La campagne d’exportation des dattes tunisiennes pour la saison 2024/2025 connaît un ralentissement significatif. De nombreux indicateurs économiques, publiés récemment par l’Observatoire National de l’Agriculture (ONAGRI), témoignent d’un repli, tant en valeur qu’en volume, qui pourrait inquiéter les acteurs de la filière, pourtant réputée pour sa solidité et son ancrage dans le commerce extérieur tunisien.
Entre le début de la campagne, en octobre 2024, et la fin du mois de juin 2025, les recettes générées par les exportations de dattes ont atteint 771,7 millions de dinars.
Ce chiffre, bien qu’élevé, traduit une baisse de 3,8% par rapport à la même période de la campagne précédente. Le volume des exportations a lui aussi connu un fléchissement de 5,7%, avec un total de 121,5 mille tonnes exportées.
Ce double recul – en valeur comme en tonnage – s’explique par une combinaison de facteurs, notamment la conjoncture économique mondiale, les coûts logistiques et la pression concurrentielle sur les marchés étrangers. Malgré une demande relativement stable, les prix affichés cette année témoignent d’un ajustement à la baisse, notamment pour certains segments de niche comme les dattes biologiques.
Des destinations toujours diversifiées, mais en mutation
Les pays importateurs de dattes tunisiennes restent fidèles, même si certains marchés montrent des signes de ralentissement. L’Union européenne demeure la première destination, absorbant 43,4% des quantités exportées. Elle est suivie par le continent africain (24,2%) et l’Asie (20,7%), ce qui souligne la capacité de la filière à maintenir une diversification géographique appréciable.
Le Maroc, avec une part de 19,2%, reste le principal importateur des dattes tunisiennes, suivi par l’Italie (11,8%) et la France (8%). Ces trois pays concentrent à eux seuls près de 40% des exportations totales, confirmant la dépendance partielle de la filière à quelques marchés stratégiques.
Les dattes biologiques à la peine
Le segment des dattes biologiques, bien qu’en croissance ces dernières années, enregistre une baisse marquée cette saison. À fin juin 2025, les quantités exportées de dattes certifiées bio ont chuté de 8,1%, atteignant 6,7 mille tonnes, pour une valeur globale de 59,5 millions de dinars, soit un repli de 26,4% en termes de revenus.
Ce décalage important entre la baisse des volumes et celle, bien plus forte, des recettes, met en évidence une pression sur les prix à l’export. En moyenne, les dattes biologiques ont été cédées à 8,90 D/kg, avec de fortes disparités selon leur nature : 7,89 D/kg pour les produits bio classiques, 9,93 D/kg pour les dérivés et seulement 2,94 D/kg pour celles destinées à un usage industriel.
La baisse de performance sur ce segment peut s’expliquer par la contraction de la demande sur les marchés européens, principal débouché de ces produits, mais aussi par une concurrence plus féroce de pays producteurs qui misent également sur les filières biologiques comme levier de différenciation.
L’Allemagne en tête des marchés bio
L’Allemagne se maintient comme premier importateur des dattes tunisiennes certifiées bio, représentant à elle seule 30% du total de ce segment. Elle est suivie par les Pays-Bas et la Belgique, chacun avec 12%. Si ces marchés restent solides, la baisse de la demande ou des prix pratiqués témoigne peut-être d’une saturation ou d’un recentrage vers des produits à plus forte valeur ajoutée.
Un appel à la réorganisation de la filière
Face à ce tableau en demi-teinte, les professionnels de la filière sont appelés à réagir. La baisse des recettes interpelle, d’autant plus que la Tunisie reste l’un des premiers exportateurs mondiaux de dattes, avec un savoir-faire reconnu et une qualité de production qui fait l’unanimité.
Pour inverser la tendance, plusieurs pistes peuvent être envisagées : renforcement des certifications de qualité, amélioration des conditions de stockage et de transport, diversification accrue des marchés et soutien à la transformation locale des dattes en produits dérivés à plus forte valeur ajoutée.
Le segment bio, malgré sa contraction cette année, pourrait également rebondir à condition d’être mieux structuré, appuyé par des campagnes de communication ciblées et des accords bilatéraux avec des pays à fort potentiel.
La baisse des revenus liés aux exportations de dattes tunisiennes, bien que préoccupante, n’est pas une fatalité. Elle invite à une remise en question stratégique de la filière, afin de consolider les acquis, d’innover dans la commercialisation et d’anticiper les évolutions du marché international. La richesse de la production tunisienne, notamment la renommée de la Deglet Ennour, constitue un socle solide sur lequel bâtir un avenir plus résilient pour ce secteur clé de l’agriculture nationale.
Leila SELMI
