L’épreuve de français à l’examen du bac a toujours été un échec pour la majorité des candidats. Chaque année, en consultant les notes affichées dans les lycées, juste après l’annonce des résultats, on peut constater que, dans une même série, deux élèves seulement ont la moyenne en français sur un total de quinze candidats, ce qui équivaut à seulement 15% du nombre total. Ce qui est paradoxal, chaque année des candidats réussissent leur bac avec mention très bien avec seulement une note en français oscillant entre 2 et 6 sur vingt !
Un collègue convoqué à la correction m’a même confirmé que sur les 150 copies qu’il avait corrigées, dix au maximum ont eu juste la moyenne ! Toujours selon les dires du collègue, la responsabilité incombe à deux facteurs : la faiblesse flagrante des élèves en langue française et les maladresses commises au niveau de l’épreuve de français.
Pourquoi échoue-t-on à l’épreuve de français ?
Si la majorité des candidats au bac rate l’épreuve de français, c’est qu’il y a des causes logiques. D’abord, le niveau des élèves en français est en perpétuelle régression. Cela est sûrement dû à l’inefficacité des documents pédagogiques utilisés, aux manuels scolaires inadaptés et aux méthodes de l’enseignement de cette langue, considérée officiellement comme la seconde langue du pays alors qu’elle est devenue une langue étrangère et qui doit être enseignée comme les autres langues vivantes (anglais, italien, allemand…), C’est que la plupart des élèves sont incapables de maîtriser cette langue, même en terminale, après au moins onze ans d’apprentissage de cette langue ! Or, la maîtrise de la langue est une habileté clé pour la réussite aux études à tous les niveaux ; de même qu’il y a des exigences linguistiques de base pour l’admission à tous les examens pour accéder à un niveau supérieur.
La deuxième cause est inhérente à la nature de l’épreuve de français au bac. Le niveau des élèves a baissé et voilà que depuis des décennies on continue de proposer le même modèle d’examen en français. Ce qu’on demande actuellement à un candidat au bac, c’est de comprendre un texte (fond et forme) et rédiger un texte argumentatif cohérent et bien articulé. Cette épreuve à deux volets demeure pourtant difficile pour la majorité des candidats, car un élève ne possédant pas les compétences suffisantes en lecture et en écriture ne peut ni comprendre le texte (totalement ou partiellement) ni formuler un point de vue critique, écrit dans une langue correcte ! Et c’est le cas de la plupart de nos candidats au bac. La grammaire et l’orthographe font encore peur à nos élèves, malgré tous les efforts de simplification, de vulgarisation et de modification des contenus et des méthodes prévus par les nombreuses réformes concernant l’apprentissage de cette langue. Nos élèves n’accusent pas seulement un déficit linguistique, mais aussi le manque d’organisation et de méthode contribue à leur échec dans l’épreuve de français, vu que la plupart ne savent pas gérer le temps imparti à l’épreuve, allant jusqu’à négliger une ou plusieurs questions ou bâcler une conclusion, ce qui influe forcément sur la note reçue. Comment peut-on exiger d’un candidat une rédaction sans fautes alors qu’il a abandonné les règles de grammaire et d’orthographe depuis deux ans (2è année secondaire) ? Nos candidats sont vraiment excusables : la plus belle fille du monde ne peut pas donner au-delà de ce qu’elle a ! E n quatrième année, le candidat au bac est supposé connaitre toutes les règles de grammaire, de conjugaison et d’orthographe, plus les outils linguistiques et stylistiques pour pouvoir lire, comprendre et analyser le texte proposé et être capable de rédiger un texte personnel. C’est pourquoi, la conception de l’épreuve de français doit changer en fonction du niveau des élèves.
Enfin, la cause principale de cet échec réside dans le fait que nos élèves ne lisent plus. Souvent le manque de culture générale chez le candidat contribue énormément aux mauvaises notes reçues à l’épreuve de français. En effet comment peut-on comprendre un texte si l’on ignore son auteur, l’œuvre dont il est extrait, son époque et le centre d’intérêt auquel il appartient. Toutes ces choses font cruellement défaut à la majorité de nos élèves pour la simple raison que la lecture, cet exercice fondamental, ne fait pas partie de leurs loisirs !
Et si on changeait le barème ?
Le barème de l’épreuve de français a toujours soulevé des controverses parmi les candidats. Or, un barème, quelle que soit la discipline, est toujours jugé positivement ou négativement selon que le résultat obtenu est bon ou mauvais : il est jugé souple par certains et sévère par d’autres, bien qu’il soit scrupuleusement établi selon des critères bien précis en tenant compte des compétences linguistiques et culturelles du candidat, c’est-à-dire son habileté à comprendre le texte, à en rendre compte par écrit et sa capacité à rédiger un texte cohérent dans un style personnel et sans fautes. Voilà ce qu’on attend d’un élève moyen.
D’ailleurs, ses critères sont de rigueur à tous les examens du bac dans tous les pays. Le principe est simple : on doit valoriser ce qui est réussi et pénaliser ce qui est raté. Un correcteur, tout en mesurant la maitrise globale de la langue, est appelé également à comptabiliser les fautes d’orthographe, de syntaxe et de ponctuation. La présentation générale du travail et la lisibilité de l’écriture entrent aussi dans l’appréciation. Ce sont là des exigences auxquelles nos candidats ne prêtent pas l’attention nécessaire. Il y a certes des élèves qui parviennent à répondre aux questions et à rédiger dans le sujet mais leurs productions sont bourrées de fautes, d’autres présentent des copies pleines de chinoiserie et de charabia et l’on y rencontre souvent le nouveau langage et les nouvelles formes d’écriture du Chat et des SMS ! Aucun système éducatif ne peut tolérer de telles incorrections : la langue française est tout un ensemble de règles et d’exceptions qu’il faut appliquer ; les négliger, c’est porter atteinte non seulement à la spécificité de cette langue mais surtout à toute une culture et une civilisation fondée sur cette même langue !
Cependant, les faits sont là. Les résultats de nos élèves en français sont de plus en plus faibles ! Que faire ? Il est grand temps de modifier les méthodes d’enseignement de cette belle langue de Molière dans nos écoles, à tous les niveaux. Le ministère de tutelle saura assumer ses responsabilités en prenant les mesures nécessaires susceptibles de préserver le statut de la langue française en Tunisie et d’améliorer le niveau de nos élèves afin d’éviter toutes les surprises lors des examens nationaux.
Hechmi KHALLADI