L’heure est à la transition énergétique par ces temps où le danger des changements climatiques est à nos portes. Les déséquilibres entre l’offre et la demande de l’énergie se creusent et fragilisent les équations énergétiques de la Tunisie, dont la sécurité énergétique est menacée. La transition énergétique y est un sujet d’actualité qui se déploie sur les plans politique, juridique et économique. Il importe de voir dans quelle mesure l’arsenal réglementaire, institutionnel et de partenariats permet réellement de favoriser le recours à une énergie propre amie de l’environnement
La transition énergétique est la nouvelle tendance énergétique de ces dernières années. L’essor des énergies renouvelables, le déclin de l’industrie du charbon et du pétrole ou l’engagement des villes et des entreprises sont les nombreux signaux qui montrent l’intérêt porté à cette nouvelle donne de la société et de l’économie. Les besoins énergivores induits par la civilisation moderne se sont répandus partout, accélérant le passage d’un système à énergies fossiles conventionnelles et non conventionnelles à un système à énergies renouvelables et propres. La transition énergétique est donc fondamentale pour aller vers un modèle énergétique pouvant satisfaire de manière durable, équitable et sûre (pour les hommes et leur environnement), les besoins en énergie des citoyens et de l’économie dans une société sobre en ressources naturelles, en énergie et en carbone
La transition énergétique est un processus long et complexe. De nouvelles ruptures technologiques vont arriver et contribueront à en façonner encore plus les contours. Les changements politiques mondiaux continueront à influencer positivement ou négativement l’engagement des pays dans la lutte contre le changement climatique. L’enjeu ici est de s’assurer de prendre, aujourd’hui, les décisions qui permettront à la Tunisie d’être, demain, un championne mondiale de l’énergie quelles que soient les évolutions futures du secteur.
Pour cela, la Tunisie a élaboré une stratégie énergétique à l’horizon 2035 en Tunisie qui s’inscrit dans une vision qui consiste à appréhender la problématique de sécurité énergétique du court terme dans une optique de long terme tournée vers un modèle énergétique durable qui contribue au développement bas carbone de la Tunisie. Le premier objectif consiste à élaborer une stratégie à l’horizon 2035 qui permet à la Tunisie de reprendre son destin énergétique en main et permettre à son économie de rester à l’abri de la volatilité des prix de l’énergie. Cette stratégie vise le renforcement de la sécurité énergétique, la réduction des importations des énergies fossiles, la lutte contre la précarité énergétique et la contribution à la neutralité carbone d’ici 2050. Le deuxième objectif visé consiste à asseoir une feuille de route permettant la mise en œuvre concrète de cette stratégie à travers la mise en place des conditions propices pour encourager l’investissement dans les technologies vertes.
Cette feuille de route représente un gage de réussite de la concrétisation des objectifs de la stratégie à travers la programmation trisannuelle des mesures et dispositifs institutionnels et réglementaires à mettre en place sur la période 2023-2025. Les résultats de cette stratégie sont le fruit d’un processus de concertation élargie qui a mobilisé les représentants des parties prenantes, les experts et les responsables impliqués dans la politique publique énergétique.
La Tunisie est en passe de relever le défi de la transition énergétique à l’heure où la crise insidieuse mais persistante générée par le changement climatique menace toute la planète. La Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (CONECT) consciente de ce défi, a organisé une journée de restitution de la Consultation nationale sur la transition énergétique, jeudi 16 mai 2024, en présence de plusieurs experts du groupement professionnel des énergies renouvelables, du comité du pilotage de la consultation nationale sur la transition énergétique et de bien d’autres. Cette stratégie comporte six axes : libérer l’auto-consommation; accélérer l’autoproduction; développer les projets d’autorisation; reporter les nouveaux projets de concession; électrifier l’économie tunisienne; et préparer les projets visant l’exportation.
L’objectif est de renforcer la souveraineté nationale proposée en réponse aux différents défis identifiés lors de la consultation nationale sur la transition énergétique avec une approche sur la réalité du terrain, s’intégrer dans la politique économique actuelle des autorités publiques et de la STEG dans un contexte de stress financier, prendre en considération la situation actuelle du réseau de la STEG et les projets concrets programmés.
