La notion d’habitat informel décrit les formes d’habitat illégal édifié en dur sur des parcelles achetées par les ménages. Cette notion n’écarte pas celle relative à l’habitat spontané qui décrit la totalité du phénomène en Tunisie. La notion d’habitat spontané se référait à des quartiers insalubres de squatters construits avec des matériaux de récupération. Le développement de ce type d’habitat s’est produit dans les grandes et moyennes villes et même dans les petites villes situées à la périphérie des régions urbaines. . Rejetés par le système formel où les prix ont franchi largement la barrière d’accessibilité sous l’effet d’un foncier plus rare et objet de forte spéculation, les ménages les plus démunis rejoignent la filière de l’habitat informel.
Au cours des trois dernières décennies, l’extension urbaine s’est accompagnée par la prolifération de l’habitat spontané, des quartiers d’habitations qui se produisent anarchiquement. Mais en effet, ces quartiers constituent actuellement l’un des problèmes les plus importants dont souffrent nos villes, en devenant le décor de tout tissu et une de ses véritables composantes. Ils influencent sur l’espace urbain et provoquent un dysfonctionnement de l’ensemble du système urbain, une morphologie urbaine désordonnée, et une rupture et une incohérence spatio-fonctionnelle dans le tissu urbain. Ces quartiers engendrent essentiellement une pauvreté urbaine qui déforme et détruit l’image de la ville et diminue sa valeur. Alors, un consensus s’est formé sur la nécessité d’intervenir au sein de ces quartiers par des opérations d’intégration pour mieux les insérer dans la ville et améliorer les conditions de vie des habitants,
38 % des bâtiments construits chaque année sans permis légal
Le marché du logement informel s’approche désormais des 40 % de la production. Les statistiques officielles indiquent que 38 % des bâtiments construits chaque année en Tunisie le sont en dehors des zones établies et sans permis légal, selon le même document, qui signale également que la Tunisie enregistre environ 80 000 nouveaux logements par an, dont 29 000 sont des constructions informelles. Ces constructions informelles ont été lancées sans le respect de la réglementation en vigueur. La plupart sont dépourvues de réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement. Elles affichent aussi des insuffisances criantes au niveau des autres infrastructures de base comme les voiries, les services publics et les espaces verts. Généralement, ces quartiers sont implantés en périphérie des villes, dans les anciennes médinas ou les centres urbains montants qui relevaient du monde rural. L’essor démographique aidant, leur population n’a cessé de croître, poussant les propriétaires de ces logements à ériger de nouvelles surévaluations non autorisées. Pour remédier à cette situation, le gouvernement ambitionne de s’attaquer de plus près à cette problématique en vue d’ améliorer les conditions de vie des habitants en initiant des programmes d’amélioration de cet habitat insalubre. L’Etat cherche à intégrer ces secteurs dans le paysage urbain. L’occupation irrégulière de l’espace urbain, les constructions sans normes, la vitesse avec laquelle l’habitat informel se prolifère posent un véritable calvaire aux intervenants. C’est dans ce cadre que le bureau de l’Assemblée des représentants du peuple a transmis, lors de sa réunion du jeudi dernier, une proposition de loi visant à régulariser la situation des bâtiments construits en violation des permis de construire ciblant près d’un million de Tunisiens qui habitent dans ces quartiers Ce texte a été renvoyé à la Commission de la planification stratégique, du développement durable, des transports, des infrastructures et de l’aménagement du territoire pour examen.
1400 quartiers informels
Le projet de loi, présenté par un groupe de députés, est divisé en 12 chapitres qui précisent les catégories concernées par la régularisation, la valeur de l’enregistrement de la propriété et les procédures les plus importantes pour obtenir ce bénéfice. Selon le premier chapitre, le projet de loi vise à régulariser le statut immobilier et juridique des habitations construites sans permis légal ou en violation des exigences de construction avant le 31 décembre 2025. Le projet de loi vise à permettre à 800 000 à 1 million de Tunisiens, répartis dans plus de 1 400 quartiers informels, d’obtenir des certificats de propriété leur permettant de posséder des biens afin d’améliorer leurs conditions de vie et d’obtenir des prêts pour créer de nouveaux emplois.
Le chapitre 2 de la proposition de loi stipule que les dispositions de cette loi incluent les maisons construites sur des propriétés privées sans respecter les procédures légales et les règlements urbains municipaux, tout en stipulant que les procédures de régularisation ne peuvent inclure les maisons construites sur des propriétés publiques de l’État ou sur des zones classées comme dangereuse
Le chapitre 3 stipule que tout citoyen tunisien qui prouve qu’il est propriétaire du terrain sur lequel la propriété est construite, qu’il respecte les normes urbanistiques de la zone et qu’il ne porte pas atteinte aux droits d’autrui ou à l’environnement bénéficiera des procédures d’implantation.
Les chapitres 4 et 5 définissent les procédures de présentation et d’examen des demandes de règlement, tandis que le chapitre 6 définit la valeur de l’enregistrement de la propriété en faveur de l’État en fonction de la zone. Les chapitres 7, 8, 9, 10 et 11 sont consacrés aux modalités d’obtention du certificat d’établissement et aux avantages accordés au bénéficiaire. L’article 12 de la proposition de loi stipule que tout contrevenant au droit de la construction réglementé par des licences délivrées par la municipalité ou l’autorité locale à compter de la promulgation de la présente loi sera puni par la démolition de la construction édifiée sans licence ou par l’imposition d’une sanction financière égale à 3 fois la valeur du terrain sur lequel la propriété a été édifiée. Il est vrai que le renouvellement urbain représente un levier fondamental pour relever les défis contemporains des villes. Il est une forme d’évolution de la ville, qui se réinvente en recyclant ses ressources bâties et foncières (logements vacants, habitats insalubres, commerces, bâtiments industriels, équipements publics, …) en prenant en compte des enjeux sociaux, économiques, environnementaux et architecturaux. En tant que politique publique, le renouvellement urbain permet ainsi de réhabiliter des quartiers dégradés et informels en Tunisie , de renforcer l’attractivité des territoires et d’améliorer le cadre de vie des habitants
Kamel BOUAOUINA
