Paru aux Editions Arabesques, le roman « Emprisonnée mais… libre » de Rafika Touzri Msakni vient enrichir la bibliothèque de la littérature tunisienne d’expression française. Le roman est de 172 pages et comprend plusieurs chapitres plus ou moins courts. La romancière a déjà publié d’autres ouvrages, tels que « Voile et transparent », « La Giclée », « Réclusion », « Prières des balcons illuminés ».
L’histoire se passe dans les années 70 du siècle dernier sous le régime Bourguiba. Une étudiante emprisonnée injustement dut endurer toutes les souffrances et tous les défis, confrontée à une dure réalité, celle de la vie carcérale. L’héroïne, Rafaâ, étudiante à l’ENS, fait face à un éloignement imposé de sa vie antérieure (la zaouïa où elle vivait avec sa famille, sa mère, sa sœur Zina et son petit frère Minouche, avec lesquels elle menait une vie pauvre mais heureuse) ; mais aussi à une séparation forcée avec le monde qu’elle fréquentait ( Nanati, la voyante, Wachi, l’homme corrompu et grand mouchard, Maiha la commerçante juive, René, frère de Maiha, et Afy l’étudiant dont elle est tombée amoureuse…)
C’est à la sortie du cinéma où Rafaâ est allée voir un jour le film « Sacco et Vanzetti » qu’elle a été arrêtée et condamnée à 14 mois de prison, suite à un procès sommaire, étant accusée d’avoir caché des tracts chez elle et d’être contestataire du régime en place.. C’est ainsi qu’elle se trouva en prison dans la promiscuité et la mauvaise compagnie. C’est là qu’elle découvrit les contraintes et les atrocités de l’institution pénitentiaire. Elle fut victime d’agressions physiques mais aussi de harcèlement sexuel de la part de « Fartassa », la geôlière insolente et incontestée, qui profitait de son poste pour faire subir des actes sexuels aux prisonnières. L’expérience était traumatisante pour la jeune étudiante qui rêvait d’un avenir florissant pour elle et pour sa famille et met en lumière les défis et les souffrances endurées par les détenus. Mais voilà qu’elle s’adaptait peu à peu à la vie carcérale et à tout cet univers plein d’ennui, de souffrance et d’écarts de conduite, d’exploitation, de rapports conflictuels entre les prisonnières, ce qui suscite le sentiment d’humiliation et d’atteinte à la dignité. Face à cet univers hostile où tout est interdit, elle a au moins la liberté de rêver, d’espérer.
La voilà qui pense encore à son ami Aty quoiqu’elle sache qu’il l’a quitté pour une nouvelle aventure amoureuse avec Lili, une étudiante issue d’une famille aisée. Elle pense encore à sa sœur Zina qui ne lui a pas rendu visite depuis son incarcération, à son petit frère Minouche. Elle ne sut que tard, le jour de sa libération, que sa sœur Zina est morte en laissant une petite fille dont le père était Wachi, ce type qui l’avait toujours espionnée et dénoncée à la police. Mais sans jamais abdiquer, elle dut affronter son destin. Elle opta pour l’exil avec sa petite famille et s’installa en France. Plusieurs années plus tard, de retour en Tunisie, elle rencontra Maiha, la vieille juive, commerçante à la Hafsia, qui a quitté la Tunisie pour la France suite à la guerre israélo-arabe, qui est venue elle-même pour un pèlerinage à la Ghriba (Djerba). Elle put enfin surmonter l’expérience douloureuse qu’elle avait vécue et retrouver son équilibre émotionnel.
Voilà un roman qui met en lumière le combat intérieur d’une femme tunisienne qui, malgré sa privation de liberté physique, conserve sa capacité à rêver et à aspirer à une vie de liberté et de dignité. L’héroïne lutte pour préserver sa dignité et sa liberté intérieure malgré son emprisonnement. L’histoire aborde la résilience et la force mentale nécessaires pour survivre à une injustice. Le récit dévoile les rêves et aspirations d’une femme face à un contexte oppressif. Rafika Touzri Msakni, offre un regard poignant sur la condition féminine et la liberté en Tunisie. Le livre invite à la réflexion sur la liberté, la justice et l’impact des systèmes autoritaires.
Hechmi KAHALLADI