Par Dhouha Taliq
La belle des belles raconte son épopée de résilience
Bagdad, la fière, la blessée, la lumineuse, se relève de ses cendres. Comme un phénix au plumage de lumière, elle revêt ses plus beaux atours et s’impose, une fois encore, comme cœur battant de l’histoire et de la culture arabe.
« La métropole du monde », « la ville de la paix », « la cité d’Al-Mansour », « la ville ronde », « Al-Zawraa », « la capitale d’Al-Rachid »… autant de noms pour désigner une seule et même ville : Bagdad. Une cité dont chaque pierre, chaque rue, chaque muraille porte l’écho d’un millénaire d’histoires.
Aujourd’hui, après des décennies de douleur et de destruction, la ville des Mille et Une Nuits retire son manteau de chagrin. Elle retrouve sa vigueur et sa beauté, s’illumine de nouveau et accède fièrement au titre de capitale du tourisme arabe pour l’année 2025.
Capitale d’histoires et de mémoire
À propos de cette reconnaissance symbolique, le Dr Fadel Al-Badrani, vice-ministre de la Culture, du Tourisme et des Antiquités, explique :
« Lorsque nous parlons de Bagdad comme capitale du tourisme arabe, cela renvoie à son immense patrimoine historique et culturel. Elle abrite l’école Mustansiriya, la plus ancienne du monde, le palais abbasside, le musée national irakien — le cinquième au monde par la richesse de ses collections — mais aussi la Qishla, ancien centre de pouvoir depuis l’époque abbasside jusqu’à la monarchie. Chaque rue, chaque quartier raconte une histoire. »
Bagdad, ville-monde aux mille visages, s’anime à nouveau. Le ministère de la Culture, du Tourisme et des Antiquités a lancé de nombreux programmes pour raviver sa vie artistique : théâtre de rue, lectures publiques, expositions, sans oublier les performances inspirées des Mille et Une Nuits dans les parcs et centres culturels.
Du deuil à la lumière
J’ai foulé la terre d’Irak le 19 octobre 2016, deux jours après le début de la bataille de libération de Mossoul. Le pays, alors encore meurtri par les assauts de Daech, vivait sous un voile noir. Chaque visage portait la trace du deuil, chaque silhouette semblait courbée sous le poids des absents.
Aujourd’hui, ce nuage s’est dissipé. Les rues vibrent de nouveau. La vie a repris ses droits. Bagdad, tel un géant endormi, se redresse : les tours s’élèvent, les places se remplissent, les voix résonnent à Karrada comme à Tahrir.
Dans les cafés bondés, on partage un narguilé ou un thé, on échange des idées, on discute poésie, politique, musique. La rue Al-Mutanabbi, repaire des intellectuels, bruisse de conversations et d’échanges. Les rives du Tigre accueillent les familles venues chercher fraîcheur et beauté, tandis que les théâtres rouvrent leurs portes, à l’instar du théâtre Al-Mansour, vibrant de créations contemporaines.
Le musée retrouvé
Le musée national irakien, pillé en 2003, a engagé une campagne ambitieuse de récupération des pièces volées. Plus de 34 000 artefacts ont été restitués, dont 17 000 rien que par les États-Unis. Désormais, il expose fièrement les témoins des grandes civilisations mésopotamiennes : sumérienne, babylonienne, akkadienne, assyrienne, mais aussi les joyaux de Nimrud, les chefs-d’œuvre islamiques et les tablettes cunéiformes vieilles de plus de 5000 ans.
Une capitale tournée vers l’avenir
Le tourisme en Irak, longtemps limité au domaine religieux, connaît un tournant décisif. De 150 000 visiteurs annuels, le pays est passé à plus de 3 millions en 2025, selon les estimations officielles. Les efforts conjoints des pôles culture, tourisme et antiquités ont permis de réhabiliter les parcs, de moderniser les infrastructures, d’accueillir de nouveaux hôtels et d’embellir les quartiers emblématiques de la capitale.
Bagdad retrouve ainsi sa vocation de carrefour des civilisations. L’annonce d’une future ligne aérienne directe entre Tunis et Bagdad, prévue pour juin prochain, est un symbole fort de ce renouveau, renforçant les liens entre peuples et cultures.
Vers un horizon de paix et de grandeur
Le 4e sommet arabe, organisé à Bagdad, après ceux économique et social, a marqué une étape décisive dans la réintégration de l’Irak dans le concert des nations. Le pays, longtemps meurtri, amorce une nouvelle ère de stabilité, de rayonnement et de renaissance.
Bagdad, la mère des temps, avance avec dignité vers l’avenir. Elle n’a pas dit son dernier mot.
Et comme le chantait Aboul-Qacem Echebbi :
« Si le peuple un jour veut vivre,
Alors le destin ne peut que répondre. »
D.T.