Par Slim BEN YOUSSEF
Comment empêcher l’entité coloniale sioniste de poursuivre son œuvre de destruction ? Ce n’est plus une question, mais une douleur. Une fracture entre l’éthique et le réel. On la sent dans la chair, sous le pied, là où le corps rencontre le sol. Elle fait marcher en boitant, écrire en tremblant, résister à perte de souffle. Elle s’enfonce dans la conscience comme une épine sous le pied. À chaque pas, elle entaille. À chaque silence, elle suppure. Et pourtant, on continue de marcher.
Lundi, une caravane a quitté Tunis. Elle s’appelle « Soumoud ». Un murmure têtu contre la résignation. Mille cinq cents Tunisiennes et Tunisiens, deux cents Algériennes et Algériens, une cargaison d’aide, de cris, de convictions. Dans leurs bagages : des vivres, des appels, des colères. Et dans leurs regards : un seul horizon. Gaza.
Soumoud ? Ce n’est pas un nom, c’est une manière de tenir. Briser le blocus. Soulager les corps. Délier les gestes. Ouvrir un passage. Témoigner. Marcher jusqu’à la plaie.
Ils traversent les routes et les postes-frontières, les reliefs et les colères. De Tunis à Saloum, de Misrata au Sinaï, jusqu’à Rafah – verrouillé, humilié, meurtri. En ruine. Ils marchent, non pour franchir un point de passage, mais pour inscrire une parole. Celle des peuples qui ne courbent ni le front ni la mémoire.
La Palestine n’est pas une frontière. C’est une idée. Et les idées ne meurent pas. Elles se terrent, parfois, dans les gravats. Elles se taisent, le temps de ramasser leurs ruines. Elles se replient comme des poings. Mais elles surgissent. Elles reviennent, entières. Plus nues, plus vives, plus tenaces. Ce que la Résistance palestinienne incarne, c’est cette idée qui saigne mais ne cède pas. Qui ploie, mais ne rompt pas. Qui endure, mais se propage.
Résister, c’est marcher l’épine au pied. Avancer malgré la douleur. Endurer la fatigue. Traverser l’effroi. C’est poursuivre, même lorsque le pas devient supplice, que la stupeur engourdit, que l’espoir se délite. C’est vouloir reprendre ce qui manque : une terre, une justice, un avenir. Résister : c’est tordre le silence, prolonger la mémoire, transmettre ce qui tremble sans céder.
Shireen Abu Akleh écrivait : « Badda’ha toul nafass ». Il faut en avoir le souffle long. Pour écrire, pour marcher, pour traduire le deuil en clameur, le silence en insoumission. Pour que l’aide ne soit pas que secours, mais présence. Pour que les visages gardent leurs noms. Pour que l’oubli n’aie pas le dernier mot.
Écrire, c’est avancer. Marcher, c’est parler. Témoigner, c’est refuser.
On ne brisera pas le blocus en un jour. Mais chaque pas en est une brèche. Une fissure dans l’indifférence. Une rature dans le mensonge. Une offrande à la vérité.