Les syndicats des employés de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) et de la Société tunisienne de transport des produits miniers (STTPM) ont annoncé, hier, l’organisation de mouvements de protestation, dont une grève générale, en signe de protestation contre une « détérioration sans précédent » des conditions de travail dans le secteur du phosphate.
« Des rassemblements de protestation seront organisés devant le ministère de l’Energie et des Mines et une journée de colère aura lieu à la Place du gouvernement à la Kasbah.
D’autre part, une conférence de presse se tiendra prochainement pour braquer pleins feux sur la mauvaise gestion de la CPG et de la STTPM et la marginalisation de leurs salariés. Finalement, une grève générale sera décrétée en coordination avec le Bureau exécutif de l’Union générale tunisienne du travail », ont souligné les syndicats dans un communiqué commun.
Les syndicats ont également déploré les conditions de travail « extrêmement difficiles » au niveau de la CPG et de la STTPM, une compagnie à participation publique qui a été créée en 2011 suite à l’annulation de la sous-traitance dans le secteur du phosphate, faisant notamment état d’un vieillissement des équipements de travail et de la non-application des mesures de sécurité professionnelle qui transforment l’environnement de travail en une « zone de mort lente ».
Ils ont d’autre part dénoncé « la politique de fuite en avant » adoptée par les Directions générales des deux compagnies publiques, qui rechignent à mettre en œuvre les procès-verbaux conclus avec la partie syndicale.
Les syndicats ont par ailleurs exprimé leur refus catégorique de charger des entreprises de transporter le minerai brut, estimant que cela représente un « stratagème visant à privatiser la STTPM, au lieu de la sauver en investissant dans les infrastructures et la maintenance du matériel roulant ».
La CPG, unique mamelle nourricière du bassin minier
Les syndicats des employés de la CPG et de la STTPM réclament le versement d’arriérés de primes au titre des années 2019 et 2023, l’intégration des majorations salariales relatives aux périodes 2008-2011 et 2014-2016 dans le salaire de base, l’attribution des quotas de prêts du fonds social au titre des années 2023-2025 et l’octroi des tickets repas relatifs au dernier semestre. Ils revendiquent aussi le versement des indemnités relatives aux vêtements de travail, ainsi que le décaissement des primes de « travail à forfait » (accord par lequel est stipulée une rémunération fixée d’avance et de façon invariable pour l’exécution de certains travaux ou la fourniture de certains services), des primes de permanence et des gratifications de fin de service.
La menace de grève brandie par les syndicats rattachés à l’UGTT risque de freiner le rythme ascendant de la production des phosphates observé depuis septembre 2024 au niveau de la CPG, qui figure parmi les principaux producteurs de phosphate au monde et compte plusieurs sites, notamment à Métlaoui, Redeyef, Om Laârayes et Mdhilla.
Cette compagnie détenue à hauteur de plus de 99% par l’Etat a annoncé une production de 3,03 millions de tonnes de phosphate commercial en 2024, contre 2,9 millions de tonnes en 2023.
Installée depuis 1897 au milieu des gisements de phosphate découverts par le Français Philippe Thomas, vétérinaire militaire et géologue amateur, la CPG constitue quasiment l’unique mamelle nourricière de la région. Jusqu’ à la fin des années 80, elle gérait les lignes de chemin de fer, assurait la distribution de l’eau, du gaz et de l’électricité, et prenait en charge les soins et l’éducation des enfants.
Aujourd’hui, une partie des habitants de la région compare la compagnie à une vache laitière qui donne son lait aux autres et ne laisse que sa bouse aux populations locales. Et pour cause : la CPG ne fournit quasiment plus de « services sociaux » et ne recrute qu’au compte-gouttes.
La situation est devenue d’autant plus frustrante pour les habitants du bassin minier que les localités minières désespèrent de produire autre chose que du phosphate. Même l’agriculture a été quasiment abandonnée, en raison du déficit hydrique et de la pollution des sols causés par l’exploitation du phosphate.
Walid KHEFIFI