Les deux ailes rivales du bureau exécutif de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) ont conclu, hier, un accord à l’arrachée sur la tenue du prochain congrès anticipé du 25 au 27 mars 2026, soit environ onze mois avant les délais initialement prévus (février 2027), pour mettre fin à la crise interne dans laquelle se débat la centrale syndicale depuis septembre 2024. C’est après une longue semaine de tractations laborieuses, ponctuées de moments d’espoirs, de doutes, de découragements, d’arrêts et de reprises du dialogue que les 15 membres du Bureau exécutif ont trouvé un compromis lors d’une nouvelle réunion de la commission administrative nationale tenue à Hammamet.
Cette deuxième réunion de la commission administrative en moins d’une semaine a permis de rapprocher les points de vue entre l’aile dissidente conduite par cinq membres du Bureau exécutif (Anouar Ben Gaddour, Slaheddine Selmi, Taher Berbari, Monêm Amira et Othmen Jallouli) qui a jusque-là réclamé la tenue du congrès en janvier 2926 et l’aile rivale, qui regroupe les dix autres membres, dont le secrétaire général Noureddine Taboubi.
Après avoir rejeté l’idée même de la tenue d’un congrès anticipé, celle-ci a fini par proposer la date d’août 2026 lors de la précédente réunion de la commission administrative, qui a eu lieu du 20 au 22 mai. Ainsi, les deux camps ont finalement coupé la poire en deux en s’accordant sur la date du 25,26 et 27 mars 2026.
La crise interne qui secoue l’UGTT a atteint son apogée lors de la réunion du conseil national tenue début septembre 2024, lorsque la majorité des membres de cette plus haute instance décisionnelle après le congrès ont estimé que l’amendement de l’article 20 du règlement, qui avait fait sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats successifs au sein du Bureau exécutif à deux seulement et ouvert la voie à la reconduction de plusieurs dirigeants, dont Noureddine Taboubi, Sami Tahri et Samir Cheffi, pour un troisième mandat consécutif lors d’un congrès électif qui s’est tenu en février 2022, a conduit à un affaiblissement sans précédent de l’organisation, sous l’effet d’un « manque de légitimité » de ses plus hautes instances dirigeantes.
Faire table rase de « l’ère Taboubi »
Menés par cinq membres du Bureau exécutif, ces dissidents ont également réclamé la tenue d’un congrès extraordinaire pour annuler l’amendement de l’article 20 qui représente une « entorse aux principes de la démocratie et de l’alternance » qui ont caractérisé le fonctionnement de la centrale syndicale depuis sa création en 1946.
Sous la pression des membres du conseil national, le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, avait alors présenté publiquement des excuses pour « tripatouillage » des statuts de l’organisation en juillet 2021. Il n’a pas cependant accepté le recours à un vote de la motion interne, dont le 12e point comportait trois propositions relatives à la date du prochain congrès : un congrès extraordinaire en 2025, un congrès anticipé en 2026 et un congrès ordinaire en 2027. Ce refus s’est soldé par le retrait de près de deux-tiers des délégués de la salle où se tenait la réunion, ce qui a obligé le secrétaire général de l’organisation à annoncer la clôture des travaux du conseil national dans un climat délétère.
Les dissensions internes ont depuis fait tache d’huile, impactant toutes les instances dirigeantes et les structures régionales et sectorielles de l’organisation.
A noter qu’une troisième tendance qui comprend des syndicalistes attachés aux principes démocratiques, dont Taïeb Bouaïcha, Mouldi Aouachria, Habib Jerjir et Monia Ben Nasr Ayadi, estime que la tenue d’un congrès anticipé ne permettrait pas à l’organisation de retrouver sa crédibilité perdue. D’autant plus qu’un tel congrès consacrerait « un recyclage d’éléments putschistes ». Réunis au sein d’un collectif baptisé « le Forum syndical pour l’ancrage de la pratique démocratique et le respect des statuts de l’organisation », cette « opposition syndicale » propose de « faire table rase de l’ère Taboubi », à travers la mise en place d’un comité de direction provisoire qui veillerait sur le renouvellement des diverses structures sectorielles et régionales ainsi que sur « l’assainissement » de l’organisation des éléments sur lesquels pèsent des soupçons de corruption, avant la tenue d’un « congrès de rectification » qui permettrait à la centrale syndicale historique de retrouver son aura d’antan.
Walid KHEFIFI