En début d’année, l’optimisme dominait les perspectives de croissance économique au Japon. Le rythme prévu de l’expansion du PIB réel pour 2024 s’établissait autour de 1 %. Bien qu’il ne soit pas spectaculaire en comparaison internationale, ce chiffre restait encourageant puisqu’il dépassait la moyenne annuelle de 0,75 % enregistrée au Japon depuis 2000. Toutefois, cet optimisme relatif s’est progressivement érodé au cours de l’année, dans un contexte marqué par une demande extérieure atone, une consommation stagnante et des incertitudes géopolitiques. Les prévisions récentes évoquent même une légère contraction de l’économie japonaise pour cette année. Cependant, les obstacles s’estompent et les conditions deviennent plus favorables pour le pays asiatique.
À notre avis, la croissance économique au Japon devrait connaître un rebond modéré l’année prochaine. Cet article met en lumière trois facteurs clés qui soutiendront cette amélioration en 2025.
Indice de l’activité de consommation
((Indice mensuel en volume, 2015 = 100)
Premièrement, la croissance robuste des salaires devrait surpasser l’inflation, augmentant ainsi le revenu réel et favorisant une reprise de la consommation. L’inflation élevée des deux dernières années a érodé le pouvoir d’achat des ménages, entraînant une stagnation de la consommation, restée bien en deçà des niveaux moyens d’avant la pandémie (2018-2019).
Depuis le milieu de l’année, la croissance des salaires réels a commencé à se redresser, portée par l’accord shunto – les négociations annuelles entre syndicats et dirigeants d’entreprises – qui a permis une augmentation moyenne des salaires de 5,6 %, la plus importante en 33 ans. Au troisième trimestre de cette année, la consommation a enregistré une hausse inattendue de 3,6 % en rythme annuel, la plus forte depuis la reprise post-pandémie.
À l’avenir, la principale fédération syndicale vise un accord similaire à celui de l’année dernière. Une augmentation moyenne des salaires de 5 %, avec une inflation proche de 2 %, entraînerait un gain substantiel du pouvoir d’achat des ménages.
Le Premier ministre Ishiba soutient activement ces augmentations de salaire afin d’instaurer un cycle vertueux de croissance avec une inflation stable. Puisque la consommation représente environ 60 % de l’économie japonaise, cette hausse des revenus réels constitue un levier essentiel pour soutenir la croissance économique.
Revenu mensuel du travail ajusté pour l’inflation
(% de variation en glissement annuel, moyenne mobile sur 4 mois)
Deuxièmement, le gouvernement a introduit de nouvelles initiatives politiques et un programme fiscal qui stimuleront davantage l’économie. En novembre, le Cabinet a approuvé un plan de 21,9 trillions de yens (140 milliards USD), comprenant des initiatives visant à atténuer l’impact de l’inflation sur les ménages et à accroître les investissements dans les industries clés. Les mesures incluent des transferts en espèces pour les ménages à faible revenu, des subventions pour les factures d’électricité et de gaz, ainsi qu’une augmentation du seuil annuel de salaire exonéré d’impôts pour encourager la participation au marché du travail, notamment chez les femmes.
Le gouvernement cible également une augmentation des investissements, avec un soutien aux dépenses en capital dans les secteurs de l’intelligence artificielle et des semi-conducteurs, afin de regagner en compétitivité. Sur les trois premiers trimestres de cette année, les investissements n’ont progressé que de 0,2 % par rapport à la même période l’année dernière, un rythme décevant qui freine la croissance économique à long terme. Les nouvelles mesures gouvernementales contribueront à renforcer la croissance globale.
Troisièmement, les secteurs orientés vers l’exportation bénéficieront de la dépréciation du yen et de l’amélioration de la demande extérieure. Cette année, le yen s’est déprécié en moyenne de 7,6 % par rapport à l’année dernière ; un yen plus faible renforce la compétitivité des industries exportatrices en rendant les biens et services plus abordables sur le marché mondial. Ce changement monétaire a particulièrement bénéficié au tourisme, devenu l’un des plus grands secteurs d’exportation du Japon. En octobre 2024, le Japon a accueilli un nombre record de 3,3 millions de visiteurs. Au cours des 12 derniers mois, les dépenses touristiques ont atteint environ 37,7 milliards USD, soulignant la contribution substantielle du secteur à l’économie.
Au-delà du tourisme, des industries telles que l’automobile et l’électronique connaissent une demande accrue grâce à une meilleure compétitivité des prix. En outre, les exportations bénéficieront de l’amélioration de la demande extérieure : nous prévoyons que la croissance des volumes du commerce mondial continuera de se redresser, passant de 2,8 % cette année à 3,2 % en 2025. Dans l’ensemble, les perspectives d’amélioration des secteurs exportateurs contribueront à la reprise de la croissance économique au Japon.
En conclusion, la croissance économique au Japon devrait rebondir l’année prochaine, soutenue par la croissance du revenu réel favorisant la consommation, des stimuli fiscaux et des perspectives d’amélioration pour les secteurs orientés vers l’exportation. Nous prévoyons une croissance de 1,3 % en 2025 pour l’économie japonaise. Cette reprise donnera à la Banque du Japon la possibilité de reprendre ses hausses de taux d’intérêt, après une première augmentation prudente en mars, la première depuis 17 ans.