Par Raouf KHALSI
Doit-on s’attendre à quatre années imprévisibles avec Donald Trump ? Et en quoi ce come-back est-il porteur de l’inconnu avec une Amérique qui redeviendra forcément suprématiste ?
Personnage et président atypique, il s’installera à la Maison blanche avec son armée de fantassins ultra-loyaux et ne s’éloignera pas de ses milices de gros bras si enclins à installer-comme dans le haut fait du Capitol-un équilibre de la terreur au sein de l’Amérique elle-même.
Le fait est que, depuis 2001, c’est la première fois qu’un président remporte le vote populaire et rafle le Sénat. C’est que le populisme de Donald Trump n’est plus un secret pour personne. Tendance suprématiste, certes, mais aussi un conservatisme décapant sur les questions sociales (l’avortement) et les logiques géostratégiques qui, du reste, ne diffèrent pas beaucoup de celles des démocrates : les Etats-Unis gendarme et au centre du monde. En quoi, donc, on aura quatre années imprévisibles ?
Sur ce plan, c’est la Vieille Europe qui a toutes les raisons de s’inquiéter.
Prenez Macron : il s’est fondu en félicitations obséquieuses, marquant son empressement de « travailler ensemble ». La peur que cette réélection ne change la donne en Europe se précise aussi au regard des réserves qu’oppose Trump quant à l’utilité de l’OTAN pour l’Amérique, eu égard aussi à la grande « complicité » entre Trump et Poutine et les excroissances manifestées par le président américain en faveur du maitre du Kremlin, depuis déjà le premier mandat. Une bonne intelligence qui s’est particulièrement manifestée au sommet de Helsinki en 2018.
Là aussi, néanmoins, on y va avec des pincettes : les lobbys et l’industrie de l’armement américains se sont fait de gros sous « grâce » à la guerre en Ukraine.
Depuis la proclamation du verdict, les observateurs et autres commentateurs européens s’interrogent sur ce qui adviendra de l’Europe et de la guerre en Ukraine avec Trump. Il est vrai que le retour du bouillonnant président conforte la montée de l’extrême droite dans cette Europe qui se replie sur elle-même.
Néanmoins, presque rien, presque pas de commentaires sur Gaza et le Liban et sur Gaza particulièrement.
Si Macron s’est fondu en félicitations obséquieuses, Netanyahu y est allé en dévotion pure et simple. C’est que Trump avait reconnu « la souveraineté » israélienne sur le Golan, déplacé l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem et s’est prosterné devant le mur des lamentations. Après le 7octobre, Trump a bien encouragé Netanyahu lui demandant aussi de « terminer le boulot ».
Il n’y a pas de secret, bonnet blanc, blanc bonnet : qu’est ce qui aurait changé si Kamala Harris s’était propulsée à la Maison blanche ? Les accords d’Abraham ? On sait que c’est une utopie dans un sens comme dans l’autre, et c’est un dessein chimérique dans la mesure où jamais l’entité israélienne et l’Amérique ne reconnaitront l’édification d’un Etat palestinien sur une terre à tous un peu trop promise.
Peut-on et doit -on s’attendre à une nouvelle perception du martyre des Palestiniens et des Libanais ? Cela dépend essentiellement des pays du Moyen-Orient qui se drapent de l’affect des peuples arabes pour protéger leurs propres intérêts dans la région. On sait que Trump a vendu beaucoup d’armes à l’Arabie Saoudite et on ne sait trop si cela jouera dans la perception globale du conflit, surtout que les Saoudiens refusent de normaliser avec Israël tant que le droit de la Palestine à un Etat souverain n’est pas reconnu.
On en est donc là à tergiverser encore sur les chances de la fin des exactions génocidaires d’un Etat voyou et qui extermine tout un peuple au nom d’une lubie démente d’un Netanyahu qui brandit « l’impératif » d’une guerre des religions. C’est aussi la hantise et la récurrence de « La prison juive » pour reprendre le titre d’un ouvrage de Jean Daniel. Qui sait si cette « prison » ne pourrait pas inspirer les Arabes pour faire sauter les verrous et pour un nouveau paradigme de la lutte palestinienne…