Par Slim BEN YOUSSEF
Relancer le tourisme sans restaurer le paysage revient à servir un séjour sans lieu, un pays sans visage. Il faut le dire sans détour : la Tunisie souffre d’un excès d’indifférence – plages souillées, villes qui suffoquent, campagnes livrées à l’arbitraire. Notre pays a tout, sauf ce qui relie : l’attention, la continuité, l’entretien. Le soleil ne suffit pas. Il faut l’horizon – et un peu d’âme. Une énergie, une histoire, un geste d’hospitalité inscrit dans le paysage.
Aujourd’hui, on vend des ruines sans souffle. Le touriste, lui, cherche un lieu, une énergie, un pays habité.
Les responsables ne peuvent plus pérorer : l’heure est aux gestes. À force de circulaires, plus rien ne circule. Ni les idées, ni les outils, ni la volonté, ni le courage. Un paysage propre n’est pas un luxe, sauf pour ceux qui préfèrent les discours aux balais. Chaque responsable, du plus modeste au plus haut, devrait devenir un poète du concret, un artisan de l’avenir. Pas pour embellir les ruines, mais pour esquisser un monde – bâtir l’inédit.
Cela exige des politiques audacieuses : lois neuves, fiscalité verte, urbanisme réinventé. Mais aussi des gestes modestes : vider une benne, sauver un arbre, ranimer une fontaine — redonner à la matière sa dignité, à l’eau son chant. Car la prospérité commence dans la poussière qu’on balaie. Et c’est dans le soin du banal que se mesure la grandeur d’un pays.
Qu’est-ce que l’environnement ? L’infrastructure silencieuse de toute économie durable. Il précède les chiffres, façonne les récits, soigne – ou infecte.
Le tourisme, lui, est une conséquence. Un reflet – beau mais fragile. Il dépend de ce qu’on voit, de ce qu’on respire, de ce qu’on croit. Il mesure autant la beauté que l’aptitude d’un pays à la préserver. C’est une industrie de l’apparence, mais aussi une apparence du vrai. Et il y a des vérités qui puent.
L’enjeu est plus vaste que la propreté : il touche à l’imaginaire. Une Tunisie rêvée s’esquisse comme une peinture du bonheur – alliance douce entre nature, architecture et humanité.
Pour une nouvelle poétique du paysage ? Le tourisme commence par le regard. Et le regard, lui, ne ment pas : il cherche un lieu où reposer – et commence, souvent, par ce qu’il peut aimer.
