Tous les 12 juin, le monde entier célèbre la Journée Mondiale de Lutte contre le Travail des Enfants. Cette journée, rappelons-le, a pour but de promouvoir des actions de prévention et de sensibilisation sur la réglementation en vigueur pour lutter contre le travail des enfants et mieux protéger les victimes. En Tunisie, l’effectif de cette jeune population reste plus ou moins élevé dans un pays qui se targue d’avoir atteint 99% de scolarisation. Malgré l’extension de ce phénomène, les données sont rares. Cependant, les dernières statistiques publiées en 2021 par l’INS révèlent que « le phénomène a connu une hausse de 185.5% en 2021 par rapport à 2020. »
Selon le ministère des Affaires Sociales, environ 50 % des enfants travaillent dans l’agriculture, tandis qu’environ 20 % d’entre eux travaillent dans le commerce, et le reste des pourcentages est réparti sur certaines professions libérales, artisanat et autres… La détérioration de la situation économique, l’abandon scolaire et la pauvreté sont-ils les facteurs qui ont incité les mineurs à travailler ? Pourquoi la loi des droits de l’enfant n’est-elle pas appliquée convenablement ?
Pourquoi fait-on travailler des mineurs ?
D’une manière générale et selon l’opinion des experts, parmi les causes du travail des enfants, le niveau d’instruction du chef de famille est déterminant. En effet, ce phénomène peut être attribué aux caractéristiques socio-professionnelles du ménage et de son chef, en particulier. Ainsi, une bonne proportion des enfants travailleurs appartient à des ménages dont le chef n’a aucun niveau d’instruction alors qu’elle est insignifiante parmi ceux dont le niveau d’instruction du chef est supérieur.
C’est surtout les familles pauvres ou défavorisées qui poussent leurs jeunes enfants (filles ou garçons) à travailler pour aider à subvenir aux besoins de la famille, devenus très difficiles à satisfaire, notamment en présence d’une crise économique de plus en plus accrue. Les parents nécessiteux dans les zones du nord-ouest et de sud-ouest sont obligés d’envoyer leurs enfants travailler sans jamais se soucier des conditions dans lesquelles ils travaillent. De plus, l’abandon scolaire avant l’âge de seize ans, surtout dans les zones rurales est l’autre cause du travail des enfants. Alors que selon la loi, un enfant doit obligatoirement fréquenter l’école jusqu’à l’âge de 16 ans au moins. Certains employeurs recrutent donc ces enfants qui sont sous-payés et surtout soumis aux pires formes de travail qui risque d’impacter leur santé dans le seul but de lutter contre la pauvreté. C’est l’intérêt des employeurs qui compte le plus dans le recrutement de cette main-d’œuvre à petit prix.
Dans quels secteurs travaillent ces mineurs ?
Selon une étude faite par l’Euromed en 2019, « 136 000 enfants travaillent dans des conditions dangereuses et 20 % d’entre eux sont victimes des multiples formes de violences physiques et de tâches assommantes incompatibles avec leur âge et leur force physique sur leur lieu de travail. » Dans le secteur agricole par exemple, ces petits travailleurs peuvent être amenés à porter des charges lourdes qui impactent sur le développement de leur corps. Le secteur agricole est en effet le plus incriminé dans cette exploitation des mineurs. Toujours selon la même étude « ce fléau touche la région nord-ouest du pays où on recense 30 % des enfants mineurs exerçant un travail illégal. D’autres travaillent dans l’artisanat dans des ateliers de menuiserie, de tôlerie, de mécanique-auto, chez un épicier, chez un coiffeur… Pour les filles, âgées entre 10 et 17 ans, elles exercent le travail d’aide-ménagère chez des familles aisées avec un salaire bas, exposées souvent aux risques de violences sexuelles ou d’autres privations. « En effet, 17,8 % des aides ménagères sont des filles mineures qui sont généralement des filles issues de parents pauvres et analphabètes du nord-Ouest. »
Pour une meilleure application de la loi
La loi tunisienne protège pourtant les enfants. Mais la loi n’est pas toujours appliquée. En effet, la législation indique que « les personnes de moins de 16 ans ne doivent pas être embauchées pour un travail qui nuit à leur santé ou leur développement et équilibre moral et physique qui les empêche de fréquenter l’école. »
A l’occasion de la Journée Mondiale de lutte contre le Travail des Enfants, le Ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Personnes âgées réaffirme chaque année son engagement à défendre les droits de l’enfant, avec une volonté forte pour consacrer davantage l’intérêt supérieur de l’enfance. En effet, en tant que signataire de la convention internationale des droits des enfants depuis 1991, la Tunisie où le taux des enfants au travail est assez important, se doit de prendre les mesures nécessaires pour endiguer, sinon mettre fin à toute forme d’exploitation des enfants.
Le Ministère des Affaires sociales se sent aussi concerné par cette lutte et il lui incombe la nécessité de l’application de la loi pour lutter contre le travail des enfants et la mise en place d’une stratégie de prévention. Aussi faut-il prévoir des programmes permanents pour lutter contre ce phénomène, visant à dissuader les chefs des familles d’envoyer prématurément leur progéniture au travail et à convaincre les employeurs à ne plus embaucher des mineurs, quelles que soient les conditions, sous peine de poursuites judiciaires. Bref, pour garantir une meilleure application de la loi, il faut ainsi assurer la prise en charge et la réinsertion sociale des enfants et renforcer les procédures pénales pour les employeurs qui exploitent illégalement les enfants mineurs.
Hechmi KHALLADI