Le sacrifice semble hors de portée du simple salarié à l’approche de l’Aid Adha. Mais au vu des prix pratiqués, beaucoup disent ne pas pouvoir se plier à ce rite. Une situation qui pourrait bien pousser de nombreuses familles à revoir leurs plans et renoncer au mouton de l’Aïd. En tout cas, c’est ce qui nous a été confié par de nombreux pères de famille que nous avons rencontrés dans différents points de vente. Ainsi, au marché de cheptel de la ville de Menzel Témime des maquignons proposaient déjà leur marchandise aux nombreux visiteurs venus pour la plupart prospecter les prix au lieu d’acheter.
«Avec ces prix-là, je suis obligé de ne pas faire de sacrifice cette année», a dit Salah, père de trois enfants . Les prix des agneaux (Alouch) sont proposés entre 600 et 1200 dinars, les brebis adultes (Barkoussa) entre 900 et 1 400 dinars, les béliers (Kabch) entre 1 100 et 1 600 dinars, et les jeunes moutons (Berchni) entre 250 et 500 dinars. Découragé par les prix exorbitants, un autre acheteur s’indigne. «C’est un véritable paradoxe, des éleveurs qui au lieu de baisser les prix de leur bétail, car les pâturages en cette période sont couverts d’herbe, ils imposent leurs prix; autrement dit, ils préfèrent garder leur bétail à la maison ou lieu de le vendre.» .Vendredi dernier, au marché à bestiaux de Nabeul , les ovins sont intouchables à cause de l’envolée des prix. » Les prix sont jugés excessifs par de nombreuses personnes avec qui nous avons échangé sur place. «Ce n’est pas possible, on vit le même scénario chaque année. C’est insupportable. Je n’arrive pas à comprendre comment les prix flambent du jour au lendemain. Ces mêmes moutons que nous achetions entre 500 et 700 dinars, il y a quelques années, coûtent aujourd’hui plus de 1000 dinars. En toute sincérité, j’envisage sérieusement de me passer du mouton cette année, même si cela ne réjouira pas trop mes enfants», nous a confié, Alia de Korba.
Pourquoi cette flambée des prix ?
Cette nouvelle flambée, inexplicable, fait trembler les réseaux sociaux. Dans des séquences vidéo filmées dans un marché à Béja, on pouvait voir que le prix des brebis a atteint les 1500 dinars par tête. ! Les prix continuent d’augmenter, mettant à l’épreuve le pouvoir d’achat des Tunisiens. Le président du Syndicat des agriculteurs de Tunisie, Dhaoui Midani, alerte sur cette situation et propose une solution à long terme : relancer la production locale par l’importation de femelles reproductrices pour reconstituer le cheptel, au lieu de dépendre des solutions de dernière minute notamment l’importation .Plusieurs facteurs contribuent à cette hausse des prix. D’abord, les coûts d’élevage ont considérablement augmenté ces dernières années. L’inflation, combinée à une hausse du prix des céréales et du carburant, impacte directement le prix de production des moutons et continue de perturber le secteur, rendant l’approvisionnement en animaux difficile et coûteux. « Les éleveurs ne sont pas responsables de cette hausse des prix » avoue Béchir, un éleveur de Beni Khaled. Ce sont plutôt les spéculateurs et intermédiaires qui en sont à l’origine. Ils ont créé l’anarchie, mais une telle situation ne devrait pas durer.
Le président de l’Organisation tunisienne pour informer le consommateur, Lotfi Riahi, nous a précisé que le prix des moutons est déterminé en fonction du prix du kilogramme de viande rouge au détail. « Le prix du kilogramme de viande rouge se situe actuellement entre 50 et 60 dinars. Ce prix représente environ la moitié du poids des moutons lors de leur achat. Cela signifie qu’un mouton pesant 40 kilogrammes pourrait atteindre un prix de 1200 dinars, soit une augmentation de 150 à 200 dinars par rapport à l’année précédente .Dans ce contexte économique, de nombreuses familles sont contraintes de revoir leurs projets pour l’Aïd el-Adha 2025. Certaines renoncent au sacrifice traditionnel du mouton, tandis que d’autres se tournent vers des alternatives moins coûteuses, comme l’achat de 3 à 5 kgs de moutons, juste pour célébrer la fête de l’Aïd »
Le Président de l’Organisation tunisienne pour informer le consommateur a estimé que l’idée de l’importation vise avant tout à permettre un meilleur équilibre entre l’offre et la demande. « Cette mesure pourrait être judicieuse, car les prix des moutons nationaux sont devenus prohibitifs à l’approche de l’Aïd. Il est essentiel de garantir un approvisionnement abordable pour les citoyens.
Une telle importation pourrait s’inscrire dans le cadre de la stratégie de reconstitution du cheptel ». Et de rappeler que l’importation de viande de mouton n’a pas cassé la production nationale. Bien au contraire, cela a permis un approvisionnement normal du marché. Importer du bétail en prévision de la fête de l’Aïd El-Adha sera perçu comme un soulagement pour les bourses moyennes. » L’achat d’un mouton, autrefois une tradition respectée et accessible, devient de plus en plus un luxe pour beaucoup de citoyens. Mais le marché dicte encore sa loi à un mois d l’Aïd.
Kamel BOUAOUINA