La Tunisie multiplie les initiatives pour attirer Tunisiennes et Tunisiens à l’étranger et stimuler l’investissement local grâce à un écosystème d’innovation en plein essor. Entrepreneuriat et start-up sont désormais au cœur de la stratégie économique de la Tunisie. Pour renforcer son tissu productif et attirer les compétences expatriées, notamment en Europe, elle doit transformer les talents expatriés en acteurs clés du développement national. À l’heure où la Tunisie souhaite accélérer sa transition vers une économie fondée sur l’innovation, L’exécutif intensifie ses efforts pour mobiliser sa diaspora.
Portée par un écosystème de start-up en pleine structuration et des incitations fiscales attractives, cette politique vise à ériger l’entrepreneuriat en pilier du renouveau économique, avec la communauté tunisienne de l’étranger en première ligne. La Tunisie a également connu une augmentation significative du nombre d’incubateurs et d’accélérateurs qui accompagnent les start-up à différents stades de leur développement. Ces diverses mesures ont entraîné une augmentation du nombre des start-up labellisées en 2025.
Transformer l’exil en moteur
Au-delà du simple apport financier, la diaspora tunisienne mise sur un accompagnement personnalisé, incluant mentorat, partage d’expérience et accès à des réseaux internationaux. L’objectif est ambitieux : propulser les start-up sélectionnées vers une levée de fonds significative dans un délai de deux ans, les aider à conquérir les marchés mondiaux et aussi faire rayonner la Tunisie à l’international.
Et comme le souligne Lotfi Gabsi, président du Valley Hammamet Hub : « La diaspora tunisienne hautement qualifiée représente un atout majeur pour le pays. Elle est composée d’intellectuels, experts, chercheurs et spécialistes résidant à l’étranger. Cette communauté de talents constitue une priorité de premier plan pour le pays. Notre diaspora regorge de profils qualifiés, porteurs de compétences rares. Ceci entraîne un transfert des ressources financières et un capital humain. La création d’un environnement favorable est une condition sine qua non pour réussir à attirer et à mobiliser la diaspora. Dans cet esprit, les pouvoirs publics tentent d’éliminer et de réduire les contraintes qui freinent le développement et l’investissement en général, et celui de la diaspora en particulier. En créant un climat favorable à l’investissement, on va attirer davantage la diaspora à investir. »
Dynamiser la Tunisie à l’international
Cette diaspora tunisienne compte 1,7 million de ressortissants, soit 14,7 % de la population totale. Avec 83,3 % installés en Europe, dont la moitié en France, il s’agit d’une jeune population. Par exemple, 34 % ont entre 30 et 39 ans. C’est un vivier de compétences, de réseau et d’opportunités. Un potentiel important, d’autant plus pour les start-up tech. C’est un capital humain très important. Elle peut devenir un partenaire start-up, voire public via une coopération institutionnelle, et peut contribuer à faire avancer le développement, la création d’emplois et l’innovation. Deux cent quatre-vingts investissements ont été effectués dans les start-up par notre diaspora.
La diaspora peut ainsi aider les start-up tunisiennes à s’internationaliser et à se plugger aux différents écosystèmes de l’innovation, via trois approches : le mentorat, le financement et en endossant un rôle de connecteurs d’écosystèmes Nord-Sud. « L’objectif est de faire rayonner la Tunisie à l’international en propulsant nos start-up sur la scène mondiale, en mobilisant l’expertise et le réseau de chaque business angel de notre diaspora. Les jeunes startupeurs ont surtout besoin de conseils venant de professionnels expérimentés : comprendre les marchés visés, mettre à l’épreuve un business model, viser l’international, anticiper les imprévus, etc.
Les success stories de la diaspora constituent une véritable mine d’or en matière de conseils et d’inspiration pour les jeunes startupeurs. D’où la nécessité de créer des passerelles concrètes entre l’étranger et la Tunisie autour de projets entrepreneuriaux et technologiques, de renforcer le rôle de la diaspora dans le développement de l’économie numérique, des start-up et des micro-entreprises, et surtout de créer les conditions optimales pour que les porteurs de projets de l’étranger puissent investir et s’implanter durablement en Tunisie. » L’entrepreneuriat et les start-up apparaissent aujourd’hui comme les vecteurs privilégiés d’une nouvelle relation entre la Tunisie et sa diaspora. Grâce à une série de mesures incitatives et à une ouverture croissante de son écosystème d’innovation, le pays tente de renverser la tendance historique de la fuite des cerveaux. En tendant la main à ses compétences de l’étranger, la Tunisie investit dans son propre avenir.
Faciliter l’accès au financement
Les entrepreneurs tunisiens établis à l’étranger peuvent désormais bénéficier d’un accompagnement personnalisé et d’un accès privilégié aux différents mécanismes de financement dédiés aux start-up innovantes. Les porteurs de projets issus de la diaspora peuvent compter sur un réseau d’incubateurs et de pépinières d’entreprises répartis sur l’ensemble du territoire national. La Tunisie doit être une destination attractive pour les investissements des Tunisiens de l’étranger, en mettant en avant les opportunités offertes par le marché local et les avantages fiscaux récemment mis en place.
Cette approche transversale vise à créer un écosystème favorable à l’entrepreneuriat de la diaspora, tout en simplifiant les démarches administratives. Mais une plus grande implication de la diaspora dans le développement économique passe par le soutien à la création de nouveaux véhicules financiers dédiés à l’investissement et à l’émergence d’outils innovants pour la diaspora.
Ceci nécessite la création d’un label associé, décerné aux entreprises de la diaspora, afin de faciliter leur accès au financement bancaire et à des conditions préférentielles, mais aussi la création d’un fonds d’investissement de la diaspora pour orienter une partie de leur épargne vers des prises de participation dans des projets privés, et de la rendre plus visible, en s’inspirant de modèles innovants (Éthiopie, Inde ou Mexique, par exemple). Il faudrait organiser une veille sur les opportunités de financement nationales et internationales ciblant les entrepreneurs de la diaspora tunisienne, mais aussi, de manière plus large, les opportunités ciblant les projets innovants transnationaux, les programmes de co-incubation, etc., afin d’accélérer le développement d’initiatives innovantes.
La diaspora, levier d’innovation
Ceci, sans oublier d’adopter le cadre légal incitatif pour le financement participatif et d’assurer sa promotion auprès de la diaspora au travers de solutions spécifiquement dédiées à l’Afrique. Ces outils, particulièrement adaptés à la diaspora à l’ère du digital, répondent aux aspirations d’engagement citoyen et facilitent l’engagement au service du développement des PME et start-up innovantes en Tunisie, depuis les pays de résidence, par la prise de participation. Le renforcement et l’accélération du déploiement des solutions d’administration électronique (de type e-government) pourraient faciliter les démarches administratives et les relations d’affaires entre l’étranger et la Tunisie, en particulier sur les modalités de paiement et la conversion de devises.
Notre diaspora peut et doit devenir une force motrice pour la transformation et le rayonnement de la Tunisie. Les start-up fondées par la diaspora tunisienne peuvent aussi bénéficier d’un accompagnement personnalisé, incluant des services de mentoring, de formation et de mise en relation avec des partenaires locaux. Entrepreneurs, ingénieurs, développeurs ou chercheurs : tous partagent un même objectif : participer activement au développement de leur pays d’origine. Les success stories se multiplient, dans les secteurs de la fintech, de la santé numérique, de l’agritech ou encore de la logistique. L’implication de la diaspora n’est plus une option mais une stratégie assumée, avec une vision claire : faire de la Tunisie un hub régional de l’innovation.
Kamel BOUAOUINA