Par Slim BEN YOUSSEF
Le 2 avril 2025, dans les jardins fleuris de la Maison-Blanche, Donald Trump a redessiné à coups de marteau les lignes du commerce mondial. Derrière l’apparente équation des « tarifs réciproques » se cache une logique brutale : soumettre les économies du Sud à l’arithmétique froide des puissants. La Tunisie n’est pas épargnée. Vingt-huit pour cent. Vingt-huit pour cent de droits de douane, imposés sur nos exportations vers les États-Unis. Dans le viseur : le textile, pilier de notre commerce, et l’agroalimentaire — huile d’olive, dattes — déjà en concurrence sur le marché américain. Pas un mot d’exception. Pas un regard vers ce pays qu’on disait « partenaire stratégique ». Vingt-huit pour cent. Presque le triple du taux de base accordé aux « privilégiés ». Un tarif qui dit tout, sans jamais prononcer son nom.
C’est une claque, certes. Mais surtout, c’est une leçon.
Durant la décennie nahdhaouie, la Tunisie a souvent été perçue (et s’est parfois présentée elle-même) comme une vitrine du soi-disant printemps arabe. Séduisante pour les chancelleries occidentales, décorée de félicitations diplomatiques, nourrie de promesses, encadrée de photos de famille dans les ambassades. Que des illusions de complicité. Que des mots aimables. Mais quand vient l’heure des décisions économiques, il n’y a plus ni amis ni modèles, il ne reste que les rapports de force. Et le nôtre, manifestement, ne pèse pas lourd dans la balance trumpienne.
Alors, que faire ? Pleurnicher dans les couloirs de l’OMC ? Supplier un allègement qui n’arrivera pas ? Non. Ce tarif est plus qu’une mesure technique. C’est un signal politique fort. Il doit nous réveiller. Il est temps de sortir de l’ombre diplomatique. De rompre avec l’attentisme stratégique. La Tunisie ne peut plus être un simple espace tampon entre les blocs. Un bon élève sans audace. Un figurant dans les recompositions du monde.
Notre réponse doit être lucide, courageuse. Défendre nos intérêts sans naïveté. Diversifier nos partenaires, oui. Tendre la main vers l’Afrique, l’Asie, l’Amérique latine, les BRICS. Mais aussi – surtout – retrouver une voix propre. Une parole claire, exigeante, non alignée. Une voix qui dit : ‘Nous ne sommes pas vos ennemis. Mais nous ne serons plus – jamais plus – vos obligés’.
Car ce tarif n’est pas qu’un obstacle. Il est un révélateur. De notre dépendance. De nos illusions. Et peut-être, si nous le voulons, le point de départ d’une politique étrangère enfin lucide. Ni docile, ni agressive. Une politique étrangère audacieuse, inventive et fièrement tunisienne.