La pollution des plages s’aggrave d’année en année en Tunisie. Pourtant, les côtes tunisiennes attirent des milliers de visiteurs surtout durant la saison estivale. Toutefois, la pollution des plages devient une menace croissante pour l’environnement, la santé publique et le tourisme. Entre déversements sauvages, manque d’infrastructures et incivilités, le littoral tunisien paie le prix d’une gestion insuffisante et d’un manque de conscience collective.
Comme chaque été, les autorités publient la liste des plages où il est interdit de se baigner, que ce soit à la banlieue nord, notamment à La Goulette, ou à la banlieue sud de Tunis, ou encore dans d’autres régions de la République, telles que Bizerte.
En ce qui concerne la gestion des déchets, Ines Houarbi Ben Salah, responsable à l’Agence nationale de protection de l’environnement (ANPE), avait indiqué, à une radio de la place, il y a quelque temps, que la production de déchets ménagers et similaires devrait atteindre 3,2 millions de tonnes en 2025, contre 2,8 millions de tonnes en 2020. Cela n’est pas le fait du hasard et c’est dû à plusieurs facteurs. Il y a d’abord les rejets des eaux usées non traitées ou partiellement traitées, souvent en raison de stations d’épuration défectueuses ou surchargées. Ensuite, il y a les déchets ménagers et les résidus industriels qui sont déversés dans la mer, à travers les oueds ou les canaux d’évacuation. Sans parler des plages qui se trouvent à proximité des ports ou des zones industrielles, comme celle de la ville de Radès en banlieue sud, ce qui augmente également le risque de contamination. En outre, de nombreuses communes déversent encore directement leurs eaux usées dans la mer, faute de stations d’épuration fonctionnelles ou suffisantes. Le réseau de l’ONAS est souvent saturé ou mal entretenu. Cela est aussi dû à l’attitude des baigneurs eux-mêmes qui jettent des sacs plastiques, des bouteilles, des emballages ou même des mégots de cigarettes. Les communes manquent de moyens humains et techniques pour assurer un nettoyage régulier. A côté de cela, il y a le rejet des matériaux à la suite de constructions illégales, avec l’empiètement sur les zones naturelles, qui aggrave la dégradation de l’écosystème côtier.
Nécessaire campagne de sensibilisation des citoyens
Interdire la baignade dans ces plages a donc pour but de préserver les citoyens des risques sanitaires. Samir Ouerghemmi, directeur général de la Direction de l’hygiène du milieu et de la protection de l’environnement (DHMPE) au ministère de la Santé, a mis en garde, au cours d’une récente intervention sur les ondes d’une radio de la place, contre les risques sanitaires liés à la pollution bactériologique des eaux de baignade. Il a souligné que la DHMPE effectue des prélèvements deux fois par mois en été et une fois par mois en hiver sur l’ensemble du littoral. Mais cela reste insuffisant, car il faut surtout une surveillance plus renforcée. C’est pour cela que la solution n’est pas uniquement dans l’interdiction des baignades dans certaines plages dont on publie la liste à chaque début de la saison estivale. Une liste qui ne fait d’ailleurs que s’allonger d’année en année, avec des plages qui étaient auparavant magnifiques et qui deviennent dangereuses à cause de leur haut degré de pollution. Car, à côté du traitement de ces plages par les autorités compétentes, avec un renforcement du nettoyage durant la haute saison, il est nécessaire d’y renforcer le contrôle. Une rénovation et une extension des stations de traitement des eaux usées est nécessaire. Sans oublier les campagnes de sensibilisation, notamment ciblant les jeunes, les estivants et les écoles.
Rôle des collectivités dans la création d’une autorité de gestion du littoral
Actuellement, en l’absence de conseils municipaux élus, il revient au Conseil des régions et des districts d’assumer la responsabilité de la gestion environnementale du littoral. Cela pourrait notamment passer par la création d’une autorité unique chargée de la protection du littoral ou l’élaboration de plans spécifiques à chaque zone côtière, en partenariat étroit avec la société civile. Ces mécanismes pourraient, à terme, intégrer les représentants municipaux une fois les élections locales organisées. La pollution des plages tunisiennes n’est plus un désagrément saisonnier, mais un enjeu environnemental majeur, aux répercussions durables. Si des mesures sérieuses ne sont pas prises rapidement, c’est tout un pan de notre patrimoine naturel, touristique et économique qui risque de disparaître. Selon le rapport 2025 du site de référence « NUMBEO », qui a évalué la pollution dans 113 pays, la Tunisie se classe au 37ᵉ rang mondial avec un score de 70,1, ce qui traduit une situation environnementale préoccupante. L’Agence nationale de protection de l’environnement (ANPE) ne manque pas de souligner les efforts engagés par les autorités publiques. Cependant, ces efforts demeurent insuffisants face à l’ampleur du phénomène, notamment sur les plages, où les déchets, les eaux usées et l’urbanisation incontrôlée continuent de nuire gravement à l’environnement et au tourisme. Il est donc urgent d’adopter des mesures concrètes, durables et coordonnées, aussi bien au niveau national que local. Cela implique une meilleure gouvernance du littoral, une mobilisation citoyenne et la mise en œuvre de politiques de prévention et de répression efficaces. Car préserver nos plages, c’est aussi préserver l’économie nationale, le cadre de vie des citoyens et l’image de la Tunisie à l’international. Agir maintenant, c’est protéger l’avenir.
Ahmed NEMLAGHI