Une réunion de la commission administrative de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) se tiendra lundi 30 juin pour former les commissions chargées de la préparation du prochain congrès, dont une commission qui planchera sur l’amendement de l’article 20 des statuts de l’organisation pour réinstaurer la limitation du nombre de mandats au sein du Bureau exécutif, apprend-on de sources proches de la centrale syndicale.
Cette commission « technique » devrait présenter un projet d’amendement des statuts de l’organisation qui devrait être discuté et adopté lors du prochain congrès anticipé du 25 au 27 mars 2026.
L’amendement proposé prévoit notamment la limitation du nombre des mandats au sein du Bureau exécutif à deux seulement, ce qui empêchera de facto l’écrasante majorité des membres de l’actuel Bureau exécutif de briguer un nouveau mandat.
Cette limitation était en vigueur jusqu’en juillet 2021, lorsqu’un congrès non électif avait fait sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats successifs au sein du Bureau exécutif à deux seulement, ce qui a ouvert la voie à la reconduction de plusieurs dirigeants, dont Noureddine Taboubi, Sami Tahri et Samir Cheffi, pour un troisième mandat consécutif lors d’un congrès électif qui s’est tenu en février 2022.
Adoptée lors du congrès extraordinaire de l’UGTT tenu à Djerba en 2002 sous la pression des tenants d’une ligne radicale alors opposée à l’inféodation de l’organisation au régime de Ben
Ali, la limitation des mandats au sein du Bureau exécutif visait à garantir l’alternance à la tête de la centrale syndicale après de longues années de « verrouillage » du jeu électoral par l’ex-secrétaire général Ismaïl Sahbani.
L’ancienne direction de l’UGTT élue au congrès de Djerba (2002) a tenté sans succès d’amender l’article 20 des statuts. La révision de cet article a été également rejetée lors du 23e congrès de l’organisation tenu à Tabarka en janvier 2017.
Pour rappel, les deux ailes rivales du bureau exécutif de l’UGTT ont conclu, fin mai dernier, un accord à l’arraché sur la tenue du prochain congrès anticipé du 25 au 27 mars 2026, soit environ onze mois avant les délais initialement prévus (février 2027), pour mettre fin à la crise interne dans laquelle se débat la centrale syndicale depuis septembre 2024. Une longue semaine de tractations laborieuses, ponctuées de moments d’espoirs, de doutes, de découragements, d’arrêts et de reprises du dialogue a permis de rapprocher les points de vue entre l’aile dissidente conduite par cinq membres du Bureau exécutif (Anouar Ben Gaddour, Slaheddine Selmi, Taher Berbari, Monêm Amira et Othmen Jallouli) qui a jusque-là réclamé la tenue du congrès en janvier 2026 et l’aile rivale, qui regroupe les dix autres membres, dont le secrétaire général Noureddine Taboubi. Après avoir rejeté l’idée même de la tenue d’un congrès anticipé, celle-ci a fini par proposer la date d’août 2026. Au final, les deux camps ont choisi de couper la poire en deux en s’accordant sur la date des 25, 26 et 27 mars 2026.
Paralysie
La crise interne qui secoue l’UGTT a atteint son apogée lors de la réunion du conseil national tenue début septembre 2024, lorsque la majorité des membres de cette plus haute instance décisionnelle après le congrès, a estimé que l’amendement de l’article 20 du règlement a conduit à un affaiblissement sans précédent de l’organisation, sous l’effet d’un « manque de légitimité » de ses plus hautes instances dirigeantes.
Menés par cinq membres du Bureau exécutif, ces dissidents ont également réclamé la tenue d’un congrès extraordinaire pour annuler l’amendement de l’article 20 qui représente une « entorse aux principes de la démocratie et de l’alternance » qui ont caractérisé le fonctionnement de la centrale syndicale depuis sa création en 1946.
Sous la pression des membres du conseil national, le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, avait alors présenté publiquement des excuses pour « tripatouillage » des statuts de l’organisation en juillet 2021. Il n’a pas cependant accepté le recours à un vote de la motion interne, dont le 12e point comportait trois propositions relatives à la date du prochain congrès : un congrès extraordinaire en 2025, un congrès anticipé en 2026 et un congrès ordinaire en 2027. Ce refus s’est soldé par le retrait de près de deux-tiers des délégués de la salle où se tenait la réunion, ce qui a obligé le secrétaire général de l’organisation à annoncer la clôture des travaux du conseil national dans un climat délétère.
Les dissensions internes ont depuis fait tache d’huile, paralysant au passage toutes les instances dirigeantes centrales et les structures régionales et sectorielles de l’organisation.
A noter qu’une troisième tendance qui comprend des syndicalistes attachés aux principes démocratiques, dont Taïeb Bouaïcha, Mouldi Aouachria, Habib Jerjir et Monia Ben Nasr Ayadi, estime que la tenue d’un congrès anticipé ne permettrait pas à l’organisation de retrouver sa crédibilité perdue. D’autant plus qu’un tel congrès consacrerait « un recyclage d’éléments putschistes ». Réunie au sein d’un collectif baptisé « le Forum syndical pour l’ancrage de la pratique démocratique et le respect des statuts de l’organisation », cette « opposition syndicale » propose notamment la mise en place d’un comité de direction provisoire qui veillerait sur le renouvellement des diverses structures, à commencer par les syndicats de base jusqu’à la tenue d’un congrès général devant élire un nouveau bureau exécutif et un autre secrétaire général, en passant par les structures intermédiaires comme les unions régionales et des fédérations sectorielles générales.
Walid KHEFIFI