Le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche a annoncé, lors d’une récente réunion consacrée à l’évaluation de la situation générale de l’approvisionnement en produits agricoles sur l’ensemble du territoire, la constitution d’un stock régulateur de pommes de terre d’environ 11 000 tonnes pour l’année 2025, dans le cadre d’un programme global avoisinant les 45 000 tonnes. À ces quantités s’ajoutent des stocks traditionnels estimés à 20 000 tonnes, ainsi que des réserves supplémentaires hors programme de régulation, qui s’élèvent à 45 000 tonnes.
Cette réunion, tenue en présence du ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, Ezzeddine Ben Cheikh, et du ministre du Commerce et du Développement des exportations, Samir Abid, a permis de faire le point sur les indicateurs de prix et de mettre un accent particulier sur les produits sujets à des perturbations structurelles ou affectés par des facteurs conjoncturels, à l’image de la pomme de terre.
Cette démarche s’inscrit pleinement dans les préparatifs à la baisse saisonnière de production en automne, une phase caractérisée par un déficit structurel de production qui favorise souvent l’émergence de pratiques spéculatives.
Des mesures pour sécuriser l’approvisionnement et lutter contre la spéculation
Dans ce cadre, il a été décidé de mettre en place des mesures préventives et exceptionnelles afin d’assurer la continuité de l’approvisionnement. Le renforcement du contrôle des circuits de distribution des produits agricoles, et en particulier de la pomme de terre, durant cette période critique, constitue l’un des leviers majeurs pour limiter les pratiques spéculatives observées lors de l’année dernière. Par ailleurs, les autorités ont rappelé que la préservation du pouvoir d’achat des citoyens reste une priorité absolue dans l’action de l’État.
Il a notamment été décidé de renforcer la coordination entre les structures centrales et les cadres régionaux, sous la supervision des gouverneurs, afin de garantir la régularité de l’approvisionnement et la stabilité des prix. Un appui particulier sera également apporté aux petits agriculteurs pour faciliter la commercialisation de leurs produits via les circuits organisés, tout en rapprochant davantage les pouvoirs publics des préoccupations du monde agricole.
Dans le même esprit, le dispositif de contrôle sera intensifié à différents niveaux. Il s’agira notamment de suivre de manière rigoureuse les entrepôts frigorifiques, de multiplier les contrôles conjoints sur les routes et d’organiser des campagnes de vérification aux échelles centrale et régionale. Un suivi quotidien et précis des quantités de pommes de terre stockées sera assuré, en coordination étroite avec les structures de contrôle et les forces de sécurité.
En parallèle, un programme méthodique d’importation de la pomme de terre a été mis en place. Ce dispositif tiendra compte des besoins du marché local, des quantités nécessaires et des périodes d’importation, tout en garantissant une qualité optimale. L’objectif est de consacrer pleinement le rôle social de l’État en imposant aux importateurs de vendre leurs produits à des prix réglementés afin de maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande, en particulier durant la baisse saisonnière de production en automne.
La gestion des quantités saisies de pommes de terre sera également mieux encadrée, avec l’assurance qu’elles seront injectées dans les circuits légaux et organisés, pour couper court aux spéculations. De plus, les opérateurs privés seront tenus, sous le contrôle de l’État, de déverser leurs stocks dans les circuits officiels selon des modalités précises. Le rôle des marchés de gros sera ainsi consolidé en tant que pivot essentiel pour assurer la régularité de l’approvisionnement et freiner l’envolée des prix. Ainsi, les procédures de contrôle sur les routes seront harmonisées pour garantir la fluidité de la circulation des produits agricoles à travers tout le pays.
Pommes de terre : une consommation annuelle de près de 30 kg par habitant en Tunisie
Dans ce contexte, il est utile de rappeler que la consommation moyenne de pommes de terre par habitant en Tunisie est estimée à environ 30 kilogrammes par an, comme l’a indiqué Anouar Harrathi, membre de l’Union tunisienne de l’Agriculture et de la Pêche (UTAP), chargé du commerce intérieur. Selon lui, la production nationale dépasse les 450 000 tonnes annuellement, tandis que la consommation mensuelle s’élèverait à quelque 360 000 tonnes.
Ces données sont confirmées par l’Observatoire national de l’Agriculture (ONAGRI), qui souligne que la pomme de terre est devenue un produit alimentaire de base en Tunisie. Selon les statistiques de la FAO, la consommation annuelle par habitant a ainsi dépassé 30 kg, contre 22,6 kg en 1990.
La production de pommes de terre en chiffres
La production tunisienne de pommes de terre est largement dominée par la variété Spunta, qui représente à elle seule 86% du volume total. Selon les données de l’Observatoire national de l’agriculture pour l’année 2014, cette production s’organise autour de quatre cycles culturaux distincts, l’arrière-saison (41%), l’extra-primeur et primeur (8%), ainsi que la saison principale (51%).
La superficie moyenne dédiée à la culture de la pomme de terre avoisine les 23 000 hectares, ce qui correspond à environ 15% de la superficie maraîchère totale. La majorité de ces cultures est irriguée, avec 89% des surfaces équipées de systèmes de goutte-à-goutte.
La région du Cap Bon conserve sa place de leader national en matière de production, tant pour la consommation locale que pour la production de semences, contribuant respectivement à 46% de la production. Par ailleurs, les régions du Centre et du Sud regroupent plus de 5 000 hectares de cultures, 3 700 hectares pour l’arrière-saison et 1 300 hectares pour la saison principale, avec une production avoisinant les 90 000 tonnes.
Néanmoins, la filière pomme de terre fait face à plusieurs obstacles qui freinent son développement. Parmi les principaux défis figurent des rendements relativement faibles, estimés à 15 tonnes par hectare en 2014, une forte dépendance aux semences importées, ainsi que la volatilité des prix des intrants agricoles, facteurs qui influent négativement sur la contribution globale de cette filière à la production agricole nationale.
Nouha MAINSI
