Entre mai et juin, surtout le mois de mai, le secteur du tourisme semblait retrouver son souffle, boosté par une hausse notable des réservations au premier semestre 2025, alors que les perspectives pour le mois de juin s’annonçaient moins optimistes. Dans une déclaration accordée à la radio Diwan FM, Ahmed Bettaïeb, président de la Fédération Tunisienne des Agences de Voyages (FTAV), a dressé un tableau contrasté de la situation, entre dynamisme retrouvé et tensions conjoncturelles.
Au 31 mai 2025, les indicateurs de fréquentation touristique affichaient une progression encourageante. Les réservations dans les hôtels ont connu une hausse de 10,5% par rapport à la même période de l’année précédente.
Cette performance à deux chiffres a été portée, selon Ahmed Bettaïeb, par une augmentation significative des arrivées depuis les principaux marchés émetteurs, notamment la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Algérie.
Cette dynamique est le fruit de plusieurs facteurs : une meilleure visibilité de la destination tunisienne sur les plateformes internationales, une campagne de promotion menée depuis le début de l’année par l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) et un retour progressif de la confiance des opérateurs étrangers. À cela s’ajoute l’attractivité des prix pratiqués en Tunisie, souvent plus compétitifs que ceux proposés dans d’autres pays du bassin méditerranéen. Cette reprise intervient après plusieurs années marquées par l’instabilité politique durant la décennie noire, la pandémie de Covid-19 et les fluctuations économiques mondiales. Elle est perçue par les professionnels du secteur comme le signe d’un retour à la normale et d’un repositionnement de la Tunisie comme destination de choix, notamment pour le tourisme balnéaire et familial.
Un mois de juin en demi-teinte
Mais cette reprise, bien qu’encourageante, ne semble pas encore suffisamment solide pour résister à certaines turbulences extérieures. En effet, selon le président de la FTAV, les chiffres pour le mois de juin 2025 sont « en deçà des attentes et des prévisions initiales ». Une situation qui s’explique principalement par des facteurs exogènes.
D’une part, la récente flambée de tension au Moyen-Orient, marquée par une guerre éclair de 12 jours entre l’Iran et l’entité sioniste, a eu un effet dissuasif sur les déplacements dans toute la région MENA. Bien que la Tunisie n’ait pas été directement concernée par le conflit, la perception d’un climat d’insécurité généralisé dans le voisinage a pu refroidir certains touristes, notamment européens, encore sensibles aux risques géopolitiques.
D’autre part, plusieurs aéroports européens ont été touchés par des grèves, notamment en France, en Allemagne et en Espagne, perturbant de nombreuses liaisons vers la Tunisie. Ces perturbations logistiques ont contraint certains voyageurs à annuler ou reporter leur séjour, affectant ainsi les réservations du mois de juin.
Une fragilité structurelle à prendre en compte
Cette situation met en lumière la vulnérabilité structurelle du tourisme tunisien face aux événements extérieurs. Malgré les efforts considérables déployés pour améliorer l’accueil, la qualité des prestations et la diversification de l’offre touristique, le secteur reste fortement tributaire des fluctuations géopolitiques, économiques et sociales mondiales.
Pour Ahmed Bettaïeb, il est désormais essentiel que les professionnels du secteur adoptent une approche plus proactive et résiliente. Cela passe par une meilleure anticipation des risques, une adaptation continue des offres aux attentes des marchés, mais aussi par un renforcement de la collaboration entre les agences de voyages, les hôteliers, l’administration et les transporteurs aériens.
Vers une stratégie de diversification
Face à l’instabilité conjoncturelle, la FTAV plaide également pour une diversification plus marquée des segments touristiques. Le tourisme culturel, saharien, écologique et médical est encore sous-exploité, alors qu’il pourrait représenter une source de revenus plus stable, moins exposée aux effets saisonniers et géopolitiques. Le président de la FTAV insiste aussi sur l’importance du tourisme intérieur, encore peu valorisé malgré un potentiel important. Encourager les Tunisiens à voyager à l’intérieur du pays — notamment à travers des tarifs préférentiels, des partenariats avec les établissements hôteliers et une communication ciblée — pourrait permettre de pallier partiellement les effets des baisses de fréquentation étrangère.
Malgré la baisse des réservations enregistrée pour le mois de juin, les professionnels gardent espoir pour la suite de la saison estivale. Le mois de juillet, période de pointe pour les flux touristiques, pourra bénéficier d’un effet de rattrapage si les conditions internationales s’apaisent et que les efforts de promotion se poursuivent. Les voyageurs en quête de soleil, de plages et d’authenticité continuent de considérer la Tunisie comme une destination attractive.
Mais pour que cette attractivité se traduise en chiffres durables, il faudra aller au-delà du conjoncturel. Il est temps pour le secteur touristique de construire une stratégie résiliente, tournée vers l’avenir, en s’appuyant sur l’innovation, la diversification et une gestion plus intégrée des aléas extérieurs.
Leila SELMI