La Tunisie doit s’assurer en effet de sa capacité à créer les conditions de valorisation de son remarquable potentiel énergétique en maximisant les effets économiques sociaux et environnementaux. La réussite d’un tel projet requiert l’adhésion de tous les acteurs concernés et la couverture de l’ensemble des segments de la chaîne de valeur depuis la planification stratégique jusqu’à la consommation et l’usage de l’énergie. Une telle adhésion, qui doit être citoyenne, nécessite une bonne compréhension de la transition énergétique et de ses enjeux
Renforcer la sécurité énergétique du pays
La Tunisie a adopté des objectifs ambitieux en termes d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables. Il s’agissait de réduire la consommation d’énergie primaire de 30% à l’horizon 2030, par rapport au scénario tendanciel et atteindre une part des énergies renouvelables de 30% dans le mix électrique au même horizon. Ces objectifs ont fait partie intégrante de la stratégie énergétique Conscient des enjeux de l’accélération de la politique de transition énergétique et climatique, le gouvernement Tunisien a élaboré une nouvelle stratégie énergétique basée sur une vision s’inscrivant dans une optique de neutralité carbone d’ici 2050. La mise en œuvre de cette stratégie vise à contribuer à la décarbonation progressive de l’économie Tunisienne qui soit socialement juste et créatrice de richesse
Moez Aziza, président du Groupement professionnel des énergies renouvelables, a précisé que l’objectif principal de cette consultation nationale est de faire participer les acteurs économiques, les chercheurs, et tous les partis concernés par les énergies renouvelables en Tunisie, afin de mener des études et d’avoir une meilleure vision pour les dix prochaines années à venir.La transition énergétique désigne l’ensemble des transformations du système de production, de distribution et de consommation d’énergie effectuées sur un territoire dans le but de le rendre plus écologique. L’objectif de cette initiative est donc de contribuer aux efforts du gouvernement dans la mise en œuvre de la stratégie nationale de transition énergétique et notamment l’objectif national de porter la part des énergies renouvelables à 35 % de la capacité de production électrique d’ici 2030. Cette consultation nationale vise essentiellement à libérer l’autoconsommation, accélérer l’autoproduction, développer les projets d’autorisation, reporter les nouveaux projets de concession, électrifier l’économie tunisienne, renforcer la sécurité énergétique du pays et préparer les projets visant l’exportation.
Le secteur bancaire, le pivot de la transition énergétique
Abdelhamid Khalfallah, directeur Général de la transition énergétique, a souligné que pour d’accompagner ce programme ambitieux, plusieurs réformes sont en cours de mise en œuvre par le Ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, notamment la mise en place d’une autorité indépendante de régulation du secteur de l’électricité, et la préparation d’un code des énergies renouvelables qui aura pour objectif de regrouper les différents textes existants relatifs à la production d’électricité à partir des énergies renouvelables et de réformer le régime des exportations des énergies renouvelables y compris l’hydrogène vert et d’implémenter la fiscalité y afférente.
Pour l’expert en énergies renouvelables Abdellatif Ben Hammouda « La Tunisie, qui prévoit de porter la part des énergies renouvelables à 35 % de la capacité de production électrique d’ici 2030, n’a atteint que 3% en 2023. La transition énergétique doit être accélérée. Mais le financement handicap cette transition. En effet, le coût des différents projets qui permettront à la Tunisie d’effectuer sa transition énergétique est estimé à 55 milliards de dinars. Pour rappel, les impayés de la STEG s’élèvent à 4 milliards de dinars. »
Le secteur bancaire est certes le pivot de la transition énergétique. Non seulement, il permet de financer directement des projets d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, mais aussi il joue un rôle de catalyseur à travers des politiques de prêts innovantes.Les banques adoptent des critères de durabilité qui encouragent les entreprises à investir dans des technologies propres et à adopter des pratiques durables en conditionnant le financement à des critères stricts de durabilité, orientant ainsi l’économie vers un avenir plus vert.
Installer la Tunisie dans la croissance verte
Les énergies renouvelables jouent un rôle crucial dans la transition énergétique mondiale, offrant des solutions durables pour répondre aux besoins croissants en électricité tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Le potentiel énergétique tunisien en énergies renouvelables, désormais plus compétitif, est en effet remarquable. L’exploitation de ce gisement, permettrait de réduire fortement notre dépendance énergétique, d’améliorer le pouvoir d’achat des citoyens, la compétitivité de nos industries et les comptes publics mais aussi de consolider le positionnement international de notre pays.
La Tunisie peut, en effet, dans un proche avenir, jouer un rôle fondamental pour l’approvisionnement de l’Europe en énergie verte via l’électricité ou l’hydrogène, redessinant ainsi les équilibres géopolitiques de notre région. Aujourd’hui plusieurs sources d’énergies renouvelables sont utilisées à travers le monde. : biomasse, géothermie, hydro-electricité , éolien et solaire. La Tunisie a opté essentiellement pour l’énergie solaire et éolienne dont elle bénéficie d’un potentiel très important sur tout le territoire. Pour la production électrique à partir des énergies renouvelables, ce potentiel est estimé à 280 GW pour l’énergie solaire et à 10 GW pour l’éolien.
La Tunisie dispose de ressources solaires supérieures à 3000 heures par an en moyenne. Les conditions de vent sont favorables au développement de l’énergie éolienne dans plusieurs régions : Nabeul, Bizerte, Kasserine, Tataouine ; Médenine et Gabès. Le potentiel éolien est estimé à 8000 MW. L’énergie totale produite par les centrales éoliennes en Tunisie est d’environ 750 GWh par an, permettant une économie annuelle de 153000 tonnes de combustibles. Le plan solaire tunisien a prévu d’installer à l’horizon 2030 une capacité additionnelle de 3815 MW en énergies renouvelables. Ce plan ambitionnait de faire passer la contribution des énergies renouvelables à la consommation énergétique finale de 1% en 2012 vers 12% en 2030.
Au niveau continental, la Tunisie pourra participer à l’électrification de l’Afrique ainsi que la mise en place des infrastructures pour l’échange d’électricité propre avec l’Afrique. Au niveau international, la Tunisie a les atouts pour prendre une place dans la nouvelle économie verte et notamment la filière hydrogène. Ceci peut se concrétiser par la mise en place d’un nouveau partenariat énergétique entre la Tunisie et l’Europe incluant les dimensions de transfert technologique, de recherche et développement et de développement industriel.
Kamel BOUAOUINA