Le Sahara n’a jamais été une frontière. Depuis des millénaires, il unit les peuples du Maghreb et de l’Afrique, de la Tunisie jusqu’aux confins de la Libye et du Niger, dans un dialogue silencieux gravé sur la pierre. Aujourd’hui, cette mémoire commune s’invite en Russie, où Moscou accueille une exposition photographique inédite dédiée aux pétroglyphes et aux peintures rupestres du Sahara libyen, un patrimoine qui résonne profondément avec l’identité tunisienne.
Le 3 juillet prochain, la Maison des Nationalités de Moscou inaugure l’exposition « Pétroglyphes et peintures rupestres du Sahara libyen » à l’occasion du 70e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Russie et la Libye. Cet événement, soutenu activement par l’Ambassade de Russie en Tunisie, le bureau de Rossotroudnitchestvo à Tunis et la Maison russe à Tunis, témoigne d’un intérêt croissant pour les patrimoines partagés entre le Maghreb et le reste du monde.
Pour la Tunisie, cet événement n’est pas un simple fait divers culturel. Il rappelle l’existence d’un patrimoine saharien commun, qui s’étend des oasis de Tozeur aux plateaux du Fezzan, et qui attend d’être valorisé par nos institutions culturelles et nos universités.
Un Sahara qui nous unit
Les paysages sahariens tunisiens portent en eux le même souffle que les massifs de l’Akakus ou du Tassili n’Ajjer. Les gravures rupestres découvertes dans le sud tunisien à Ain Charchara, ou les peintures de Ghar Jedid, font écho à celles présentées à Moscou, créant un pont entre nos montagnes et nos dunes.
L’exposition dévoile près de 100 œuvres photographiques signées N.A. Sologubovsky, qui transportent le visiteur dans les musées à ciel ouvert du Sahara libyen : le wadi Mathendoush, l’Uweinat, et le massif de l’Akakus, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces sites racontent quatre grandes ères de l’art rupestre saharien : l’époque des chasseurs, celle des pasteurs, l’ère du cheval, et enfin celle du chameau, retraçant plus de 12 000 ans d’histoire humaine.
Des gravures d’animaux majestueux aux scènes pastorales colorées, en passant par les représentations de chars et de cavaliers, ces images dévoilent un Sahara vivant, où l’homme s’est exprimé avec une sensibilité artistique surprenante, malgré l’austérité du climat.
Pour la Tunisie, un appel à valoriser notre Sahara
Cette exposition à Moscou doit inspirer la Tunisie. Nous possédons, nous aussi, des trésors sahariens méconnus du grand public. Entre Chenini, Douiret, les dunes de Ksar Ghilane et les plateaux de Tataouine, des gravures et des peintures attendent d’être étudiées, restaurées et intégrées dans des circuits culturels, capables d’attirer non seulement des visiteurs locaux mais également un tourisme culturel de qualité.
L’art rupestre saharien est une clé pour comprendre les origines de l’humanité, les migrations anciennes, et l’évolution des climats qui ont façonné nos terres. Il nous rappelle que le désert n’est pas un vide, mais un espace de création et de vie, qui unit les communautés transsahariennes dans une histoire commune.
Cette exposition à Moscou s’inscrit dans une dynamique de diplomatie culturelle que la Tunisie peut renforcer avec ses partenaires africains et russes. Grâce au soutien de l’Ambassade de Russie en Tunisie et de la Maison russe à Tunis, des coopérations peuvent se tisser entre chercheurs tunisiens, libyens et russes pour documenter, archiver et diffuser ce patrimoine au-delà des frontières.
Il serait d’ailleurs pertinent que cette exposition puisse voyager prochainement à Tunis, à Tozeur ou à Gabès, permettant au public tunisien de redécouvrir visuellement cette partie de son patrimoine partagé.
Quand la culture éclaire l’avenir
Alors que la Libye poursuit son chemin vers la stabilité, cette exposition est un message d’espérance et de fraternité maghrébine. Elle rappelle que la culture peut unir là où les défis politiques et économiques divisent. Elle souligne l’importance d’investir dans la protection du patrimoine saharien, menacé par les changements climatiques, le vandalisme et l’oubli.
Pour la Tunisie, ce moment est une invitation à se reconnecter avec son identité saharienne, à encourager ses jeunes chercheurs, photographes, cinéastes et artistes à explorer le désert non pas comme une contrainte, mais comme une source d’inspiration et de compréhension du monde.
À l’heure où le Sahara semble souvent synonyme d’exil et de drames, il est aussi le théâtre d’une mémoire collective qui transcende les frontières. Grâce à cette exposition à Moscou, la Tunisie est invitée à reprendre ce dialogue ancien avec son Sahara et à le partager avec le reste du monde.
Mona BEN GAMRA