L’élévation continue du niveau de la mer entraîne des risques de submersion marine et d’érosion qui pourraient toucher 24% des zones côtières tunisiennes d’ici 2050, selon une récente étude réalisée par la Banque mondiale en collaboration avec le ministère de l’Environnement.
L’un des effets les plus visibles de ce phénomène lié au changement climatique sera la perte de 20% de la superficie de certaines des 60 îles tunisiennes situées au large des côtes méditerranéennes du pays, a annoncé lundi le ministre de l’Environnement, Habib Abid, lors d’une conférence sur le thème « La Tunisie face à la triple crise planétaire : pour une diplomatie environnementale et climatique active au service du développement ».
Le ministre a également indiqué que la Tunisie est « le pays le plus vulnérable face à la montée du niveau de la mer dans le bassin méditerranéen ».
D’après des projections effectuées par des climatologues, les niveaux de la mer en Tunisie devraient s’élever de 0,3 m d’ici 2050 et de 0,7 m d’ici 2100. Cela entraînera inéluctablement un recul accru du trait de côte, notamment au niveau des plages sableuses.
Les 1300 kilomètres de côte linéaire de la Tunisie reculent déjà au rythme le plus rapide en Afrique du Nord. L’érosion côtière est estimée à 70 centimètres par an entre 1984 et 2016.
L’élévation du niveau de la mer aura des impacts négatifs sur les zones côtières peuplées en termes d’érosion du littoral et d’inondations côtières étendues ou encore de submersion permanente des zones côtières basses.
Les submersions marines et les inondations côtières sont généralement associées à une surélévation temporaire du niveau de la mer au-dessus de son niveau normal durant des tempêtes. Plus de 3000 hectares de côtes urbaines sont jugées potentiellement submersibles. Les régions de Tunis, Djerba et Gabès figurent parmi les plus vulnérables.
Au total, le coût des pertes de terres dues à l’élévation du niveau de la mer pourrait atteindre 1,6 milliard de dollars (près de 5 milliards de dinars) d’ici la moitié du siècle en cours, si rien n’est fait pour s’adapter à cette nouvelle donne. Ce coût élevé s’explique principalement par la concentration d’infrastructures économiquement importantes. Les régions côtières menacées comprennent les zones agricoles (12 % de la superficie), les zones naturelles avec des actifs (9 %) et des zones urbanisées (2 %).
Des coûts pouvant atteindre 6,9% du PIB
L’élévation du niveau de la mer pourrait ainsi réduire les terres agricoles côtières dédiées à l’arboriculture (9 %), aux cultures annuelles (14 %) aux cultures irriguées (5,8 %) et aux pâturages (49 %).
L’étude menée par la Banque mondiale souligne également que les coûts indirects de la perte de superficie pourraient être encore plus prononcés. Dans un scénario où aucune mesure d’adaptation n’est prise pour protéger le secteur du tourisme dans les zones côtières, les coûts directs et indirects de l’élévation du niveau de la mer pour l’économie tunisienne pourraient représenter jusqu’à 6,9 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2050, en raison des impacts négatifs en cascade sur les activités hôtelières, la restauration, une longue série d’autres activités économiques liées au touristique et l’emploi.
Dans le cas de l’inaction, environ 0,8 % des emplois du secteur du tourisme dans les zones côtières risquent d’être perdus.
La montée du niveau de la mer pose d’autre part des risques pour l’agriculture irriguée du pays, en raison notamment de salinisation des champs et des nappes phréatiques.
Les pertes économiques liées à l’élévation attendue du niveau de la mer pourraient cependant être réduites à 44 millions de dinars seulement, si les autorités tunisiennes prennent dès à présent des mesures d’adaptation ciblées pour protéger les zones côtières et leurs activités économiques.
Le type de ces mesures d’adaptation varie en fonction de la zone côtière concernée. Pour les zones naturelles dotées d’actifs, y compris les plages, les interventions primaires devraient se concentrer essentiellement sur des mesures de défense douces telles que l’ajout de sédiments ou de sable le long du littoral (recharge des plages), la préservation des dunes et la mise en œuvre de solutions complémentaires fondées sur la nature telles que l’augmentation de la couverture végétale pour stabiliser le sol. Le niveau d’urbanisation détermine si des mesures dures supplémentaires sont nécessaires. Dans les zones fortement urbanisées, les mesures douces peuvent, en effet, être complétées par des mesures de défense dures durables telles que la construction de brise-lames et de digue ou encore la surélévation des infrastructures existantes.
Walid KHEFIFI