Par Slim BEN YOUSSEF
Et si la faillite des caisses sociales n’était pas une fatalité, mais un projet ? La CNRPS, la CNSS, la CNAM vacillent, et avec elles, c’est tout un pacte républicain qui menace de s’effondrer. On nous répète que le modèle est « à bout de souffle ». Mais l’alerte ne déclenche aucun sursaut. À la place : des diagnostics tièdes, des promesses molles… et une constante : les riches regardent ailleurs pendant que les pauvres et la classe moyenne paient pour tous.
Le vrai scandale n’est pas le déficit des caisses, mais l’injustice de leur financement. Pourquoi seuls les salaires cotisent, quand les dividendes s’envolent, les profits s’empilent et les cliniques privées s’engraissent ? Pourquoi l’État laisse-t-il la solidarité nationale reposer sur ceux qui ont le moins, tandis que ceux qui ont le plus multiplient les exonérations, les optimisations, les exemptions… et les leçons de rigueur ?
Il faut oser ouvrir le chantier interdit : il est temps de faire payer ceux qui empilent les gains. Une contribution exceptionnelle sur les surprofits, une taxe sur les dividendes, une redevance de solidarité sur les secteurs sur-rentables – banques, télécoms, assurances, industries subventionnées – voilà des pistes concrètes pour redonner souffle aux caisses sociales. Ce n’est ni de l’intimidation, ni de quelque lubie idéologique. C’est une réparation. Une exigence de survie pour un modèle social qui vacille.
Les outils existent, ce qui manque, c’est le courage. Et s’il manque, c’est parce que des intérêts puissants ont tout à gagner à l’asphyxie lente du système.
On le sait, on le tait : plus les caisses publiques s’effondrent, plus les acteurs privés prospèrent. Les assurances privées prennent le relais, les cliniques sélectionnent les corps et les profits, les start-ups de santé prolifèrent sur les ruines de la CNAM. C’est tout un écosystème parallèle – lucratif, opaque, inégalitaire – qui se met en place pour supplanter ce que l’État abandonne.
Et cette sécession sociale a un prix : un monde où chacun paie pour soi, et où ceux qui ne peuvent pas… n’existent plus.
C’est dans ce contexte que tout appel à une « réforme » prend un tour cynique : réformer, oui – mais pour quoi faire, et pour qui ? C’est dès lors que « réformer » devient insuffisant. Incomplet. Ambigu. Il faut plutôt subvertir. Il faut réinventer un récit. Dire haut et fort qu’un État qui refuse d’imposer les riches pour protéger les plus faibles, n’est plus un État social – mais un comptable au service des plus forts.
Subvertir ? Justice sociale ou rente fiscale : il faut choisir.