structure est censée garantir le processus de dialogue et de concertation entre l’ensemble des parties prenantes concernées par le projet. D’autres réunions suivront après la sortie du premier rapport technique en mars 2024.Il s’avère que le processus participatif est une obligation du bailleur de fonds allemand (KfW). Il est inscrit dans le cahier des charges. Toutes les solutions techniques doivent être validées socialement avant leur mise en œuvre.

Les collectivités peuvent intervenir sur le trait de côte au titre de leur compétence (gestion des milieux aquatiques). Elles peuvent ainsi déployer des solutions d’adaptation fondées sur la nature, pour aider à maintenir le trait de côte ou accompagner son recul le long du littoral Hammamet- Beni Khiar.

Ces solutions visent à restaurer ou protéger des écosystèmes dégradés, qui forment des barrières naturelles : barres sableuses, plages, dunes et forêts dunaires, herbiers, mangroves, récifs coralliens… Un exemple ? Végétaliser les dunes permet de fixer les sédiments aux racines des végétaux. Ces solutions présentent, de plus, des co-bénéfices : maintien du paysage, amélioration de la qualité de l’eau, préservation de la biodiversité… Les ouvrages de protection, solution « dure », possèdent de nombreux désavantages (impacts, coûts…). Ils évoquent souvent, à tort, une sensation très forte de sécurité. Ils restent cependant parfois la seule option envisageable : lorsque les enjeux sont trop importants et qu’il n’existe pas d’alternatives plus pertinentes, ou lorsqu’il s’agit de se donner provisoirement du temps, pour mettre en œuvre un projet de recomposition spatiale du territoire. Développer la culture du risque, faire connaître le risque d’érosion est essentiel. Cela peut se traduire par des actions visant à sensibiliser et éduquer le grand public et les professionnels en s’appuyant sur les organismes locaux notamment les associations d’éducation à l’environnement et promouvoir l’éducation à l’école.

Kamel BOUAOUINA