Par Hédi CHERIF (Sociologue)
Ils étaient 151779 élèves à passer les épreuves de la session principale du baccalauréat 2025. 53773 candidats admis, soit un taux global de 37,08 % réparti ainsi :(74, 93% section mathématique), (73,33% section sport ), (48,47 % section des sciences de ’informatiques) , (45,83% section des sciences expérimentales) ,( 35,02% section des sciences techniques),( 28,95% section économie de gestion ) et (23,02% section lettre ) . Mais que cachent ces résultats du bac ?
De la pensée philosophique à la culture codée : une mutation culturelle irréversible ?
Depuis le tournant du XXIe siècle, l’ère de la révolution NBIC (nanotechnologie, la biotechnologie, l’informatique et la connectivité) , l’humanité est confrontée à une révolution sans précédent : un véritable tsunami numérique, qui nous invite à une réflexion cruciale sur le devenir d’une cohabitation disciplinaire entre les intelligences multiples,(IA/IE/IS ), dont celles organiquement liées à la réflexion philosophique, littéraire, à la créativité intuitive, et à l’art, et qui sont aujourd’hui de plus en plus déshéritée et marginalisée . Le taux de 23,03% de candidat admis à la session principale du baccalauréat tunisien de 2025 en est une bonne preuve.
L’invasion du numérique : Quel avenir pour la pensée critique ?
L’irruption massive des technologies digitales – internet, réseaux sociaux, intelligence artificielle – bouleverserait-il nos façons de penser, de planifier et de fixer les choix d’orientation universitaire et professionnelle, Dans un système mondial où le futur des métiers et les métiers du futur demeurent encore sans destination claire, et sans domicile fixe, et où la fracture entre le scientifique et le littéraire s’élargit, une crise silencieuse prend place à la fois dans le système éducatif, comme au marché de l’emploi . Si brillants soient-ils, nos candidats d’aujourd’hui sauraient-ils faire le bon choix dans un monde professionnel déboussolé ? Les littéraires, appelés à lire et à philosopher ont-ils encore un avenir dans un monde qui calcule, un monde où la culture utilitaire triomphe et continue à triompher ? Ce déferlement technologique invite à une réflexion cruciale sur le devenir d’une cohabitation disciplinaire et interdisciplinaire, sur les métiers du futur, et le futur des métiers, et sur l’actualisation des programmes et des systèmes éducatifs au plan structurel et infrastructurel.
Le fossé grandissant entre les taux de réussite dans les filières scientifiques au bac en Tunisie, n’est pas un fait du hasard , bien au contraire ,il puise son sens dans un faisceau de facteurs, historiques socio-culturels, structurels, et infrastructurels. Les disciplines scientifiques sont de plus en plus valorisées, du faite de leur liaison directe avec les métiers du futur : ingénierie, sciences de l’informatique, la médecine, la technologie ; etc. Les familles, les enseignants et même les politiques éducatives tendent à encourager les jeunes à s’orienter vers ces domaines jugés à l’unanimité utiles et employables
A l’opposé, culturellement et socialement, les disciplines littéraires continuent à être valorisées et marginalisées au point de bien préparer le lit d’une crise silencieuse de la culture du livre avec toutes ses conséquences tel que : (l’appauvrissement des capacités de réflexion philosophique, et linguistique ), et à aggraver par conséquent la précarité de l’emploi littéraire.
Quand le numérique prend le pas sur l’ambiguïté du texte littéraire !
Etant immersés dans le monde du numérique, nos jeunes des filières mathématiques, scientifiques , et informatique ont tendance à privilégier aujourd’hui la rapidité, la concrétisation, et l’utilité de l’action et du projet sur l’ambiguïté du texte littéraire ou la complexité du langage symbolique.
Mais attention : cela ne veut pas dire que les disciplines littéraires sont moins importantes, bien au contraire, elles auront leur place stratégique dans un système social où les intelligences multiples en synergie positive et constructive, puissent donner du sens, de l’éthique et de l’émotion à nos choix de société.
Pour faire un monde, il faut bien un peu de tout, même si le Tsunami numérique force ses lois, et son rythme ouvert à d’autres cieux, et à d’autres logiques.